Publié le 25 Septembre 2023

Une partie de la littérature contemporaine, très certainement, en veut au mâle blanc, au mâle occidental. Le vocable lui-même de « mâle » que tous emploient, vocable qui animalise les hommes, est passé dans les mœurs, personne ne semble s’en offusquer. Mais imaginons que nous parlions de « femelles noires » pour évoquer les femmes d’origine africaine (par exemple), je crains que beaucoup crieraient au scandale, au sexisme et au racisme. C’est ce genre de permutation qui éclaire la situation de l’homme blanc, aujourd’hui.

Patrice Jean

Tout ce qui est excessif est insignifiant.

Talleyrand

 

Basil Clavering, (Royale), Storyette EX FJSS print, 1950s Courtesy Rupert Smith Collection
Basil Clavering, (Royale), Storyette EX FJSS print, 1950s Courtesy Rupert Smith Collection

 

De nombreux philosophes ont fait l’éloge de la marche, notamment Nietzsche qui va jusqu’à écrire, que « seules les pensées qu’on a en marchant valent quelque chose ». Si ça se trouve, cet été, on a foulé les mêmes chemins que lui, en tous cas, les mêmes merveilleux paysages… Pourtant, je ne me souviens pas qu’une quelconque pensée fulgurante m’ait alors traversé l’esprit… Pour que ça fonctionne, il doit falloir aussi être philosophe… et marcher en solitaire.

En compagnie, pour philosopher, la dialectique est une méthode éprouvée depuis la Grèce antique. La dialectique trouve son origine dans la pratique du dialogue entre deux interlocuteurs ayant des idées différentes en vue de discerner le «faux » du «vrai » savoir, par un échange de questions et réponses, d’arguments et d’objections, permettant notamment d’établir les contradictions d’un discours.

Bon, ça, c’est pour la théorie, car en pratique, même pour des sujets plus au ras des pâquerettes, « le coeur a ses raisons que la raison ignore ». J’en ai fait encore l’amère expérience avec Anna, la compagne de Max, durant deux semaines passées ensemble.

 

Lac de Braies - Trentino Alto Adige -Italie
Lac de Braies - Trentino Alto Adige -Italie

 

L’objet de notre principal différend ? Le militantisme néo-féministe d’Anna. J’utilise volontairement le qualificatif de néoféministe comme d’autres agitent « l’épouvantail néolibéral », alors que le capitalisme et le libéralisme économique ont constitué un réel progrès de civilisation avant de connaître de sérieuses limites, et, soit dit en passant, pourraient bien avoir joué un rôle fondamental dans l’émancipation des femmes, une thèse défendue de manière convaincante par Vera Nikolski dans son essai Féminicène. Il s’agit ainsi de signifier ma pleine adhésion aux mouvements d’égalité de droits entre les sexes qui ont eu lieu au cours du siècle dernier, tout en donnant une connotation péjorative à ce qu’est devenu le féminisme : une dénonciation permanente virulente contre tous les hommes pourtant en fâcheuse posture, au moment même où la liberté et le pouvoir des femmes en Occident sont à leur comble.

 

 

 

La chaîne Arte noyautée par les femmes

Maxime partage sans doute une partie des idées d’Anna, mais il s’est en général tenu sur la réserve au cours de nos conversations où j’ai nourri nos échanges de faits saillants relevés à ce sujet dans quelques articles de mon blog. Pour ne pas me répéter, je citerai seulement une découverte que j’ai faite plus récemment étayant l’hypothèse d’hégémonie culturelle des femmes dans les médias et la culture que je fréquente. Comme dans Télérama, depuis quelques temps, je ne trouve plus autant de films, documentaires et émissions qui m’intéressent sur la chaîne Arte et le site arte.tv. C’est peut-être un effet de l’âge (« tout passe, tout lasse, tout casse »), mais plus certainement ce militantisme néo-féministe qui, en s’immisçant plus ou moins explicitement dans un trop grand nombre de contenus, m’exaspère.

Comme dans le même temps, j’ai également fait le constat que lorsqu’on parcourt le site, notamment les rubriques « toutes les émissions » et « s’informer », l’homme paraît une espèce proche de l’extinction, j’ai voulu savoir qui était aux manettes, en faisant un tour dans l’organigramme d’Arte France.

