coronavirus

Publié le 11 Mars 2021

Base militaire, Karagandar, Kazakhstan, 1998. Photo Jason Eskenazi
Base militaire, Karagandar, Kazakhstan, 1998. Photo Jason Eskenazi

 

La nièce de Gabriel, Justine, 25 ans, farouchement libertaire, en recherche d’emploi (et donc très énervée depuis un an), toujours provocatrice, appelle la Covid, « la maladie imaginaire ». Je la reprends toujours : « maladie invisible  », en rajoutant qu’on doit peut-être cette réalité à l’interdiction des interactions sociales, en dehors du travail qui ne peut se faire à distance et du shopping, et aux gestes barrières, même si l’efficacité de ces mesures est de toute évidence uniquement avérée contre les infections respiratoires et digestives saisonnières, gastro-entérites et autres grippes qu'elles ont quasiment fait disparaître.

Desserrer les contraintes, au moins à titre expérimental avec traçage, sous observation scientifique, n’est toujours pas envisagé, bien au contraire. Dans un contexte de retour des tensions hospitalières, les pouvoirs publics continuent même à en rajouter de nouvelles : confinements locaux le week-end, et pour Paris qui y a échappé, fermetures des centres commerciaux de plus de 10 000 m², interdiction de consommation d'alcool dans l'espace public entre 11h et 18h, avec l’évacuation ce samedi par les forces de l’ordre des berges de la Seine, alors que passer son temps à l’air libre est sans doute ce qu’il nous reste à faire de mieux en temps de Covid.

 

Si Coluche savait que 35 ans après, le seul resto ouvert, c'est le sien

 

Le gouvernement croit-il à l’efficacité des mesures qu’il impose ? Ou est-il seulement pris dans ses obligations d’agir en réponse à ceux qui le pressent de le faire ? A-t-il eu connaissance de ce sondage du 3 mars, selon lequel nos compatriotes sont très majoritairement favorables aux nouvelles restrictions, mais beaucoup moins s’ils sont concernés (dans ce cas ils les jugent à la fois inefficaces et trop contraignantes), et selon lequel 8 personnes sur 10 approuveraient en revanche un allègement des restrictions dans les départements les moins touchés par l’épidémie (couvre-feu plus tardif, réouverture des musées, ouverture encadrée des cafés et restaurants à midi…?

Que craignent donc les pouvoirs publics en allégeant ces contraintes ? L’interprétation qui pourrait être faite de ce signal ? Que l’allègement n’ait aucun impact significatif sur le nombre de formes graves de la Covid  et la pression dans les hôpitaux et que soit ainsi révélé leur inanité ?

 

Pierre Niney @R_Bachelot @EmmanuelMacron 7 février 2021
Pierre Niney @R_Bachelot @EmmanuelMacron 7 février 2021

 

Le penseur d'Auguste Rodin - Musée Rodin Paris
Le penseur d'Auguste Rodin - Musée Rodin Paris

 

Car en effet, la Suède qui a eu le cran d’une approche sanitaire radicalement différente, excluant la plupart de ces mesures qui rendent la vie impossible, déplore certes un nombre de morts « du Covid » dix fois supérieur à ses voisins, mais finalement un taux de mortalité légèrement inférieur à celui de la France, 130 décès pour 100 000 habitants contre 132 pour la France. Pourtant, une lecture rapide des rares sujets traitant de ce pays dans les médias français, a de bonnes chances de vous avoir mis dans la tête que la situation épidémiologique de la Suède est tellement catastrophique que ce pays a rallié notre concert de mesures restrictives. Or, comme le souligne le très intéressant article de Gabriel Lacoste sur Contrepoints.org  « celui qui lit attentivement cet article constatera que la Suède n’a pas imposé de confinement, les restaurants sont encore ouverts et les masques sont obligatoires seulement dans les transports en commun. Lorsque les autorités durcissent les mesures, il s’agit de contraindre les restaurants et les bars à une fermeture à 21 h 30 et d’élargir la durée du port du masque dans les transports en commun.(pour être plus précis, le masque est recommandé dans les transports publics et dans les lieux clos lorsque la distance sociale ne peut être maintenue. NDR)»

Bref, l’approche suédoise même amendée se situe toujours à des années lumières de ce que nous subissons. Assurément, il en est fini du soutien unanime des suédois : cette stratégie contre le Covid-19 polarise désormais à l’extrême les débats, au point que certains renoncent même à y participer. On peut déplorer la fin du consensus, mais saluer aussi une démocratie qui fonctionne, contrairement à ce qu’on a connu en France où aucune discussion n’a pu émerger faute d’espace médiatique accordé aux rares voix critiques, instantanément frappées d’anathèmes.

Quoi qu’il en soit, comme aime conclure mon beau-frère : « c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses », et celle-ci dure déjà depuis un an.

