Paris olympique
Publié le 16 Septembre 2024
Fluctuat nec mergitur (Il est battu par les flots, mais ne sombre pas)
A Linz, ce 26 juillet, les filles n’auraient pas raté la cérémonie d’ouverture des JO pour tout l’or du monde, on les a donc rejointes dans leur chambre pour le spectacle commenté et sous-titré en allemand. Il m’est alors revenu le mot plein d’imagination que fit le 26 juin 1875 le président Mac Mahon face à une crue de la Garonne à Toulouse : « Que d’eau ! Que d’eau ! », suivi du commentaire du préfet zélé qui l’accompagnait : « Et encore, Monsieur le Président, vous n’en voyez que le dessus !»
Après les sabotages de l’ultra-gauche, à quelques heures de la cérémonie, qui ont affecté 800 000 passagers de TGV, ces JO de Paris ne démarraient pas sous les meilleurs auspices. Malheureux artistes ! D’ici qu’ils se cassent la figure en glissant ! J’ai tremblé pour eux. Et ces pianos dégoulinants, un crève-cœur ! « Jeux d’eau » de Ravel s’est sans doute imposé par la Seine, mais sous ces trombes de pluie, ils étaient presque trop raccords, pour ne pas dire redondants. Entre deux « tableaux », le défilé des bateaux des délégations de plus en plus détrempées tendant à devenir un brin répétitif, avec tous ces pays microscopiques pour la plupart inconnus, j’ai tué le temps en révisant mes paradis fiscaux.
Bertrand Chamayou - "Jeux d'eau" (Ravel)
Miraculeusement, ce déluge a rendu épique le spectacle offert, faisant de Paris une fête sublime forçant l’admiration. « Des mégastars, une créativité folle, une ode à « l’inclusion » : la cérémonie d’ouverture des JO de Paris a suscité un enthousiasme quasi unanime, y compris à l’étranger », écrit l’AFP. L’agence de presse d’enfoncer le clou : « Le spectacle aura aussi été une ode à la diversité, mettant les femmes à l'honneur, tout comme la communauté LGBT+ ».
Cette « ode à la diversité » (j’ai lu aussi «à l’inclusion») n’a pas plu à tout le monde mais les cris d’orfraie m’ont paru aussi prévisibles et convenus que l’objet du scandale, tellement dans l’air du temps (der Zeitgeist).
Le tableau « Festivité » ne cassait pas trois pattes à un canard dans le genre folklorique, plus « Priscilla folle du désert » que Village People
C’est sans doute le tableau « Festivité », célébrant les « personnes queer » comme on dit aujourd’hui, qui a fait le plus couler d’encre outragée. Pourtant il ne cassait pas trois pattes à un canard dans le genre folklorique, plus « Priscilla folle du désert » que Village People : un banquet de convives au régime (avec rien à croûter), où trône une DJette bien en chair (lesbienne ai-je lu), et au milieu duquel défilent des hommes déguisés en femmes maquillées comme des voitures volées (des drag-queens, dont l’une avec une barbe à faire peur), en faisant des mines outrancières (pour les néophytes, ça s’appelle maintenant le voguing), avant de laisser la place à Philippe Katerine en « Schtroumpf-Dionysos dans son plus simple appareil (plus une guirlande de fleurs ajustée où il faut) » qui se lance « dans un hymne de maternelle dernière section sur la nudité ».
Les mêmes ont aussi glosé sur « le trouple » du tableau « Liberté » ; Christophe Despaux qui a écrit dans l’Incorrect, l’article le plus drôle et le plus piquant sur la cérémonie que j’ai lu (ce qui ne signifie pas que je suis d’accord avec tout ce qu’il écrit), évoque « le grotesque trio à la BnF inspiré du très surcoté Jules et Jim avec ses gandins maquillés et ses rapiéçages d’Arlequin, avant une partie à trois où on peine à imaginer la grue qui parviendra à obtenir de quiconque, fille incluse, une bandaison en bonne et due forme. »
Dans les deux cas, on ne voit pas trop le rapport avec la choucroute des JO, mais bon, pourquoi pas, n’oublions pas que c’était notre Jolly Thomas qui était aux manettes !