Je savais que la directrice d’Arte Emelie De Jong, qui était aussi directrice des programmes, venait d’être nommée par la pédégée de Radio France, Sibyle Veil (encore une femme), à la direction de France Culture pour remplacer une autre femme Sandrine Treiner, partie après des accusations de management « brutal ». J’ai depuis trouvé qu’elle a été remplacée par Ingrid Libercier qui était directrice des productions et des acquisitions, et je relève enfin que, parmi les cinq unités « « programmes », quatre ont été confiées à des femmes, une seule à un homme à l’unité « connaissance » (un peu cliché non, de confier au seul homme la science et la technique ?).

 

arte.tv toutes les émissions capture 3

 

Je n’ai pas trouvé l’organigramme des sous-directions mais ce vieil organigramme avec 7 femmes pour deux hommes, montre que la discrimination à l’égard des hommes ne date pas d’hier. Les seules nominations récentes que j’ai trouvées, sont aussi des femmes : Agnès Olier à la direction de l’unité « Fiction », Mathilde Michel à la direction de l’unité « Arts et Spectacles ».

Dans le même temps, la Chaîne se targue de mener « une politique active pour améliorer la parité femmes-hommes dans les instances dirigeantes du groupe. ARTE veille également à plus d’égalité devant et derrière la caméra – auteures, présentatrices, réalisatrices, productrices – et contribue à renforcer la visibilité des femmes dans l’espace public. »

Or, chez Arte France, on se trouve visiblement aujourd’hui dans une situation d’inversion des inégalités. « Améliorer la parité hommes-femmes » en ne nommant plus que des femmes dans les instances décisionnelles et devant la caméra, est une bien étrange manière de concevoir la parité, injuste pour les hommes et inadmissible dans une structure publique financée par nos impôts. Est-il nécessaire de rappeler que l’objectif de parité sexuelle, c’est un objectif d’attribution de 50 % des postes à des femmes, et l’autre moitié à des hommes. Il est impossible que des candidatures masculines de qualité ne se soient pas présentées.

Malheureusement, ce n’est pas un sujet, encore moins que l’échec des garçons à l’école. Faites des requêtes portant sur « les inégalités subies par les hommes » sur les moteurs de recherche et même ChatGPT, les seules informations en réponse qui vous seront fournies, portent sur « les inégalités subies par les femmes ».

 

L'actrice Adèle Haenel, lors d'une manifestation #MeTooTheatre, pendant la cérémonie des Molière à Paris en mai 2022. © AFP - Edouard Monfrais  Hans Lucas
L'actrice Adèle Haenel, lors d'une manifestation #MeTooTheatre, pendant la cérémonie des Molière à Paris en mai 2022. © AFP - Edouard Monfrais Hans Lucas

 

La domination féminine, phase nécessaire à l’avènement d’une société égalitaire ?

Lorsque j’ai fourni, entre autres, cet exemple de domination culturelle féminine/féministe chez Arte à Anna, elle m’a rétorqué sans ciller que ça ne pesait pas en comparaison des siècles de domination masculine, et qu’en quelque sorte, c’était une rééquilibrage nécessaire.

Bel esprit de revanche ! Lui ai-je objecté, irais-tu jusqu’à dire que cette domination féminine (et l’infériorisation des hommes qu’elle implique) est indispensable pour obtenir l’égalité entre les sexes, à l’instar des pères du communisme qui prônaient la dictature du prolétariat comme phase transitoire et nécessaire à l’avènement du communisme et d’une société sans classes.

Ma mère, 84 ans, ne lui a pas laissé le temps de répondre à ma provocation : « comme je te l’ai déjà dit Anna, pas une fois dans ma vie, je me suis sentie dominée par les hommes, je considère avoir bénéficié d’une liberté historique. Le combat féministe actuel, en Occident, très agressif, qui infériorise les hommes, et « qui accuse le genre masculin tout entier », m’inquiète car je crains qu’il nourrisse une guerre des sexes et qu’il soit le chemin le plus sûr vers la solitude, pour les femmes comme pour les hommes, alors que nous avons besoin les uns des autres.  […]

Anna souscrit également à la nécessité de la convergence des luttes, de celle des femmes et de celle des minorités sexuelles contre le « système patriarcal ». Rien à dire là dessus a priori, si ce n’est que je me suis aperçu qu’on n’avait pas la même conception de ces minorités.

