Publié le 25 Janvier 2021

Stan Benett - Mélodie de l'enchaîné

C'est ce de quoi j'ai le plus de peur que la peur

Michel de Montaigne "Essais", I, 18

Primum non nocere (avant tout ne pas nuire)

Premier principe d’éthique médical

Pour vacciner un Français, il suffit de lui dire qu'il n'y a pas droit.

Humour allemand

 

Un prof, quoi qu’on en dise, c’est quelqu’un qui aime au moins autant les vacances que les enfants. A peine revenu en classe, il pense déjà aux prochaines.

Cette année, Paris ayant une semaine commune des vacances d’hiver avec l’Académie de Lyon, ma mère comptait sur moi pour organiser un séjour au ski avec les filles de mon frère Pascal et la sortir ainsi de son décor de confinement, Élisabeth a déclaré forfait pour finir sa thèse mais Colette comme d’habitude est partante, tout comme Gabriel qui n’en peut plus du télétravail, et ma cousine sera aussi de la partie avec son test PCR pour franchir la frontière. Maxime et Anna qui devaient être des nôtres, profitent d’être interdits de travail-à-durée indéterminée, pour aller voir du pays au soleil, probablement en Amérique centrale. Pour la même raison, ma sœur Bérénice aurait pu en faire de même si elle n’ouvrait pas quelques heures sa salle de sport aux handicapés et aux malades de longue durée sur ordonnance. Elle goûte peu l’ironie de la situation : sa salle est fermée pour protéger les personnes vulnérables à la Covid : obèses, diabétiques, personnes atteintes de maladies cardiovasculaires… qui sont les seules à pouvoir en bénéficier. Si ça se sait, il va y avoir des meurtres.

Tous ceux à qui j’ai parlé du projet de ski m’ont ri au nez, alors j’ai commencé assez mollement à rechercher un logement, d’abord dans des stations offrant aussi du ski de fond qui ne requièrent pas de remontées mécaniques, puis, dès que le gouvernement a confirmé que la réouverture des stations de skis pour les vacances restait « hautement improbable », j’ai continué sur des spots de ski nordique dans le Jura et le Vercors.

Las, de toute évidence, ce plan B était populaire. Je commençais à douter quand ma mère m’a donné l’idée d’un village en Haute Maurienne où nous avions séjourné avec mon père lorsque nous étions enfants. Bingo, j’ai dégotté un super point de chute, coûtant un œil mais vraiment ce dont je rêvais. J’ai fait patienter la propriétaire jusqu’à mercredi puisque ma banque « populaire » exige un délai de 5 jours avant de m’autoriser à lui faire un virement, malgré la connexion ultra sécurisée et les 3 codes SMS saisis pour confirmer mon identité. Entre temps les journalistes n’ont cessé de tendre leur micro à des médecins et épidémiologistes appelant à un confinement drastique pour prévenir la diffusion du variant britannique, tandis que le gouvernement a répété attendre de voir l’efficacité du couvre-feu à 18 heures sur la circulation du virus et l’occupation des lits d’hôpitaux, avant de s’y résoudre si nécessaire. Pour les connards du quartier qui avaient dévalisé samedi après-midi le rayon sucre du Monoprix, la messe est dite, on va reconfiner (pour être plus juste, confiner plus sévèrement).

 

Photo André Kertész, Martinique, 1972
Photo André Kertész, Martinique, 1972

 

Une fois de plus, je sens que ce petit espace temps de liberté que je pensais nous avoir déniché, va nous être supprimé et ça me déprime davantage, quand bien même je suis conscient que pour plus de 9 Français sur 10, comme aimait le dire Jacques Chirac, ça leur en touche une sans faire bouger l’autre (malheur de riches), et que c’est surtout pour les 400 000 personnes qui vivent directement et indirectement de cette activité que cette décision est grave.

Hors de nos frontières, la Suisse, l’Autriche, l’Espagne et Andorre ont bien maintenu l’ouverture de leurs stations mais dans des conditions dégradées en raison des mesures anti-Covid, les réservant de fait avant tout aux locaux.

Bah ! Vivants à Paris, on pourra toujours durant ces vacances se remettre en forme en allant à la salle de sport et se divertir en faisant un programme de rattrapage ciné, expos et spectacles (Forget it ! Toujours pas de date de réouverture envisagée pour les lieux culturels avec la «nouvelle donne sanitaire, l’apparition des variants du Covid». Fin de non-recevoir également pour toute réouverture expérimentale). Il nous restera donc pour nous occuper à faire le tour des galeries d’art, si elles ne sont pas fermées d’ici là. A ce propos, va comprendre la logique d’autoriser l’ouverture de ces espaces en général étriqués, tandis que les musées désertés par les touristes qui ne peuvent plus y venir, restent fermés ! Lobbying de galeristes soumis à la contrainte de rentabilité ? Cette énigme vaut celle des universités s'étant vues interdire depuis mars dernier de faire un seul cours en présentiel aux étudiants, à la différence des classes de BTS et des classes préparatoires en lycées.

