au nom d'allah

Publié le 7 Novembre 2006

 

Phobies

5/11/5

 

S’il est bien un sujet sur lequel Gab et moi avons une attitude radicalement opposée, c’est bien celui de la santé, de l’institution médicale, des maladies et de leur prévention. Gabriel consulte presque avec joie la profession pour le moindre bobo, fait des contrôles de prévention et affirme vouloir savoir le plus tôt possible s’il est affecté par une maladie afin de pouvoir la faire soigner plus efficacement. Pour ce qui me concerne, tout comme je n’avais jamais pu me résoudre à faire un test HIV, j’ai une frousse bleue du moindre examen médical et préfère tant qu’il n’y a pas de problème avéré ne pas consulter : « à mon avis, ils me trouveront facilement quelque chose qui dysfonctionne, ce qui m’obligera à m’enfoncer dans le médicalisé ». Infantile non ? J’en conviens. Pas la peine d’aller chercher très loin l’origine de ce réflexe. Dans mon enfance, tout simplement. J’ai grandi sous l’ombre tutélaire de mon père qui n’a eu de cesse de dénigrer la médecine officielle, en particulier ce qui est reconnu par tous comme une des plus grandes découvertes médicales : les vaccinations. Puisque c’était mon père, il devait avoir raison contre tous. Il avait beaucoup étudié le sujet jusqu’à d’ailleurs passer par correspondance un diplôme de naturopathie homologué en Angleterre. La visite médicale scolaire était toujours pour moi un grand moment de stress. Outre le fait qu’on avait l’air con avec nos bouteilles de pipi plus ou moins foncé et trouble, il fallait faire la queue en slip (j’étais plutôt maigre et chétif, je me caillais) afin que soit vérifié que nos testicules étaient bien descendus dans leurs bourses, j’appréhendais chaque fois de me faire remarquer avec mon certificat de contre-indication aux vaccinations. Ce certificat était bien entendu un faux qui nous a longtemps été établi par le docteur M. que j’eus de rares occasions de voir alors qu’une maladie infantile traînait. Un type effrayant avec une grande barbe de sorcier. Depuis donc, c’est le stress chaque fois qu’il me faut consulter.

 

Ainsi, ma joie de profiter de mon nouvel ordinateur a été entachée par le fait qu’il fut pour moi l’occasion de constater que j’avais un problème de vision. Mon beau 19 pouces m’éblouissait et me faisait voir trouble. Expérience que je renouvelais désormais en d’autres occasions. Dans le métro, en mettant alternativement ma main devant chaque œil, je renouvelais l’expérience d’une vision complètement floue du côté droit. Dans mes moments d’optimisme, je me disais qu’après le crâne chauve aux poils blancs, j’allai bien après d’autres rajouter le charme sexy des lunettes, dans mes instants d’angoisse, je pensais au plus vieux copain de Fernando qui connaissait lui aussi des problèmes de vision et à qui on avait trouvé une tumeur qui appuyait sur le nerf optique et qui depuis qu’elle lui a été enlevée ne voit pratiquement plus et ne sent plus rien.

 

Diagnostic de l’ophtalmologue : Astygmatie devant évoluer en presbytie (vision de près) et une légère myopie => verres progressifs de rigueur. Ouf !

 

 

Depuis, j’ai un nouveau souci : la petite crotte qui m’a lentement poussé sur le front au milieu de la figure (j’ai vérifié tout à l’heure en juillet 2003 au Québec, une tâche était déjà visible sur les photos). Pour la 1ère fois, une personne autre que Gabriel, qui me presse depuis longtemps à la montrer à un dermato, Raph me demanda ce que j’avais donc là et me conseilla vivement de consulter.

 

Jeudi dernier, alors que je marchais sous une pluie fine sur le boulevard Beaumarchais, j’ai songé « Au temps qui reste », le nouveau film de François Ozon qui traite de l’évolution de Melvil Poupaud qui vient d’apprendre qu’à 30 ans, il est atteint d’un cancer très avancé et qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. « Et s’il s’agissait d’un mélanome ? Pensais-je,  n’es-tu pas heureux là sans le savoir ? Dans une semaine tu sauras et tu plongeras dans les dédales de la médecine lourde.» A aucun moment, il ne m’est venu à l’esprit que ce diagnostic pouvait me sauver. Le diagnostic c’est pour tout à l’heure.

 

La bonne nouvelle : ce n’est pas un mélanome mais une verrue séborrhéique (il est étonné que j’en ai qu’une seule mais heureusement il n’a pas été chercher plus loin que sur mon torse nu), la moins bonne, j’ai au visage une kératose qui révèle une peau surexposée au soleil (surface de peau desséchée) => un mois de passage de crème avant de me brûler tout ça.

 

 

Ressemblances

30/12/2005

Planté sur le sexe de son partenaire, bouche vermeille ouverte révélant une rangée de dents bien blanches, yeux fermés, peau claire bien lisse, joues légèrement rosies par l’émotion, cheveux bruns courts avec sa petite vague sur le front. « Tu trouves pas qu’il ressemble à Jan ? » me demande Gab que j’ai contraint à me montrer ses dernières photos pornos pêchées sur Internet pour contrepartie de l’installation d’un bureau perso sur mon ordinateur.

 

Je demande à voir la suivante. C ’est le même garçon, de dos, agrippé à un grillage, la jambe gauche relevée en appui sur un muret. Il ne bande pas. Un garçon bronzé l’encule. Ces photos ont été récupérées dans une série de « garçons de Tchéko ». « Oui, peut-être un peu » lui ai-je alors répondu.

