Minorité des minorités

Publié le 19 Mai 2010

 

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Gitans, Grenade, Espagne, 1933. H. Cartier-Bresson

 

 

 

Gabriel continue à passer une bonne partie de son temps libre en compagnie de ses ancêtres protestants persécutés par le pouvoir royal. Pourquoi cela le captivait-il autant ?

Pour le plaisir de l’investigation historique bien sûr : il venait de retrouver en Angleterre ce fils de 22 ans « absent du Royaume » durant trois années, mais après un silence, il a rajouté : « sans doute aussi parce qu’il s’agit d’une minorité opprimée ».

 

Pierre-Emmanuel travaillait ce samedi soir, Valentin coucherait chez nous.

On se trouve toujours un peu embarrassé d’un enfant dans les pattes, fût-ce notre gentil neveu. Pas forcément rigolo pour lui de se retrouver, à 13 ans, coincé en tête en tête avec son vieil oncle et son compagnon. On veut qu’il soit heureux ce môme ! Alors, à condition de trouver des parents qui donnent le feu vert, il y a toujours de la place pour un copain.

 

  A défaut, ce soir-là, direction la porte de Champerret dans le 17e  pour un spectacle du cirque Romanes qui bénéficie d’une bonne presse.

Et puis, ça me fera du bien d’admirer des tziganes : j’ai peur de virer « nazi » à force de m’énerver de toujours retrouver devant la Gare du Nord, cette horde en robes et fichus en train d’harceler de leur mendicité les clients des taxis.

 

 

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  Les Romanes par Dominique Sécher

 

 

 

 « Mais, il est tout petit ce cirque ! » S’est exclamé Valentin en pénétrant sous le chapiteau. Ça partait bien ! Faut dire que Monsieur est un habitué du Cirque d'Hiver, alors...

 

Les enfants ouvrent le ban avec des numéros assez épatants. Valentin, à qui j’ai demandé quel âge il donnait à la fille, m’a répondu sans hésiter « 9 ans ». Au dernier numéro, l’aîné des garçons (15-18 ans ?) tombe la chemise qu’il balance par-dessus le rideau d’entrée des artistes, dévoilant un buste et des bras musclés magnifiques, déclenchant les vivats du public,  suivi de son petit frère (?) qui en fait de même (comment une aussi frêle constitution peut-elle réaliser de telles prouesses ?)

« Tu vois, ils savent encore faire quelque chose qu’on a perdu : faire travailler les enfants, de surcroît toujours avec le sourire » Ai-je soufflé à mon voisin.

 

Le couple d’acrobates aériens et la funambule n’ont rien de tzigane ni dans leur manière d’être en scène, ni sur leur physique, sur lequel il est impossible de déceler la moindre trace d’origine indienne de ces Roms qui quittèrent l’Inde aux alentours du  Xe siècle[1].

Tandis que je les admire là haut danser dans les airs, le souffle retenu, le funambule aimé de Jean Genet m’a traversé l’esprit. Coïncidence : je viens d’apprendre que le patron du cirque a bien connu l'écrivain.

 

[1] Ce documentaire vidéo confirme l’intégration d’artistes non tziganes à l’équipe.

 

 

 

 

L’orchestre et la chanteuse enchaînent les morceaux à un train infernal, celui de cette musique d’Europe centrale où leurs ancêtres s’installèrent dès le XIVe siècle, mais impossible aussi de ne pas entendre une manière rapportée d’Orient.

 

Le reste du campement est assis plus ou moins sagement au bord de la piste avec les marmots sur les genoux. Un papier rempli à la main posé au sol rappelle le programme de la soirée.

Dans l’ensemble, l’ambiance se veut familiale, décontractée, festive malgré le bon niveau des performances artistiques.

 

A la fin du spectacle Alexandre Romanès fit avec un brin d’humour la promotion des deux recueils de poèmes  qu’il a publiés chez Gallimard, et nous a invités à regarder une exposition de photos de sa tribu, avant d’annoncer que le spectacle continuait en mai et juin.

« Aussi les dimanches ? » a demandé quelqu’un. « Ah non, pas les dimanches, on est des tziganes tout de même. »

 

 

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Je lis tout ou presque dans Télérama, y compris les articles portant sur des émissions radios que je ne pourrai jamais écouter (oui, je sais il faut que je me mette au podcasting). Je viens de retrouver une coupure dans laquelle la journaliste se dit avoir été émue par un documentaire programmé sur France-Culture, Pedimiento réalisé par un étudiant, Georges Morère, et dont le sujet est Sébastien, gitan chassé de sa communauté durant dix ans à cause de son homosexualité :

 

L’étudiant a rencontré Sébastien, gitan installé depuis un an au presbytère de Saintes-Maries-de-la-Mer. Petit à petit, l’homme se livre. Sa foi transparaît au fil de son récit : il s’implique dans l’Eglise depuis que sa mère a été « guérie d’une méningite par l’intercession d’une grande sainte ». Jeune adulte, il a failli être marié de force, comme le veut la loi gitane. « J’ai essayé de dire à mon père que je n’étais pas intéressé par les filles, mais il n’a pas voulu me croire. Ce fut un drame, car il avait donné sa parole à l’autre famille. J’ai été banni de la communauté pendant dix ans. » Epris d’un chevrier « au teint de rose », il vit huit ans « d’un amour total, parfait ». Auquel met fin le sida rendant l’endeuillé « fou de rage ». Avec pudeur, Sébastien raconte le pardon de son père sur son lit de mort : « Dès qu’il m’a vu, il m’a demandé : T’es toujours pédé, con ? »

Pendant trente minutes, il offre un témoignage dont la simplicité bouleverse.

 

Laurence Le Saux à propos de l’émission de France Culture Sur les docks

Télérama du 18 novembre 2009

 

 

Si entendre ce beau documentaire de radio vous dit :

 Lafamilledigitale.org/ Pedimiento de Georges Morère

 

 

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Will McBride Ralph tucking in his shirt Arles 1978

 

 

 

 

Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #vivre ensemble, #intergénérationnel, #famille, #spectacle

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J
<br /> <br /> mais qui donc a écrit ces mots : "attention aux Gitans, ils volent les enfants.Moi, j'aurais adoré qu'on me vole." , ils ne sont pas de moi, mais je les ai faits miens comme un souvenir<br /> personnel. ce qu'ils sont d'ailleurs. certaines de mes peurs bicéphales d'enfant étaient aussi des espoirs...c'est peut-être aussi l'histoire de ma vie?<br /> <br /> <br /> les Gitans ne semblent pas avoir d'ancêtres, seulement des origines, et des enfants, beaucoup beaucoup d'enfants.comme des châtons qui jouent, joyeux et griffus.<br /> <br /> <br /> merci, amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Paternité de la citation introuvable - Smacks pour ce "feed-back" - Puisque tu parles joliment de leurs "châtons" "joyeux et griffus", une boucle d'un technoïde dont m'a parlé un séduisant jeune<br /> homme ce soir dans le RER :<br /> <br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=LWfOQxujO9k&feature=related<br /> <br /> <br /> "Fucking shit" ai-je lu dans un commentaire ; je n'irai pas jusque là, même si la "minimale", ce n'est pas trop mon truc.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />