Publié le 4 Décembre 2006

 

Une fois n’est pas coutume, la saison 1994-95, fut pour nous théâtrale. Grâce à Agnès, la copine de Mireille qui se chargeait de la corvée des réservations, plusieurs fois cette année là, notre quatuor partit en expédition en banlieue pour une « matinée » de théâtre.

 

Un de ces dimanches après-midi d’hiver, je nous revois attendre sous un ciel cafardeux, la navette devant nous amener de la station de métro au théâtre de Gennevilliers, puis nous attabler pour une assiette et un verre de vin vite avalés, avant qu’on ne nous appelle pour la représentation.

 

Ce jour-là, nous partions pour de l’inconnu, un « marathon des planches » : la pièce qu’Agnès avait réservé durait 7 heures et se voyait en deux fois. Certes, la presse était dithyrambique sur l’œuvre,  l’interprétation et la mise en scène de Brigitte Jaques, mais tout de même, n’y avait-il pas risque de s’ennuyer un peu sur la longueur ? Paulo nous avait bien confirmé le talent du metteur en scène, cependant, lui qui connaît tant le théâtre, n’avait aussi jamais manqué de rappeler combien il avait pu y dormir.

 

Il n’en fut rien. Toute la semaine qui suivit, nous attendîmes avec impatience d’assister à la deuxième partie titrée « Perestroïka ». Longtemps par la suite, en grande partie à cause d’ « Angels in America »,  nous déclarions à qui voulait l’entendre notre flamme nouvelle pour « la magie du théâtre », « supérieure à celle du cinéma ».

 

Pourtant, Tony Kushner,  venait d’écrire une terrible histoire, celle de l’irruption du sida au milieu des années 80 dans la vie de quelques new-yorkais. L’histoire d’un couple qui ne résiste pas à la maladie et à l’imminence de la mort de l’un des deux garçons qui devra vivre son calvaire dans la solitude. L ’histoire d’un jeune mormon qui vit son homosexualité dans le placard, celle de sa femme qu’il rend malheureuse et qui fuit la réalité dans le Valium, celle de l’odieux Roy Cohn, débordant d’énergie, anti-communiste acharné comme son mentor Mac Carthy, personnage emblématique de la clique de Reagan, et qui mourra lui aussi, comme les autres, de son sida, avec pour seul garde malade un métis homosexuel très « camp ».

 

L’auteur se définissait alors lui-même comme « socialiste juif gai », et lui qui titra la première partie de sa pièce « Le millénaire approche », questionne non sans angoisse la fin d’un monde, celui de la fin d’une « parenthèse enchantée » homosexuelle balayée par la grande faucheuse du « cancer gay » mais aussi celui du socialisme, remplacée par le capitalisme brutal de la révolution conservatrice reaganienne. Il aborde également deux traits caractéristiques de la société américaine : le communautarisme, en particulier religieux mais aussi, renforcée par l’omniprésence de la maladie et de la mort, la prégnance des religions dans la société américaine.

 

Cette histoire effrayante nous a sans doute autant touché parce que c’était aussi la nôtre, même si nous avons eu la chance d’être de peu d’années, trop jeunes, trop « coincés » et trop « hors ghetto » (comme on commençait à dire dans les petites annonces) pour la vivre de manière trop rapprochée.

 

Comme le sujet d’« Angels in America » est en soi épouvantable et aussi long qu’une agonie, il fallait à Tony Kushner trouver le moyen de permettre à ceux qui la reçoivent de pouvoir s’en échapper de temps à autres, de les autoriser un peu à respirer quelques bouffées d’hallucinations, de délires, de rêves et de merveilleux. A l’instar de ce qu’on appréciera bien plus tard dans « Six feet under », nos personnages croisent des revenants (Roy Cohn hanté par Ethel Rosenberg qu’il a envoyé à la chaise électrique), se retrouvent en Antarctique et conversent avec des anges.

