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Publié le 12 Mai 2016

Valentin de Boulogne "Les quatre âges de la vie" (c. 1626) National Gallery Londres

Valentin de Boulogne "Les quatre âges de la vie" (c. 1626) National Gallery Londres

Il aurait bientôt cinquante ans. La plus grande partie de sa vie était déjà passée. Il ne pouvait pas revenir en arrière, recommencer à zéro. Quelques années plus tôt, il avait failli prendre la décision de quitter la police et de choisir un autre métier, par exemple responsable de la sécurité dans une entreprise. Il avait découpé des petites annonces, il s'était presque résolu à y répondre, puis, à la dernière minute, il avait renoncé. Maintenant, ça n'arriverait plus. Il resterait policier. Et il ne quitterait jamais Ystad. Il passerait encore au moins dix ans dans son bureau du commissariat. Puis, il franchirait les portes vitrées pour la dernière fois, dans la peau d'un retraité, et ce qui se passerait alors, il n'en avait pas la moindre idée.
Où trouverait-il la force ? Il scruta la mer dans l'espoir d'une réponse. Il n'y avait que la houle.

« Les morts de la Saint-Jean » d'Henning Mankell (1997)

"Le sens de la vie" ("The meaning of life") des Monty Python (1983)

Maria Callas "Casta Diva" - Norma de Vincenzo Bellini (1831)

Cette année, l'INSEE a réalisé une étude dont les conclusions ne sont pas particulièrement renversantes : si les Français ont en moyenne 6 amis, en vieillissant, ils en ont de moins en moins, le phénomène étant moins marqué pour les « riches et diplômés ». Il est permis de penser qu'il en va de même sur le réseau social FB où « l'amitié » n'y a tellement rien à voir avec celle de Montaigne et La Boétie que ses membres affichent en moyenne 100 amis et plus.

Dans la catégorie des études enfonçant des portes ouvertes, j'ai également lu qu'une marque de brosses à dents a commandité en 2013 une étude sur le rire et la joie de vivre des Français. Elle conclut contre toute attente que plus on vieillit, moins on a l'occasion de se marrer : « Un jeune de moins de 25 ans rit environ 7 fois par jour, tandis qu'un senior ne rit que 4 fois par jour ».

Aujourd'hui par exemple, je suis loin d'être sûr d'avoir ri. Souri sans doute, ironisé peut-être. D'ici que je doive me prescrire des shows d'humoristes pour stimuler ce spasme ! Du porno et du Viagra pour la libido, des humoristes pour le rire.« The show must go on! »

Le sens de la vie

Florence Foresti commence ainsi son dernier spectacle : « Je me suis mise au yoga (elle termine sa « salutation au soleil »), j'ai eu 40 ans. Je n'allais pas me mettre à la varappe. […] A 40 ans, tu arrêtes de fumer, tu arrêtes de boire, tu arrêtes aussi de vivre d'ailleurs. 40, c'est le début de la fin, c'est la descente aux enfers, c'est la décrépitude, c'est la dégénérescence […] Je suis au fond du gouffre, je n'ai plus aucune confiance en l'avenir, 40 ans ? Quel avenir ? Ma prochaine aventure, c'est le cancer.  […] De toute façon, la vie n'a aucun sens. Enfin si, … celui de la sortie.»

Au cours du spectacle, la mère de famille entrevoit toutefois un répit en se voyant refuser en tant que quadra l'accès à une fête de quinquagénaires qui s'éclatent, ce qui lui fait dire : «50 ans, c'est l'adolescence avec une Carte bleue, je vais adorer."  

L'espoir fait vivre. La Carte bleue, passe encore, mais l'adolescence ? Quand tu n'as pas eu de gosses à élever et à entretenir, l'adolescence, tu connais ça par cœur pour l'avoir pas mal prolongée.

Le sens de la vie

"Chala, une enfance cubaine" de Ernesto Daranas

« A l’adolescence, puis-je lire, tout change, au niveau du corps comme de la tête. » Avec la senescence, tout change aussi. En pire bien évidemment. Année après année, son cerveau lâche mon père. Un IRM a constaté son atrophie. Sur le chemin du retour d'Ardèche, j'ai pris le volant pour nous amener à la gare de TGV. Papa qui disait son intention de me relayer à mi-chemin du parcours, se l'est vu refuser par ma mère au motif qu'il avait perdu son permis. En fait, elle a caché le document car, s'il connaît par cœur ce trajet (il le confirmera par son copilotage oublieux du fait que moi aussi j'aurais pu faire ce voyage les yeux fermés), il n'a plus la capacité de réagir à un événement imprévu.