 

Le fléau social n°4 -1973 Le fond de l'air effraie, vu à l'exposition "Over the rainbow" au Centre Pompidou
Le fléau social n°4 -1973 Le fond de l'air effraie, vu à l'exposition "Over the rainbow" au Centre Pompidou

 

Dans un Canard Enchaîné de juin 2023, un dessin de Soph'
Dans un Canard Enchaîné de juin 2023, un dessin de Soph'

 

La novlangue des minorités sexuelles et de genre

Je continue à considérer que, en ce qui concerne l’orientation sexuelle qui n’est qu’un facteur d’identité parmi beaucoup d’autres, la plupart des personnes sont hétérosexuelles, une petite minorité est homosexuelle (guère plus que 4 % de la population ; un sondage récent fait certes état qu’un jeune sur 5 de la génération Z se déclare LGBT, toutefois je propose de les retrouver dans 5 ans pour savoir où ils en sont), et un nombre encore plus insignifiant de bisexuels. Quand on regarde du côté de l’identité de genre, une ultra minorité (dont le vacarme les concernant est inversement proportionnel à leur nombre) souffre d’une dysphorie de genre qui les conduit (ou pas) à se faire opérer et à se voir prescrire à vie des hormones pour se rapprocher morphologiquement de leur identité de genre, dans une démarche qu’on peut qualifier de transhumaniste. Ensuite, on trouve des asexuels, soit des personnes n’ayant aucun appétit sexuel, dont le nombre croîtrait (un enquête de l’IFOP en février 2022, dont on devrait s’inquiéter, constate que 43 % des jeunes de 15 à 24 ans n’avaient eu aucune relation sexuelle en 2021). Enfin on recense un nombre infinitésimal d’intersexuels pour ce qui est du genre biologique.

 

Hermaphrodite endormi (1e moitié IIe s. ap. J.-C.)  au Musée du Louvre
Hermaphrodite endormi (1e moitié IIe s. ap. J.-C.) au Musée du Louvre

 

Lili, Wilma, et des ami.e.s, Casa Susanna, tirage argentique, Hunter, New York, 1964-1967
Lili, Wilma, et des ami.e.s, Casa Susanna, tirage argentique, Hunter, New York, 1964-1967

 

Comme Anna utilisait dans une de nos conversations le terme de « queer », ma mère lui a demandé de qui elle parlait. Elle lui a donné la définition officielle, quelque chose ressemblant à  « personne dont l'orientation ou l'identité sexuelle ne correspond pas au modèle social hétéronormé », en précisant que « queer » était au départ une insulte homophobe, ce que j’ai confirmé. En revanche, ayant suivi de très loin les innovations langagières récentes pour qualifier toutes les combinaisons de l'orientation ou l'identité sexuelle, en m’appuyant sur ce que Jean-Luc Verna a qualifié d’« alphabet people » (les LGBTQIA+), j’ai avancé une définition beaucoup plus restrictive, à savoir que les « queer » devaient faire référence à des gens qui n’étaient ni homosexuels (LG), ni bisexuels (B), ni transexuels (T) ni intersexués (I), ni asexuels (A), à savoir… je ne voyais toujours pas qui entrait dans cette catégorie. Pas pu m’en empêcher, c’est mon côté matheux, une typologie est une partition, le Q de la partition ne peut contenir les autres lettres, sans considérer que cette catégorisation pêche en ce qu’elle mélange orientation sexuelle et identité de genre, deux choses bien différentes.

 

"Queer Magazine" University of Sydney Union 1993
"Queer Magazine" University of Sydney Union 1993

 

Mais ce n’est pas tout, contrairement à nous, Anna maîtrise sur les bouts du doigts les néologismes des minorités sexuelles comme cisgenre ou non binaire.

