Publié le 10 Septembre 2007

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À l’occasion de l’exposition Rodtchenko La révolution dans l'oeil qui est présentée au Musée d'Art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 16 septembre, Connaissance des arts a consacré un hors série à cet artiste emblématique de l’avant-garde soviétique révolutionnaire, un des fondateurs du mouvement constructiviste russe.
 
L’exposition donne à voir non seulement son œuvre photographique, pour laquelle il est semble-t-il le plus connu (photo expérimentale et photo reportage), mais aussi ses nombreux photomontages très « graphiques » qui m’ont fourni quelques idées de bidouillage sur Photoshop. La plupart s’insèrent dans des réalisations de propagande et d’édition, notamment de magazines d’arts graphiques.
 
maiakovski.jpgParmi ces photos, quelques unes d’un bel homme un brin inquiétant, un de ses amis, Maïakovski.

De ce poète, je n’avais pas lu une seule ligne (mais peut-on rendre la beauté d’un poème dans une autre langue que celle dans laquelle il a été écrit, sans sacrifier sa nécessaire « musicalité » ?), je me souvenais juste que le groupe Noir Désir, que m’avait fait découvrir un copain de régiment, disait avoir été influencé par lui.
 
Comme je le trouvais séduisant sur ces portraits, j’ai relu deux fois ce passage de Connaissance des arts écrit par un certain Dominique de la Tour, qui n’avait rien à voir avec « l’œil nouveau » de Rodtchenko :
 
L’heure est au mariage sans messe et au divorce sur un trait de crayon. La charité sexuelle est prônée. L’amour entre hommes fait partie des meubles. Comme dans la Turquie d’Atatürk[1], on s’affuble de noms nouveaux, on réforme le calendrier et la langue. Rodtchenko se rase-t-il la tête ? Toute sa bande fait de même. Le collectivisme bat son plein. Maïakovski fait ménage à trois avec Lili Brik et son mari, et exalte cette situation en publiant à propos de la chose, que « Rodcha » illustre de ses collages mis en pages par Varvara. On écrit les manifestes à trois, on fait des expositions à cinq. [...]
 
rodchenkomayakovskybookcover-lg.jpgSur la première phrase, je suis un poil dubitatif même s’il a déjà été évoqué dans ce blog que le désordre engendré par une révolution pouvait offrir, pour peu de temps, des espaces de liberté nouveaux (Homosexualité et socialisme). Sur la deuxième, « deux garçons, une fille », fait bien « trois possibilités » théoriques, mais rien de ce que j’ai lu sur le poète n’incline vraiment à penser qu’il ait pu être bisexuel.
 
Dans le même ordre d'idées, une rediffusion du Camarades : il était une fois les communistes français d’Yves Jeuland nous a permis de voir dans son intégralité cet excellent (et émouvant) documentaire et de constater, une fois de plus, et même si ce point y est marginal, que le projet communiste était novateur en tous points, sauf sur celui de la liberté sexuelle.
 

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On doit à Yves Jeuland de nombreux autres documentaires de grande qualité dont le formidable document sur l’histoire récente de l’homosexualité en France, que tous les bi-trans-pédés-gouines devraient avoir vu : Bleu, blanc, rose.
 
On n’a donc pas vraiment été surpris lorsqu’il fut soulevé la question de « l’hyper conservatisme » du PC en matière de moeurs.
Alain Krivine y rappelle en particulier la phrase de Jacques Duclos à la tribune du stade vélodrome : « la classe ouvrière hait les pédérastes ! », tandis que Guy Frèche, homosexuel, après s’être vu recommander de se faire soigner par des camarades de cellule, raconte sa solitude absolue et sa dépression durant trois mois, pour avoir été finalement exclu de sa section du PCF.

 
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Jean Genet à Brest (Ernest Pignon-Ernest)
 
Mais ce conservatisme conduisait aussi la femme de Maurice Thorez, Geneviève Thorez-Vermeersch a dénoncer la contraception, ce « birth control » (qu’elle prononçait volontairement à la française) « dirigé contre la classe ouvrière », ou encore à ce que soit organisé localement un procès pour condamner un camarade coupable d’adultère.

Selon Guy Frèche, il s’agissait uniquement, de « coller à l’opinion moyenne de l’époque », « il ne fallait pas choquer la classe ouvrière : le père qui commande, la femme qui fait la vaisselle... »
 
Depuis, comme dans le reste de la société française, la question homosexuelle ne fait plus institutionnellement problème dans le PCF moribond, pourtant comme tous les fidèles militants du documentaire, encore sonnés par "l’effondrement d’un système qui n’a pas trouvé une seule personne pour le défendre", la question « d’autre chose à inventer » demeure entière...
 
 
 
P.S. 1 – Complément indispensable du documentaire Bleu, blanc, rose d’Yves Jeuland, le livre de Frédéric Martel Le rose et le noir - Les homosexuels en France depuis 1968 Le Seuil 1996, déjà cité dans http://notesgaydethomas.over-blog.com/article-3630000.html et dans http://notesgaydethomas.over-blog.com/article-3657658.html (Hommage aux deux roses)
 
P.S.2 -  Merveille que Google qui permet d’opportunes associations : Jean Guidoni a fait un album qui s’intitule... Le rouge et le rose
 
[1] Voir aussi la récente polémique en Belgique autour de la liste des homosexuels célèbres (Di Rupo, Atatürk, Shakespeare...) diffusée puis censurée par la ministre de l'Enseignement obligatoire Maria Arena (PS) à travers son ouvrage Combattre l'homophobie à l'école.
 
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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #expos, #politique, #homophobie, #culture gay

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