Au dépose-minute de la gare, j'ai tendu le ticket à ma mère. Gabriel et moi étions sur le point de les quitter lorsque ma mère s'est écriée : « J'ai perdu le ticket pour sortir. » Pour une fois que ce n'était pas mon père qui perdait quelque chose, il se vit confier la surveillance d'Hercule pendant que nous avons fouillé de fond en comble le véhicule. Bizarrement, car le pessimisme n'est pas vraiment sa nature, ma mère ne cessait de dire « Tu vas voir qu'on ne va pas le retrouver. » Ce qui m'a contraint à répéter plusieurs fois : « Dans un lieu clos, on ne peut que le retrouver. »

En retournant les poches de sa polaire, j'ai extirpé un petit papier qui m'a fait m'exclamer : « On est sauvé ! » Il y avait écrit : Demandez et on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et on vous ouvrira, car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à qui frappe, on ouvrira. Luc XI, 5-8. On a tous ri, même ma mère. J'ai finalement trouvé ce foutu ticket dans la documentation de la montre GPS qu'on vient d'acheter à mon père. Ce dernier commence à se perdre en vélo et avec le récepteur ma mère devrait pouvoir le retrouver. Les essais effectués dans les montagnes ardéchoises n'ont pas toujours été concluants. Était-ce la faute à une météo pourrie ou à une couverture insuffisante de l'opérateur téléphonique (la communication entre la montre et le récepteur se fait par SMS) ? Heureusement, ma mère est parvenue à le localiser facilement plusieurs fois le lendemain à Bourg. Elle a peiné parfois à se repérer sur le terrain avec l'aperçu des cartes pas toujours précises de Google, mais l'outil l'a rasséréné. Chapeau la vieille (77 ans) !

En écrivant ces lignes, il me revient obstinément en mémoire le roman de Jonathan Franzen «Les corrections » que m'avait chaudement recommandé Sarah et qui raconte une famille partant en capilotade, en particulier le père, affligé de la maladie de Parkinson doublée de symptômes d’Alzheimer, et au-travers d'elle aussi la déroute de l'Amérique. Dans la situation actuelle, un livre particulièrement contre-indiqué pour mes parents, comme pour le reste de la famille.

 

Le dernier match / la partida d'Antonio Hens (2014)

Le dernier match / la partida d'Antonio Hens (2014)

"Le dernier match" ("La partida") d'Antonio Hens (2014)

En fin de parcours de la soixantaine, Mireille revient elle d'un voyage à Cuba avec sa copine de vadrouille. L'horreur ! C'était déjà trop tard. Des touristes partout, la croix et la bannière pour se trouver un hébergement, tout très cher. Quand je pense qu'on a failli nous aussi y aller ! On a été bigrement inspiré de lui préférer le Brésil. Avec la levée de l'embargo américain, tout ce que notre entourage avait aimé à Cuba, a disparu. Reste les mecs, mais ça fait un bail que ça n'intéresse plus Mireille, même d'un point de vue purement esthétique.

" La Sociologue et l'Ourson" de Mathias Théry et Etienne Chaillou

Selon Darek et Jorge qui viennent de passer devant Madame le Maire (notre premier mariage gay), Cuba est unique pour la tension sexuelle omniprésente que font régner ces machos de cubains. A cet égard, Gabriel et moi avions entraperçu quelques spécimens particulièrement appétissants dans un émouvant documentaire « Le rideau de sucre » (« El telón de azucar ») , notamment à l'occasion d'une "campagne de récolte de canne à sucre". Dans ce document, la fille de Patricio Guzman revient sur les traces de sa jeunesse passée en exil sur l'île durant cet âge d'or où Cuba s'était affranchi de la tyrannie économique grâce aux subsides de l'URSS...

« Le rideau de sucre » (« El telón de azucar ») de Camila Guzman Urzua (2005)

Le sens de la vie

Comme au Brésil, l'origine de « la beauté cubaine » tient dans le métissage de sa population. « La beauté française » aussi du reste. Pourquoi donc voyager ?

Paris is voguing - bande annonce

VICE Proletarian French Voguers

Alex Beaupain - Loin

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #vivre, #famille, #touriste, #les années, #culture gay, #rire

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