Bienvenue au Musée du Restaurant - Topito

 

Pour le gouvernement, qui a enfin cessé sa communication infantilisante de culpabilisation, « tout va très bien Madame la Marquise », la France fait mieux que ses voisins tous confinés, écoles fermées… « Les pays étrangers nous voient comme l’Allemagne de la première vague », jure Véran, même si « un trouble-fête est apparu et qui vient semer la discorde, le variant anglais ». (Lu dans Libération du 23 et 24 janvier). Une fois de plus avec les médias français qui, sauf exception, sont partisans, c’est très difficile de vérifier cet autosatisfecit. Le Figaro du 13 janvier n’hésite pas à mettre la Suède dans les pays ayant préféré assurer les cours en distanciel au moins jusqu'à la fin du mois de janvier, alors que le site de l’ambassade de France dans ce pays indique « L’enseignement dans les lycées se fera en distanciel ou hybride jusqu’au 1er avril, et les collèges ont la possibilité d’y recourir en cas de besoin. », ce qui n’est pas du tout la même chose puisque seuls les lycées sont concernés et que l’hybride implique du présentiel (en lycée en France, on est censé faire de l’hybride pour compenser les pertes d’heures élèves induites par le travail en demi-classe). Dans le quotidien régional La Montagne du 20 janvier, une carte très claire indique que les écoles suédoises sont partiellement ouvertes, autrement dit corrobore un fonctionnement identique au nôtre, ni plus, ni moins.

Dans le branle-bas de combat accompagnant la crainte de diffusion des nouveaux variants du virus et la saturation des hôpitaux, un an après le début de l’épidémie, les gouvernements européens édictent les uns après les autres de nouvelles restrictions plus ou moins drastiques : quand en France, on peut avoir l’impression d’une attente impatiente ou résignée d’être « reconfinés » plus durement, aux Pays-Bas, un couvre-feu de 21 h et 4 h 30 assorti d’une amende de 95 euros a provoqué de nombreuses manifestations qui ont dégénéré, au point que le maire d’Eindhoven a déclaré devant les caméras de télévision : « Je pense que si on va sur ce chemin, nous nous dirigeons vers une guerre civile». Même chose à Madrid et et au Danemark. Pas de manifestations au Portugal, mais « le nouveau confinement exaspère les habitants ». En Espagne, des manifestations ont eu lieu alors même que le reconfinement n’est pas à l’ordre du jour : "le pays n’en a plus les moyens". Parce que la France elle, peut vraiment se le permettre ? En tout cas, pas du point de vue de l’état de ses finances publiques.

 

Omar Asuyo, vu dans la série espagnole Elite
Omar Asuyo, vu dans la série espagnole Elite, "Wow! Verdad que es lindo, Omar?"

 

Les médias français ont multiplié les sujets sur une jeunesse qui allait mal tant du point de vue de leur santé mentale, que matériellement, sans remettre une seule fois en cause le tunnel sans fin dans lequel le pouvoir politique, médical et eux-mêmes, nous maintiennent. Si en France, la rue reste pour l’heure relativement calme, des indices nous laisse penser qu’un an après le début de l’épidémie, l’acceptation sociale de ces mesures liberticides commence à avoir du plomb dans l’aile au moins au sein de la population qui souffre le plus de cet état d’exception sanitaire, notamment la répression des fêtes clandestines qui se multiplient, des papiers dans la presse sur des restaurants clandestins et sur des salles de sport qui ré-ouvrent en secret.

Sans vouloir « désespérer Billancourt », on apprend en plus que les mutations du Covid-19 pourraient remettre en cause l’efficacité des vaccins, présentés depuis le début de l’épidémie comme la seule lueur d’espoir de sortie d’un monde tétanisé. Ça n’empêche nullement Véran de claironner que les 70 millions de Français seront vaccinés d’ici fin août, supprimant au passage par sa seule volonté la liberté de se faire ou non vacciner. Il n’avait même pas besoin de le faire puisque la couverture vaccinale minimale devrait être atteinte sans difficulté : les Français qui, à la veille de Noël, n’étaient que 42 % à souhaiter se faire vacciner, se retrouvent aujourd’hui 54 % à le désirer. Un bond qui a laissé pantois les experts des instituts de sondage. Philippe Bernard du quotidien Le Monde y voit un bel exemple de « désir mimétique » théorisé par René Girard. A l’appui, une blague ayant circulé sur les réseaux sociaux :

Un médecin à la peine avec un Anglais, un Allemand, un Américain et un Français rétifs à la vaccination contre le Covid-19. L’Anglais finit par se laisser vacciner pour se comporter en gentleman, l’Allemand parce qu’on lui ordonne, l’Américain sous prétexte que son voisin l’a fait. Quant au Français, il résiste à tous les arguments, jusqu’à ce qu’on l’informe qu’en réalité, en tant que Français, il n’y a pas droit. Il hurle alors pour protester contre cette injustice et obtenir le vaccin.

Ce désir mimétique consistant à désirer quelque chose uniquement parce que d’autres l’ont, n’illustre-t-il pas une fois de plus que ce que l’on qualifie d’attachement des Français pour l’égalité, valeur perçue de manière positive, n’est en définitive que de l’envie ou de la jalousie, autrement dit un vice.

 

 

En ce qui concerne les « effets indésirables graves ou inattendus » de la vaccination, suite au décès de 5 personnes, le ministère de la Santé a annoncé qu’elles avaient toutes plus de 75 ans et souffraient de comorbidités. On aimerait tellement que les autorités nous disent enfin la même chose de l’immense majorité des morts de la Covid: ces personnes avaient d’autres maladies et les vieillards doivent un jour mourir. Parenthèse : où en est Naples qui, confrontée en novembre à la saturation de ses hôpitaux, mettait des malades du Covid-19 sous respirateurs dans leur voiture devant l’hôpital ? Plus de nouvelles, bonne nouvelle ?

Face à ce virus, l’objectif directeur de « sauver des vies », quel qu'en soit le prix, peut être considéré comme le marqueur d’un degré élevé de civilisation, cependant le régime de peur, de suppression des libertés fondamentales ainsi que ses conséquences économiques, sociales et sur la santé publique que requiert sa poursuite insensée, n’est-il pas plutôt un signe de décadence ?

La question mériterait d’être posée si la nouvelle prolongation au Parlement de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin ne garantissait pas le silence de la moindre opposition.

 

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