 

Aujourd’hui, en m’efforçant de les décrire, je vois mieux la ressemblance que Gabriel  a pu trouver entre ce garçon et Jan, mais surtout j’appréhende soudain avec clarté Jan en tant que fantasme sexuel pour Gab et plus largement comme objet de désir.

 

 

Mon voyage d'hiver

 

Arrivé à l’arrêt d’autobus, tandis que je déchargeais mes nombreux bagages de la voiture, je demandai à mon père :

 

-         Vous retournez quand à Bourg ?

 

-         Jeudi, peut-être lundi, ça dépend de ta mère. Depuis qu’on a fait les travaux, elle ne rechigne plus à rester. C’est ce qu’il y a de bien avec la retraite, on fait ce qu’on veut, on n’a plus de contraintes.

 

-         Comme des enfants gâtés.

 

-         Oh, je préférerais ne pas avoir mon âge, avoir 20 ans…

 

-         Et avoir les contraintes,... je m’en doute, allez, bises et à bientôt.

 

Je n’avais pas grillé la moitié de ma JPS lorsque surgit sous le pont de l’ancienne voie ferrée, mon autobus.

Les derniers rayons d’un soleil d’hiver nimbait le paysage familier qui défilait, d’un rose orangé de plus en plus faible. Un paysage beau mais inanimé, froid et silencieux. Un paysage à l’unisson de mes pensées…

 

…Je songe aux cinquante ans qui seront vite là. Oui, peut-être pas 20 ans, mais 30 ans. Si seulement nous pouvions tous avoir au moins dix ans de moins et que je puisse de nouveau dire avec Gabriel qu’à 30 ans nous étions bien plus heureux qu’à vingt.

 

Mon père file déjà vers ses 67 ans. A cet âge, il ne restait plus que 3 ans à vivre à son propre père et encore, au terme « d’une longue maladie ». Sans doute y pense-t-il, lui qui a accompagné en bon fils la lente agonie de ses parents.

 

 

 

Comme Papa qui n’interrompt jamais ses travaux d’Hercule dans la propriété, Maman, qui a le même âge, se démène comme une folle avant et pendant notre séjour pour nous goinfrer et pour tenir propre la maison : première levée, dernière couchée.

 

La veille du jour où la maison aller se vider de ses derniers visiteurs, autrement dit des italiens et de moi-même, en plein repas, Maman a annoncé « un coup de pompe » : elle s’est levée et s’est allongée dans le canapé où elle ne tarda pas à s’endormir. Elle a réintégré le fauteuil à la même heure le lendemain après avoir pris des cachets et avoir fait un bon coup de fièvre. Il paraît qu’elle est coutumière de ces courtes pannes régulatrices.

 

Mes parents m’ont demandé l’un après l’autre quand on se reverrait. J’ai éludé. Pour la première fois, il a même été évoqué une visite à Paris. J’ai également esquivé.

 

Le jour suivant, bien que les retards de train m’aient fait coucher après 2 heures du matin, je me suis levé plein d’une énergie qui m’avait quelque peu abandonné auprès des miens.

 

«

 

 

Quand les nones sont là, le Diable n'est jamais loin

 

 

Ce dimanche, nous avons rendu visite au « garçon de Tchéko » et à sa chanteuse lyrique. Ils ont acheté à Asnières une petite maison. Gabriel s’y rendait en vélo, je les ai rejoint en métro après une visite à Armande. Comme je l’avais espéré, je les ai trouvé tous 2 attablés devant un thé et des gâteaux de chez Fauchon. M. s’excusait m’a dit Jan, il accompagnait à Roissy un copain qui partait aux Etats Unis. La maison fait partie d’une rangée de maisons ouvrières des années 30, un aspect qui me rappelle l’Angleterre. Mignonne, en briques, deux niveaux de 25 m2, une cave et un grenier prochainement aménagés, un carré de jardin devant la maison donnant sur une allée en pelouse (la seule partie commune de la copropriété). Le métro sera bientôt au pied des barres d’immeubles voisines. Gabriel est sous le charme et veut acheter la maison voisine qui est en vente (250 000 euros, R et M ont acheté la leur 210 000 mais ils ont tout refait avec la filière polonaise de M.).

 

Même si l’offre est tentante, il aura du mal à me convaincre : je suis toujours autant mal à l’aise avec l’image du petit couple de pédés vivant sous les yeux de nombreux voisins pas forcément enclins à la tolérance. « Si des petits cons veulent casser du pédé, ce sera pratique, ils en auront 4 pour le prix de deux », ai-je aussitôt dit. Même si ce genre d’endroit doit inévitablement s’embourgeoiser, ce n’est pas demain le jour que les HLM de l’autre côté de la rue tomberont et que cessera de se poser le problème de notre sécurité (cambriolage, agression). Il reste par ailleurs évident que même si Paris n’est pas si loin, ça nous ferait basculer dans le mode de vie de banlieusards : bagnole nécessaire pour aller au Carrefour ou pour sortir à Paris sans souci de retour au domicile…

 

Jan fut charmant comme d’habitude. Il est retourné avec son ami à Prague à Noël pour faire renouveler son passeport. Son polonais de copain était scandalisé de voir toutes les églises fermées. R. s’en est amusé. Il nous rappela que la Tchéko était un des pays les plus déchristianisé d’Europe (en tous cas profondément anti-catholique suite à l’oppression de l’Autriche catho). Ainsi, une des formules les plus usités des tchèques en général et de sa mère en particulier,  75 ans, installé en Allemagne depuis longtemps, est de dire lorsqu’on aperçoit des nones : « Quand les nones sont là, le Diable n’est jamais loin » puis de cracher trois fois au sol.

 

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #vivre, #Fantasme, #sex, #les années, #famille, #les amis, #avec un grand A, #Au nom d'Allah

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