Rien de comparable à la machine à sous (et de guerre) de la néo-féministe Caroline de Haas, toutefois le féminisme et les minorités sexuelles, c’est un combat pour Anna mais aussi un gagne-pain, notamment dans le cadre des cercles de parole et d’écoute qu’elle anime. C’est ainsi que Gabriel qui venait d’installer Instagram, m’a dit avoir lu sur son compte une proposition comportant le bel oxymore de « mixité choisie (sans hommes cis) ». On a dû se consulter pour vérifier qui étaient les hommes cis exclus (des mecs qui n’ont nullement envie d’être des femmes, dont Gabriel et moi-même). Munis de cette définition on a alors calé sur « mixité». Qui faisait alors partie de cette fameuse « mixité choisie » ? Pour moi comme pour une majorité d’entre nous, la notion est simple et particulièrement illustrée dans le domaine de l’éducation à la fin du siècle dernier. Dans mes jeunes années, la mixité à l’école, ce fut l’arrivée des filles dans les classes quand j’étais en 4e chez les frères Maristes. Quand on déforme les mots de la sorte, comment se comprendre ? Comment peut-on encore communiquer ?

Sur une page de l’université d’Angers « le mois du genre » on peut lire :

La mixité choisie est le fait de se réunir entre personnes appartenant à une ou plusieurs minorités opprimées et discriminées en excluant la participation de personnes appartenant aux groupes pouvant être oppressifs et discriminants (par exemple entre femmes et minorités de genre mais sans hommes cisgenres).

 

C’est cohérent avec l’objet de notre différend, les hommes sont exclus car, par essence « oppressifs et discriminants » pour « les femmes et minorités de genre », seules autorisées à participer à ces cercles. Mais alors dans les groupes d'Anna, quelles « minorités de genre » peuvent se joindre aux femmes ? Si je comprends bien, les hommes qui se ressentent femmes, mais qu'en est-il des "non binaires" ? On n’a pas eu le courage de lui demander.

Entre parenthèses, cette page de l’université d’Angers fournit un échantillon de ce que produit la novlangue inclusive : les points médians qui perturbent la lisibilité de la page et l’usage de l’affreux « toustes », qu’ont adoptés Anna et Max (tout comme « iel » que je n’ai pas eu encore l’occasion d’utiliser, n’ayant jamais croisé un(e) des « 22 % des 18-30 ans déclarant ne pas se reconnaître dans le schéma filles/garçons »). J’ai eu beau leur lire la définition de « tous » : « la totalité des humains », ils n’en démordaient pas, il était urgent de le remplacer par « toustes ».

Si Anna défend la séparation des sexes dans sa pratique professionnelle et qu’elle affectionne ses moments entre copines, un bouquin qu’elle a laissé trainé sur une table, m’a instantanément rebuté par son titre : « Á l’écart de la meute, sortir de l’amitié masculine ». Une fois de plus, quand les hommes ont l’heur d’avoir des amis, ils se retrouvent dans le camp du Mal (et les femmes bien sûr dans le camp du Bien) car leurs amitiés constitueraient le terreau du patriarcat et du sexisme. L’auteur, Thomas Messias, y enjoint les hommes à « se détacher des hommes », à « refuser de rester plus longtemps les complices actifs de cette solidarité masculine si destructrice, qui favorise l’entre - soi, sature l’espace public et protège les individus les plus nuisibles. » Rien que çà !

 

Jacques Brel - Jef (1964)

 

« Une idéologie diffuse, nihiliste, qui tente d’abolir la catégorie fondamentale : l’opposition hommes-femmes »

« Par définition, le patriarcat implique une différenciation fondée sur le genre », à savoir le masculin et le féminin (« vidéo Brut, mai 2020). Quand le patriarcat n’est plus une norme, parce que le combat pour l’égalité entre les sexes a été remporté, la tentation est grande de penser continuer à le combattre en éliminant cette différenciation. C’est précisément la question que pose Emmanuel Todd dans son essai « Où en sont-elles ? » : « Je sens une dynamique de l’érosion des identités qui prend son autonomie sociale et conduit à un trouble identitaire généralisé, dont le point d’aboutissement est le flou et une idéologie diffuse, nihiliste, qui tente d’abolir la catégorie fondamentale : l’opposition hommes-femmes. »

Que Paul B. Preciado avec son histoire personnelle spécule (de manière souvent fumeuse) sur cette abolition, je comprends, qu’il occupe une telle place sur la scène médiatique ne laisse pas d’étonner.