 

 

L’adaptation de Mike Nichols, avec Tony Kushner au scénario, qu’a produite HBO et qu’a diffusé cette semaine France 3, est suffisamment réussie pour qu’on arrive, au moins jusqu’au 5e épisode,  à oublier l’insupportable VF.  En revanche, le dernier épisode de la série n’a pas la force de la fin de la pièce. L ’intervention de l’ange Emma Thompson frise le grotesque. Le combat de Prior contre la mort qui plaide sa volonté de vivre même malade, aux abords du Canope de la villa d’Este est un peu longuet. La musique se fait plus lourde. Notre sentiment tient peut-être aussi à une bonne nouvelle : 5 ans plus tard Prior n’est pas mort de son sida et a pardonné à Lou. Plus de 10 ans après qu’il a écrit son « Angels in America », au vu des progrès réalisés dans le traitement du sida, Tony  Kushner a pu préférer un « happy end ».

 

 

 

 

La pièce        : http://www.theatre-contemporain.net/auteurs/kushner/default.asp

 

La série TV    : http://www.ledevoir.com/2005/11/26/96153.html

 

L’opéra         : http://www.webthea.com/actualites/article.php3?id_article=456

 

D’après Maguy Weill, qui participait au dîner de Colette samedi, et qui l’a vu, c’est « chiantissime ». A vérifier sur notre petit écran.

 

PS1 - Vu l’heure de diffusion des 6 épisodes, France 3  ne peut justifier la VO par le rejet du grand public de la VOST. Etait-ce vraiment plus cher d’obtenir une VOST ? Quand je pense que les français ne cessent de s’autoflageller pour leur médiocrité en langues étrangères,  les pouvoirs publics pourraient commencer par imposer aux chaînes publiques la VOST, au moins pour l’anglais et l’espagnol afin qu’ils s’accoutument aux sons de ces deux langues cousines de la nôtre.

 

PS2 - La même année où Brigitte Jaques montait la pièce, sortait en France le film Philadelphia de Jonathan Demme. « Grâce au sida », si on peut dire, les pédés faisait le sujet d’un film américain grand public. La morale était cependant sauve : Tom Hanks mourrait de son « cancer homosexuel ».

 

PS3 – Lou(is), qui est juif, rappelle un moment la différence entre les religions chrétiennes et le judaïsme : les premières sont selon lui des religions du pardon, le judaïsme, celle de la culpabilité.

Son incapacité à supporter l’agonie de son amant Prior, et donc sa lâcheté, m’ont rappelé qu’il y avait très longtemps que je n’avais pas pris des nouvelles d’Armande. J’ai beau m’occuper de son fils une fois par semaine, ce n’est pas une raison pour me défiler. Lui proposer une courte visite la semaine prochaine.

 

 

 

 Portland (Oregon) 1995

 

Pour se détendre après cet éprouvant sujet :

 

http://www.tetesaclaques.tv/

 

 

Créations de nos cousins québécois, essayez « le pilote » et « le Willi Waller » qui ne posent pas de difficultés de compréhension (lexique, accent).

 

L'arroseur arrosé

 

Sur le site du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers, dans les rubriques « Famille » et « Education »,  on dénonce la décadence morale contemporaine dont témoignent par exemple l’activisme du  «  lobby gay » ou l’autorisation d’un parti pédophile par un tribunal néerlandais.  

 

La vie est parfois cruelle : le fils de Villiers, âgé de 29 ans a été mis en examen suite à la plainte pour « viols » de son frère cadet, 22 ans, une quinzaine d’années auparavant. Autrement dit, un fils de Villiers à l’âge de 14 ans aurait violé son jeune frère de 7 ans. Ça fait désordre, non ?  

 

Bon, l’accusé bénéficie de la présomption d’innocence, d’autant que l’ambiance familiale aurait rendu le cadet quelque peu déséquilibré, ce que l’on comprend sans peine.

 

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-836792,0.html?xtor=RSS-3208

http://www.lefigaro.fr/france/20061122.FIG000000057_villiers_denonce_une_machination_apres_la_mise_en_examen_de_son_fils.html

 

 

  

 

Voir les commentaires

Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #spectacle, #culture gay, #tragique, #les années, #ciné-séries, #famille, #politique

Repost0