Clandestins

Publié le 11 Octobre 2012

 

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Torre David à Caracas - par Iwan Baan

  

 

 

 

« Faire un couple c’est ne faire qu’un mais lequel ?»

Oscar Wilde

 

 

On peut trouver l’amour dans une back-room. C’est ainsi que Vincent est entré dans la vie de Simon. Tant que dura l’amour, les deux hommes se retrouvaient le soir à Jaurès, dans l’appartement de Simon.

 

 

 

 

Dans la vie de Simon, Vincent ne fut pourtant qu’un compagnon clandestin.

Jamais son amant ne lui permit de rencontrer ceux qui comptaient pour lui, jamais il ne lui laissa la clé de son appartement. Alors le matin, quand Simon partait s’occuper de ses réfugiés sans-papiers et sans-abri, Vincent retournait dans son appartement de Bonne Nouvelle « essayer d’y faire des films ».

De ce temps révolu, il restait les images et le son que Vincent avait enregistrés derrière les fenêtres de l’appartement de Simon : la nuit, le jour, le passage des saisons sur les arbres et le métro aérien, un artiste en résidence changeant précautionneusement ses néons, un morceau que son amant redécouvrait au piano, quelques bribes de sa voix, et surtout, un groupe de jeunes réfugiés afghans qui survivaient au pied de l’écluse, sur le bord du canal Saint Martin, face au collège du quartier, jusqu’à ce jour de juillet 2010, où fut détruit et interdit leur campement.

 

 

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Photos : captures Google Street View

  

 

De ces enregistrements, Vincent Dieutre a fait un film plutôt réussi dans sa catégorie, même si le revoir une deuxième fois sur Arte ne m’a toujours pas convaincu de la pertinence du choix de faire questionner l’auteur par une amie devant un premier montage (mais ça n’a pas gêné Gabriel), ni, même si ce n’est qu’un détail, de finir par colorier certains éléments de l’image, une voiture, une bouée, un pigeon....

 

Comme Dieutre ne manque pas de le rappeler, les quais de Jaurès furent il y a longtemps un haut lieu de drague et de sexe homo.

Dès que la nuit tombait, et ce jusqu’à fort tard dans la nuit, ça grouillait de mecs cherchant de l’action.

En hauteur, faiblement éclairée par quelques rares réverbères, notamment du côté de Jemmapes, la zone de repérage et de sociabilité, en contrebas, dans l’obscurité, on se soulageait.

 

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Keith Haring et Juan Dubose 1983 - Polaroïd d'Andy Warhol 

 

  

 

J’ai lu que l’endroit était réputé fréquenté par des pratiquants occasionnels de la chose, avec un fort « brassage social et ethnique », où se concentrait « des personnes d’extraction sociale assez défavorisée », autre manière de dire que l’on pouvait aussi venir ici en bande pour casser du pédé.

L’installation d’un puissant éclairage public sur le bord de l’eau, puis d’une caserne de pompiers et du Point éphémère (en 1990) marquèrent définitivement la fin d’une époque, quand bien même un site signale toujours cette section du canal Saint Martin comme un lieu de drague gay.

A mon humble avis non éclairé de presque riverain, mieux vaut venir ici écouter de la musique tout en sirotant une mousse, au moins on se soulagera la vessie.

  

 

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Claire Fontaine Foreigners everywhere - exposition J'ai deux amours  

Musée de l'histoire de l'immigration

 

  

 

NGT /  De Rome désolée à la station Jaurès  

   

NGT / Non assistance à personnes en danger  

 

 

(Rosa) Bonheur grégaire

 

En remontant l’avenue Secrétan, vous tombez sur le plus beau parc de Paris, le parc des Buttes-Chaumont.

Sur ses hauteurs, bordées par la rue Botzaris, chaque fois que je passe en courant devant l’ancien pavillon Weber, un phénomène ne cesse jamais de me m’étonner : Ça déborde de monde debout, le verre en plastique rempli de bière à la main, coincé contre des barrières de sécurité, et par-dessus tout, il y a toujours une longue queue de personnes attendant d’avoir le droit de faire partie de cette foule.

La première fois que je suis tombé sur cette bizarrerie, je me suis même arrêté pour demander s’il y avait ce soir-là un concert. Non ? Alors un open bar ? Nullement même si les prix restent « raisonnables ».

C’est dingue tout de même la Hype !

  

 

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Claude Closky série To die in...

Palais de Tokyo Triennale Intense proximity

 

 

L’autre soir, un dimanche, toujours en trottinant, j’ai jaugé que ça manquait singulièrement de femmes, un comble quand on sait que la patronne était à la tête du Pulp, la boite lesbienne qui a fermé en 2007 ! En fait, c’est uniquement parce que les gays semblent s’y retrouver pour fêter la fin de cette journée que bon nombre détestent.

Le café qui est bien plus que cela selon les patronnes, porte un bien joli nom : Rosa Bonheur.

 

 
 
NGT / "Outdoor sex" ou les aventuriers de l'extase perdue
Premiers jours de printemps 

 

On en retiendra cet avertissement précieux : plus nous valorisons la jeunesse, plus nous vieillissons collectivement, ouvrant une abîme entre vie rêvée et réalité.

 

A propos du livre d’Yvan Brohard et d’Albert Kahn « les âges de la vie »

Le Monde du 29 septembre 2012

 

 

 

Tant pis ! Pour le plaisir des yeux et des oreilles, premiers jours de printemps :

 

 

 

 

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Titien L'homme au gant (1520-1523) - Musée du Louvre
 
 
 
 

Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #politique, #vivre ensemble, #culture gay, #Paris

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