 

Franjo -Les étudiants confinés

 

Pour m’être intéressé au sujet, bien avant la pandémie, en particulier pour animer un projet d’éducation aux médias et à l’information, je suis tout à fait conscient de devoir me méfier des biais cognitifs et des « bulles de filtres » (dont la presse a parlé pour dénoncer le « complotisme »), qui menacent d’altérer ma quête de connaissances, mon jugement et mes décisions. Si le biais de conformisme me semble avoir peu prises sur moi, comme chez tout un chacun (y compris chez les journalistes, si j’en juge le traitement de l’actualité Covid), le biais de confirmation me guette sans aucun doute quand, par exemple, je n’ai de cesse de rechercher des informations mettant en doute ou invalidant des mesures restrictives de nos libertés qui ont été prises car je les pressens disproportionnées voire inutiles.

Je crois aussi que notre quête de connaissances, notre jugement et nos décisions peuvent aussi être faussés par l’effort mental que requiert un changement d’opinion à propos d’un sujet qui nous importe et dans lequel on a beaucoup investi, qui implique d’accepter que l’on s’est trompé (le biais des coûts irrécupérables exprime dans une certaine mesure cette difficulté à « changer de logiciel »). Il me semble que ce travers vaut pour ceux qui ont la lourde responsabilité des décisions politiques prises et ceux qui les ont soutenus : s’ils changent de politique de prévention contre la Covid, alors tout ce qui a précédé aurait été fait en vain ?

 

L'Etat nous pisse dessus les médias nous disent qu'il pleut - rue St Maur Paris février 2021
L'Etat nous pisse dessus les médias nous disent qu'il pleut - rue St Maur Paris février 2021

 

Maxime Lledo : les jeunes face à la pandémie

Maxime Lledo, étudiant en sciences politiques, auteur de "Génération fracassée, Plaidoyer pour une jeunesse libre !" sur France Inter le 4/3/21

Grâce à Dieu, enfin plutôt grâce aux Big Pharma et leurs vaccins, les gouvernants et leurs conseillers devraient bientôt pouvoir s'en sortir la tête haute.

Les pays ayant déployé le plus tôt la vaccination à grande échelle notamment Israël (près de 50 % de couverture vaccinale) suite à un accord de livraison prioritaire de Pfizer contre le partage rapide des données de la campagne de vaccination, font état de résultats d’efficacité formidables. Ce tout petit pays, qui vit sous régime d’état d’urgence permanent depuis sa création, préfigure le nouvel État policier post-Covid qui se profile : une normalisation du port d’identité numérique avec fichage médical généralisé et obligation de présentation de vaccinations à jour des derniers virus en circulation, à défaut d'une attestation de test négatif, pour avoir le droit de se déplacer et d’accéder aux établissements de loisirs. « Une loi approuvée le 24 février permet à son gouvernement de livrer aux municipalités l’identité des personnes non immunisées.[...] » (Lu dans L’Express du 4 mars 2021).

Bah, me direz-vous, si deux injections et une fiche, sont le ticket à payer pour sortir de ce merdier, et pour que je puisse aller voir mon chéri à l’étranger, vite vaccinez-moi ! AstraZeneca ? Vous n’avez vraiment que ça ?... Ce n’est pas possible : on doit aller en Afrique du Sud. Et puis ces « syndromes grippaux de forte intensité »Le Johnson & Johnson, lui je le sens bien, le côté « one shot » et ce nom qui sonne comme un couple pédé de l’art contemporain, genre Pierre et Gilles ou Gilbert et Georges, ça me botte.

 

 

On ne va pas bouder notre plaisir de se voir proposer le salut par les vaccins, il demeure que ce salut demeure très incertain. D’une part, on ne sait pas encore si l’efficacité à protéger des formes sévères de la Covid sera au rendez-vous avec les nombreuses mutations de ce coronavirus, et pour quelle durée d’immunité procurée, ni si ces vaccins empêchent la transmission de la maladie, en plus de protéger la personne vaccinée.

D’autre part, on est dépourvu de recul sur l’importance des effets indésirables des vaccins notamment issus de cette technologie de l’ARN messager. Pour l’heure, seul le vaccin AstraZeneca à vecteurs viraux, qui a été testé sur la population écossaise, présenterait des risques de cas graves de formation de caillots sanguins, ce qui vient de conduire le Danemark, la Norvège et l’Islande à suspendre par précaution et jusqu’à nouvel ordre son utilisation.

Sur ce dernier point, le fait que les labos aient obtenus une clause de non responsabilité financière en cas d’effets indésirables, n’est pas propice à une confiance aveugle. Selon les décodeurs du Monde, c’est le cas aux États-Unis, mais pas en Europe où les négociateurs affirment qu’une telle clause de négociations (tenues secrètes) n’a pas été accordée mais que l’Europe, autrement dit les États, contribuerait à l’indemnisation le cas échéant.

Pour revenir aux fondamentaux, si j'en juge la dernière estimation par l'Institut Pasteur de la proportion de personnes infectées au SRAS-Cov2 (17%, 30% en région parisienne, très variable suivant les âges, et des taux de létalité qui en découlent), notre tranche d'âge conserve environ 99% de survie (1% de taux de létalité), ce qui est plutôt rassérénant.

Bref, que ça marche ou non, on ira se faire vacciner un peu dans le même état d’esprit que celui des ancêtres protestants « mal convertis » de Gabriel, faisant baptiser leurs enfants après la révocation de l’édit de Nantes et l’enfer des dragonnades, avec l’espoir qu’on leur foute enfin la paix.

 

Feu! Chatterton - Monde Nouveau

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