Simone Weill, Gisèle Halimi, Olympe de Gouges, Louise Michel et consœurs ont dû se retourner dans leur tombe d'être maltraitées de la sorte
Pour ce qui est de « la mise à l’honneur des femmes », en dehors du fait qu’il m’a semblé ne voir qu’elles dans cette cérémonie (les métalleux en façade de la Conciergerie furent la bonne surprise), et sans compter que la Cène/Banquet du tableau « festivité » était aussi une autre manière de les célébrer, on a eu droit à ce navrant tableau « Sororité » consistant à faire émerger l’une après l’autre de la Seine les statues d’un doré bien terne de soldates, pour la plupart inconnues du public, de la libération des femmes dans notre pays. Nul doute que Simone Weill, Gisèle Halimi, Olympe de Gouges, Louise Michel et consœurs ont dû se retourner dans leur tombe d'être maltraitées de la sorte, car bon sang de bonsoir ces statues sont d’un kitsch… pour ne pas dire franchement vilaines. La Maire de Paris souhaite pourtant les conserver afin de réduire «le déficit de visibilisation des femmes dans l’espace public parisien» (l’idéologie rend décidément aveugle). Dieu merci, on échappe pour l’heure de devoir croiser ces horreurs, leur facture en résine leur interdisant d’être placées en extérieur comme le voulaient des élues de Paris.
En revanche, « l’ode à l’inclusion » fait mouche en réunissant la Garde Républicaine, Aya Nakamura et ses danseuses, même si l’aide du sous-titrage ne suffit pas toujours pour comprendre le sens de ce qu’elle chante (mais ça fait partie de son charme). Magnifique symbole que cette performance du tableau « Égalité » !
« Quelqu’un pour prévenir les organisateurs qu’on ne laisse pas un centenaire en fauteuil sous une pluie battante sans parapluie ? »
Au moment où la flamme fut passée à un vieillard sur sa chaise roulante au pied du Palais de Chaillot (« quelqu’un pour prévenir les organisateurs qu’on ne laisse pas un centenaire en fauteuil sous une pluie battante sans parapluie ? ») et que commencèrent les discours, pris d’un sommeil inéluctable, Gab et moi réintégrâmes notre chambre (on avait pour excuse plus de 40 bornes à vélo dans les pattes). Au réveil, on trouva un message des filles sur le whatsapp du voyage qui nous disait qu’on avait manqué le merveilleux final avec l’allumage du chaudron-ballon et l’interprétation par Céline Dion de l’Hymne à l’amour de Piaf au premier étage de la Tour Eiffel. Bah ! On a tranquillement regardé ça sur le petit écran de nos smartphones en prenant le copieux petit déjeuner sur la terrasse dominant le Danube.
Les meilleurs moments de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris 2024
Rien à dire, cela avait de la gueule, tout autant que ce mois de jeux qui a subjugué le monde entier jusqu’aux Français eux-mêmes : un Paris sublimé par le choix osé de distiller des lieux de compétition dans la ville (Champ-de-Mars, Grand Palais, le Trocadéro, etc.), une organisation et une logistique sans grands accrocs (le New York Times, qui n’est pourtant pas très tendre d’habitude avec la France, parle d’un “triomphe de l’ambition” et d’“un miracle de planification et d’exécution”), des performances exceptionnelles d’athlètes, et surtout partout une atmosphère bienveillante, joyeuse voire euphorique. Comme le souligne si bien le Wall Street Journal : «la plus grande surprise des JO de Paris : c’est que même les Français n’ont aucune raison de se plaindre. » A l’heure où « la parenthèse enchantée » se referme, sachons garder à l’esprit ce moment où le pays a eu des raisons d’être fier !
«La plus grande surprise des JO de Paris : c’est que même les Français n’ont aucune raison de se plaindre. »
Nous avons vécu ces JO de loin par médias interposés. C’est ainsi : la conviction depuis mon enfance des bienfaits du sport ou du moins de l’activité physique ne s’est jamais accompagnée du plaisir de le regarder. Confinés, sans doute l’aurions nous fait, entraînés par d’autres également mais l’on s’est occupé autrement, c’était les vacances. Toutefois, de la même manière que je peux parfois m’intéresser à la mode parce qu’elle est montrée sur le corps des plus jolis garçons de notre planète, je ne boude pas de regarder de temps à autres des athlètes pour leur exploits, mais aussi leur physique remarquable, lorsque leur discipline le met en valeur.
De ce point de vue, oubliez par exemple le judo, les disciplines reines sont la natation et le plongeon qui continuent à imposer pour des raisons techniques le slip de bain Speedo comme unique vêtement de sport.
Le speedo bulge, tellement homoérotique...
