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Publié le 30 Août 2006

Satyricon émotione

28/8/01

 

 

Quand ai-je vu pour la première fois ce chef d’œuvre de Fellini ? Seule la date portée sur mon exemplaire du Satiricon de Pétrone devrait pouvoir me le rappeler puisque je l’ai probablement acheté après avoir vu le film. Est-ce parce que je me rapproche de l’âge de son auteur que je crois l’avoir encore davantage apprécié ?

Naturellement, j’ai de nouveau été séduit par la beauté des interprètes d’Encolpe et d’Eschylte qui se disputent au début du film l’esclave et éphèbe Giton dans un monde où les amours homosexuels semblent relever de la normalité (Gabriel a même vu dans leur relation celle d’un couple d’amants et il a par ailleurs capté le début d’un récit faisant référence à nos jumeaux Castor et Pollux).

 

Mais ce qui m’a davantage touché cette fois-ci, c’est la parabole sur la vie humaine qui pourrait se résumer par la formule suivante : de ta jeunesse profite avant de devenir comme tous ces vieux libidineux et laids qui n’ont d’yeux que pour ta jeunesse, l’argent[1], le pouvoir qu’il leur procure et leur tombe ; la vie est si courte !

La nature universelle et atemporelle des relations entre vieux qui détiennent argent et pouvoir et jeunes, jouets de leur concupiscence habite largement l’histoire.

L’angoisse de vieillir s’exprime notamment dans la panne sexuelle subie par Encolpe et dans ses efforts pour retrouver sa puissance sexuelle, cet apanage de la jeunesse.

 

Dans cette tragédie humaine, le vieillard peut soulager ses angoisses et échapper au ridicule par la poésie mais encore faut-il être un véritable poète, ce qui n’est pas donné à tout le monde, pas vrai Trimalchion ?

Quoi qu’on fasse, la tragédie de l’homme est telle que mieux vaut en rire, ne serait-ce qu’au moins une fois par an à l’occasion d’une journée du rire, à l’instar d’un peuple croisé par les deux compagnons.

 

Très belle séquence aussi que celle racontant l’histoire de la matrone d’Ephèse effondrée de douleur sur le macchabée de son époux et qui ne pense qu’à le rejoindre, jusqu’à ce qu’attiré par ses pleurs arrive un beau soldat de garde au pied d’un pilori non loin de là qui la raisonne : « à quoi te servira-t-il de te laisser mourir de faim, de t’ensevelir vivante, et, avant que les Destins ne t’y invitent, de rendre un souffle innocent ? Ne veux-tu pas revenir à la vie ? Ne veux-tu pas, renonçant à un entêtement féminin, profiter, aussi longtemps que tu le pourras, des bienfaits du jour ? Ce cadavre même, étendu en ce lieu, devrait te donner le conseil de vivre ! » …De la transfigurer au terme d’une longue étreinte. Mais peu de temps après, c’est désormais lui qui va devoir mourir puisque la famille du supplicié a entre-temps volé le corps dont il avait la garde. Déjà folle à l’idée de devoir de perdre son nouvel amant, la veuve presse le soldat de l’aider à fixer son défunt époux à la place du supplicié : «Aux dieux ne plaisent que je voie en même temps les funérailles des deux êtres que je chéris le plus. J’aime mieux perdre le mort que de causer la mort du vivant. »

L’esthétique des décors comme les situations sont surréalistes : elles relèvent plutôt du domaine de la représentation du rêve en particulier dans ce que ce dernier comporte de représentations symboliques et dans cette succession de bribes d’aventures dont l’enchaînement est non linéaire. D’ailleurs, si on excepte le début du film (la querelle des deux compagnons autour de Giton puis les séquences autour du riche Trimalchion), ce film est non racontable en tant qu’histoire, ou alors quelque chose m’a échappé. Il se peut que le fil conducteur se trouve dans le personnage du poète qui est tué par Trimalchion et qui réapparaît dans le film (à revoir donc ou trouver un commentaire). 

 

Il est vrai qu’il s’agit d’une adaptation d’une œuvre elle-même en lambeaux et lacunaires dans son contenu. On est loin du  « récit réaliste de la Rome décadente de Néron et des affranchis » de Pétrone (le Larousse) ; Fellini y a-t-il trouvé un moyen de « traiter ses phantasmes homosexuels » comme il est affirmé sur le site ciné du Luxembourg ? Ça me paraît douteux ; Son Fellini offre-t-il à ses contemporains en cette année 1969 un « miroir inquiétant » ? (La petite encyclopédie du cinéma) Sans aucun doute, tout comme il démontre que le cinéma peut être œuvre d’art.

 Sur le thème de la décadence et de son actualité, Trimalchion : « Croyez-moi, qui a un as, vaut un as ; possédez vous serez considéré. (…)

 

 

28/9/01

Ni jeune, ni vieux. Un âge pour vivre ; pour mourir aussi

 

J’ai eu 39 ans. Il est difficile de se penser encore jeune, et tout autant de se dire vieux. « Un âge pour vivre ; pour mourir aussi. » L’écrivain indienne Arundathi Roy à qui j’ai emprunté ces mots les écrit à propos de sa mère qui est morte à 31 ans « dans une chambre d’hôtel sordide d’Allepey », au Kerala.: « Elle avait 31 ans. Ni jeune, ni vieille. Un âge pour vivre ; pour mourir aussi. » (« Le Dieu des Petits Riens »)

La vérité des songes

 

S’il est une part de moi-même qui m’échappe la plupart du temps, c’est bien celle qui parle dans mes rêves. J’envie Gabriel qui tient souvent un songe à me raconter. Possède-t-il cette faculté de se souvenir de ses rêves, de cette habitude familiale de se raconter au petit déjeuner les rêves de la nuit (Je ne me souviens pas que nous ayons eu enfant ce rituel) ?

Au début de notre relation, le récit de ses rêves était toujours un fort moment d’intimité partagé, en particulier lorsque son père mort était venu les habiter. Chaque fois, pourtant, je ne pouvais éviter un léger pincement au cœur de m’apercevoir que j’en étais le plus souvent absent. Dans un mèl récent il m’a fait part de son rêve du matin :

 J'étais mort et donc transparent avec ma cousine Anne (que je n'ai pas vu depuis au moins 10 ans !), je venais de mourir plus exactement (elle étant morte quinze jours avant) et nous errions dans Paris (le RER plus exactement).
J'ai pleuré à plusieurs reprises car je n'arrivais pas à m'habituer à cette nouvelle condition. Ma cousine me disait qu'il ne fallait pas en faire tout un plat et que je m'habituerais bientôt. J'éprouvais une grande tristesse parce que j'étais mort sans que tu le saches et que je ne te reverrais plus.

 


[1] ils sont prêt pour cela à dévorer le défunt puisque telle est sa volonté et que l’héritage ne pourra être perçu qu’à cette condition

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