Une émission d'Arrêt sur Image en 2018, m’a permis de voir à quoi pouvait ressembler un « non binaire », en la personne d’un certain Arnaud Gauthier-Fawas. Il est à craindre que ce héraut jovial de la « non binarité » desserve durablement la cause.

 

Paul B. Preciado : trans révolutionnaire - L'invité de Sonia Devillers

Arrêt sur Image 2018 - Arnaud Gauthier-Fawas, administrateur de l'Inter-LGBT qui a organisé la Marche des fiertés à Paris : "Je ne suis pas un homme, Monsieur"

Fabrice Eboué - Enceint (2022)

 

 

Végétarisme, antispécisme, écologie, refus de procréer et « cancel culture »

Mais pour revenir à Anna et Max, à ce fatras idéologique s’ajoute leur végétarisme intégriste devenu commun chez les jeunes de leur âge. Je dis intégriste car contrairement à la génération précédente des Querqy qui ont eu une éducation végétarienne à base de produits bio, qui continue à influencer leur manière de s’alimenter, sans s’imposer (ni l’imposer aux autres d’ailleurs) ces interdits notamment dans leur vie sociale. Viande, volaille, poisson, charcuterie sont, pour ce jeune couple de trentenaires, un interdit alimentaire aussi implacable que celui de la viande qui n’est pas halal pour nos deux nièces converties à l’Islam.

Persuadés de détenir la vérité, tous deux trouvent normal qu’on leur prépare un plat de substitution, si le plat principal comporte un peu de chair animale, et tout aussi naturel quand ils sont de cuisine d’imposer au groupe, par exemple, une tartiflette dont les lardons ont été remplacés par un légume (un piètre succédané qui nous a laissé un souvenir mémorable).

L’antispécisme d’Anna (et de Maxime) qui fonde en partie leur choix d’être végétariens, est ma foi respectable, cependant il interroge quand vous constatez qu’Anna qui semblait ailleurs ce matin et vous a dit à peine dit bonjour, s’est soudain jetée sur le chien de ma mère, Hercule II (Hercule décédé a été remplacé par son clone) en s’écriant « EH COUCOUUUU MON BÉBÉ D’AMOUR ! VIENS FAIRE UN CALIIIIN ! », ou quelque chose dans le genre, suivi de longs ébats bruyants avec le jeune chien forcément devenu excité par tant d’effusions.

Anna et Maxime sont également très attachés à leurs trois chats, dont la présence empêche, soit dit en passant, toute possibilité d’hospitalité de leur part. Vous ne serez dés lors pas surpris d’apprendre qu’Anna, comme 30 % des femmes d’aujourd’hui en âge de procréer, ne veut pas d’enfant.

 

BARBAQUE réalisé par Fabrice Éboué, avec Fabrice Éboué et Marina Foïs (2021)

 

Dans le même genre, bien plus jeune qu’Anna, ma nièce Nausicaa, toujours étudiante, talentueuse, mais sans doute aussi enfant trop gâtée, est également féministe, écologiste, végétarienne, tout ça dans une version radicale, et, elle aussi, refuse d’avoir des enfants. Comme elle était absente cet été en Ardèche, j’ai demandé de ses nouvelles à sa mère, sachant qu’elle sont proches au point de se faire des séjours de vacances en duo, sans Melvil et les garçons. Alexandra a soupiré qu’avec Nausicaa, leur relation était devenue compliquée : « On ne peut plus parler de grand-chose sans se trouver en franc désaccord. » - « Vous avez pourtant des sujets d’intérêt commun, me suis-je étonné, les arts, la culture, la lecture, la décoration… » - « Jusqu’à récemment oui, mais avec les arts et la culture, on marche sur des œufs, la liste des artistes et des œuvres dont on ne doit plus parler ne cesse de s’allonger, si ce n’est pour les dénoncer. » - « Comme la polémique sur Picasso ? » - « Par exemple. » - Oh ma pauvre ! Ce néo-féminisme aussi hystérique qu’agressif m’exaspère. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il est surtout porté par des femmes qui n’aiment pas les hommes. [...]» Alexandra n’a bien sûr pas relevé mais, n’ayant jamais vu un seul garçon dans l’environnement de sa fille qui est vraiment d’une beauté peu commune, toujours entourée de jeunes filles, je soupçonne Nausicaa d’être lesbienne... ou asexuelle.