A la différence des shorts de bain plus ou moins longs, le Speedo laisse voir ce que les anglosaxons appellent le bulge (bosse, renflement) du sexe de celui qui le porte. Si j’en juge les images postées sur des comptes gay SFW (safe for work), le speedobulge est même un genre en soi car homoérotique : il permet de voir sans tout à fait tout montrer, le cerveau faisant le reste, sans compter toutes ces questions que se posent un garçon désireux d’en porter un, en premier lieu « comment puis-je éviter une érection en speedo ? »
Grâce aux réseaux sociaux et sans doute aussi à l’été propice aux sujets « sexe », nous avons pu relever quelques « informations » « sous la ceinture » qui y tournaient, relayées par des journalistes, telle que la photo du plongeur de 22 ans Jules Bouyer au paquet avantageux, lequel a réagi sainement en disant : «Je préfère qu’on regarde mes plongeons plutôt que mon slibard. » Ou le malheureux perchiste Anthony Ammirati, privé de finale après que son sexe a fait tomber la barre lors des qualifications, qui a vu les compteurs de ses comptes de réseaux sociaux s’affoler, et même se voir proposer 250.000 dollars en échange d’une séance d’exhibition d’une heure via une webcam par une plateforme pornographique en mal de buzz. En guise de réponse, l’athlète de 21 ans a posté avec beaucoup d’autodérision sur TikTok une vidéo sur laquelle il a écrit : « tu fais plus de buzz pour ton paquet que pour tes perfs » en rajoutant en légende : « je sais pas trop si je dois le prendre bien ou pas du coup ».
Restez en contact avec vos athlètes favoris sur OnlyFans !
On a aussi appris que pour s’en sortir financièrement et rentabiliser leur investissement physique, quelques dizaines d’athlètes olympiques partageaient des images de leur corps athlétique sur la plateforme OnlyFans, avec des fans qui les paient pour y accéder et interagir avec eux. Si OnlyFans est essentiellement utilisée pour la diffusion de porno (lien NSFW), l’ex-médaillé d’or australien en plongeon, ouvertement gay, Matthew Mitcham dit que la majorité des athlètes présents sur cette plateforme ne font pas de contenu pornographique. Quatre plongeurs britanniques en ont fait de même pour des raisons identiques. Parmi eux, j’ai également appris que mon chouchou depuis longtemps, Tom Daley, 30 ans déjà, s’était marié et avait maintenant deux enfants conçus par GPA dont s’occupe son mari Dustin dans les tribunes. Impossible également de ne plus savoir, que depuis le confinement Covid, il est devenu aussi champion de tricot qu’il pratique sur des pièces plus ou moins sophistiquées : de la cock sock ("chaussette fourreau pour pénis", ne me demandez pas à quoi ça sert !) qu’il a offerte à son partenaire Noah Williams, au pull qu’il a tricoté à l’occasion des jeux.
300 000 capotes ? Waou, ça donne à penser...
Quoi d’autre ? 9000 jeunes athlètes des deux sexes réunis au village olympique, ça fait fantasmer alors on a eu plusieurs papiers là-dessus, notamment pour nous dire qu’on avait atteint un record de distribution de préservatifs : 300 000, soit deux par jour et par sportif (et rebelote avec les jeux paralympiques). Pas de quoi s’étonner, « les athlètes sont au sommet de leur forme. Une fois la compétition terminée, ils veulent libérer leur énergie ! » Deux questions tout de même : la récession sexuelle qui touche les pays développés a-t-elle cours parmi les athlètes ? Combien de parties de jambes en l'air homosexuelles ? On ne le saura jamais.
Le lynchage qui a déshonoré les tribunes
Pour finir, une nouvelle que j’aurais préféré ne pas avoir : un des deux joueurs de la sélection néerlandaise de beach volley, Steven Van de Veldele a dû enchaîner les matchs sous les huées. « A chaque service de Steven Van de Velde, c’est le même phénomène, mais sur un mode crescendo : une foule qui hue, qui crie, et qui laisse éclater sa joie si le ballon du Néerlandais finit dans le filet… » La raison de cette infamie ? Steven Van de Velde, a été condamné en 2016 à quatre ans de prison au Royaume-Uni pour le viol d’une jeune fille de 12 ans qu’il avait rencontré sur Facebook, commis deux ans plus tôt, alors qu’il était lui-même âgé de 19 ans. Dans les faits, il a effectué treize mois de prison, car sa peine a été adaptée au droit néerlandais qui, contrairement au droit britannique, a pu retenir que la gamine était consentante. Je hais ce nouveau public lyncheur qui s’assoit sur les décisions de justice, et interdit au condamné qui a purgé sa peine toute possibilité de rédemption.
Aya Nakamura et la Garde Républicaine à la cérémonie d'ouverture des JO de Paris 2024