 

La semaine de Naïm du 24/9/23, du bon humour consensuel car dirigé contre ceux qui ont le pouvoir

 

Au cours d’un de nos échanges avec Anna, je me suis aussi interrogé sur la possibilité de continuer à créer des œuvres de l’esprit avec l’obligation de ne blesser personne dans une monde tombé dans la sensiblerie, et l’usage devenu délicat des stéréotypes sans lesquels il n’y a pas de narration possible, qu’impliquent l’idéologie «woke ». Par exemple, les ficelles à tirer pour faire rire en respectant ces règles m’apparaissent comme beaucoup plus restreintes. Même si, comme disait Pierre Desproges, « on peut rire de tout mais pas avec tout le monde », il y a fort à parier qu’on rira de plus en plus entre-soi, dans des groupes toujours plus riquiquis.

A cet égard, j’ai trouvé très bizarre qu’Anna n’ait pas ri une seule fois en regardant le film « Irréductible », ni même fait un commentaire à la fin du film. Cette absence de réaction me l'a presque rendue inquiétante : rire est une pratique de sociabilité.

 

"Le problème avec les féministes, c'est qu'elles manquent d'humour", dessin de Vuillemin
"Le problème avec les féministes, c'est qu'elles manquent d'humour", dessin de Vuillemin

 

Rictus, une série créée par Arnaud Malherbe et Marion Festraëts avec Fred Testot sur OCS

 

L’avertissement envoyé aux femmes par Vera Nikolski

Pour conclure sur ce sujet, plutôt que d’évoquer l’effet en retour de ce militantisme destructeur des relations entre les femmes et les hommes, à propos duquel Juliette Cerf de Télérama a fait un dossier « hors-sol » titré “Backlash”, quand le patriarcat contre-attaque (le backlash ou contrecoup), il me semble plus intéressant d’attirer l’attention sur l’avertissement envoyé aux femmes par Vera Nikolski dans son essai Féminicène, déjà cité. Cette féministe reproche aux militantes pourtant souvent engagées aussi dans un combat écologique, l’insouciance dont elles font preuve en ne s’en tenant qu’à un militantisme idéologique de dénonciation permanente, avec beaucoup d’antagonismes et d’insatisfaction, qui ne mise que sur le Droit, sans se préoccuper de la place des femmes dans la nouvelle civilisation matérielle que vont engendrer les crises écologiques, économiques et politiques à venir. Selon l’essayiste, elles devraient passer d’un féminisme des doléances à un féminisme du « faire », notamment en investissant le champ des sciences et techniques.

 

"Le féminisme est-il obsolète ?" Avec Peggy Sastre, Véra Nikolski et Laetitia Strauch-Bonart - le Club Le Figaro juin 2023

 

Pas sûr toutefois que cela soit suffisant. En effet, que vont devenir les femmes, leurs droits, avec des temps plus durs qui deviendront forcément plus violents ? Comme le souligne Eugénie Bastié qui l’interroge dans l’émission "le féminisme est-il obsolète", en Ukraine, en ce moment, on sait ce qu’est un homme et ce qu’est une femme. Seuls les hommes sont envoyés au combat, plus de 6 millions de femmes se sont réfugiées à l'étranger avec leurs enfants, et pour cause, les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables face aux "ravages de la guerre", à commencer par les violences sexuelles.

Aujourd’hui, comme dans cette sombre perspective, Laëtitia Strauss-Bonart, également présente sur le plateau, rappelle une évidence : « les femmes ont intérêt à ce que les hommes aillent bien, elles n’ont aucun intérêt à inférioriser les hommes. »

 

Michael Leonard changing 1981 acrylique
Michael Leonard changing 1981 acrylique

 

 

The Blaze "Territory" (2017) avec Dali Benssalah sur le clip

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