culture gay

Publié le 22 Janvier 2024

La belle Hélène (Die schöne Helena) d'Offenbach, Berlin, Komische Oper, 8 mai 2022
La belle Hélène (Die schöne Helena) d'Offenbach, Berlin, Komische Oper, 8 mai 2022

 

Die schöne Helena | Trailer | Komische Oper Berlin

Sky is the limit.

Emmanuel Macron

 

Les habitués de ce blog savent que son auteur gagne sa vie en exerçant une profession dont l’exercice est devenu souvent difficile, et dont l’attractivité et l’image n’a cessé de se détériorer avec la démocratisation et la massification de l’accès à l’école et à l’enseignement supérieur en cours depuis une soixantaine d’années. De manière prévisible, cela se traduit par une crise du recrutement d’enseignants qui s’aggrave et qui ne manque pas, en retour, de dégrader le service public offert.

Si le problème ne touche pas seulement notre pays, dans une France, particulièrement allergique aux inégalités, « l’école » tient une place essentielle comme moyen d’essayer de tenir la promesse d’égalité des chances, et de « faire nation » en transmettant un socle culturel commun à une société devenue multiculturelle.

Que faire pour redresser la barre ? Sans aucun doute trouver des ressources pour payer beaucoup mieux les enseignants, notamment débutants. Mais pas seulement, puisque il est de notoriété publique que c’est devenu un métier difficile, voire impossible par endroits, en raison d’un nombre croissant d’élèves ayant « une maîtrise du français en forte baisse, surtout à l'écrit (la graphie SMS fait des ravages) ; de moins en moins de goût pour le savoir en général et le travail scolaire en particulier ; enfin, et peut-être surtout, une incapacité de plus en plus grande à se soumettre à quelque autorité que ce soit, donc une indiscipline croissante, qui relève plus souvent du brouhaha que du chahut mais permet de moins en moins de monopoliser leur attention plus de quelques minutes par heure de cours… » (André Comte-Sponville rapportant les propos de collègues encore en activité, auxquels je souscris entièrement, alors même que j’ai en face de moi, non pas des appareils dentaires boutonneux, mais des jeunes à qui il a déjà été donné un « bac »).

 

Steve Mccurry, Hazara School Children, Afghanistan, 2007
Steve Mccurry, Hazara School Children, Afghanistan, 2007

 

Dans sa dernière livraison post-Covid en 2022, PISA qui évaluent les résultats des élèves de quinze ans dans 79 pays, en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en culture scientifique, l’objective en faisant état que la France est, avec l'Argentine et le Brésil, « l'un des trois pays où les élèves font part des plus grandes préoccupations liées aux problèmes de discipline en classe ». Un élève français sur deux (contre un sur trois dans l'OCDE) déclare qu'il y a du bruit en classe dans la plupart voire dans tous les cours. Et, pour plus de deux élèves sur cinq, le temps d'apprentissage est réduit en raison du bruit. » De nouveau, l’étude situe la France dans la moyenne de l'OCDE, mais avec la permanence des plus fortes inégalités provenant de l'origine sociale des élèves.

 

"L'innocence" réalisé par Hirokazu Kore-eda

 

Pourquoi ce préambule ? Parce qu’en moins de 6 mois, notre monarque, qui décide de tout jusque dans les plus petits détails, nous a changé trois fois le tenancier du « Mammouth » pour qui je travaille. C’est très perturbant dans une très vieille institution où seul importe le temps long.

Au bout d’un an d’exercice, bien qu’il soit remarquable par sa couleur de peau et ses états de service universitaire d’historien des « minorités », Pap Ndiaye s’est rappelé à nous quand il a été remercié : on l’avait oublié. Lorsqu’on a connu le nom de son successeur, Gabriel Attal, j’ai poussé un cri : « Nonnnn ! », toute la période Covid 19, telle la moutarde me remonta au nez, les deux toutous de Macron, le ministre de la santé et le porte parole du gouvernement, en particulier son intervention en janvier 2022, dupliquée à l’infini sur le web : « On va se parler franchement : qui emmerde la vie de qui aujourd'hui? Qui gâche la vie de nos soignants? (...) Ce sont ceux qui s'opposent aux vaccins. » Au même moment, je titrais un billet « Covid 2022, bientôt l’épilogue ? » qui éclaire rétrospectivement mon déplaisir à l’annonce de le voir réapparaître sur le devant de la scène avec sa nomination à l’Éducation nationale.

Seulement cinq mois après, à cours de volontaires serviles qui ne lui feraient pas d’ombre, pour son remaniement, sa Majesté le roi ne lui a même pas laissé le temps d’avoir un bilan, elle l’a propulsé, chef de son nouveau gouvernement.

« À 34 ans, il devient le plus jeune premier ministre », comme le dit Karine Dubernet, « on aurait préféré le plus compétent, ce sera juste qu’un p’tit con péteux. »

Selon les journalistes, outre sa loyauté à Macron envers et contre tous, son âge a compté pour beaucoup (il lui revient de damer le pion au jeune Bardella), tout comme le fait que c’est un bon acteur qui travaille son jeu depuis sa classe de CM2, ce qui lui vaut 40 % d’opinions favorables dans l’opinion.

 

Macron s'adresse aux Français qui se lèvent tôt, dessin de presse d'Herrmann, publié dans Le Monde
Macron s'adresse aux Français qui se lèvent tôt, dessin de presse d'Herrmann, publié dans Le Monde

 

En ce qui concerne la composition du nouveau gouvernement toujours en cours de constitution, comme disait la grand-mère de Karine (Dubernet de nouveau) : « on va encore changer les cornichons, mais toujours pas le bocal. »

La nouvelle matrone de ma boutique, Amélie Oudéa-Castéra (AOC), que je découvre en exercice à « la jeunesse, aux sports, aux jeux olympiques et paraolympiques » n’a pas refusé de rajouter à tout ça, le portefeuille du plus gros budget de la nation (82 milliards avec les pensions de retraites) avec plus de 1, 2 millions de personnes à gérer.

On devine qu’elle est une femme indépendante, puisqu’elle accole son nom de jeune fille à celui de son époux. Adolescente, elle a été joueuse de tennis de haut niveau, mais pour ce qui est de renvoyer les balles, elle semble avoir depuis perdu la main. « Grâce à Oudéo-Castéra, l’Éducation sera bientôt cotée en bourde ! » a pu ainsi titrer le Canard Enchaîné.

En effet, alors qu’on l’interpellait sur le fait que ses trois fils étaient scolarisés dans le très huppé établissement privé Stanislas dans le 6e arrondissement (« Stane» pour les intimes), elle n’a rien trouvé de mieux pour le justifier, que d’invoquer l’absentéisme des enseignants dans l’école élémentaire Littré dans laquelle elle avait (il y a 15 ans) scolarisé son fils, et d’en faire une généralité pour l’école publique, provoquant le démenti de la professeure en charge de l’aîné des Castéra, à qui sa mère voulait en vain faire sauter une classe, et l’ire de toute la corporation et de ses syndicats. Pour tenter d’éteindre le feu, quelle ne fut pas notre stupeur que de l’entendre s’excuser puisque c’est ce qu’on lui demandait ! Demander pardon de quoi ? De sa justification mensongère peut-être, mais certainement pas d’avoir choisi pour ses enfants la meilleure école de son arrondissement, qui se trouve être une école privée sous contrat avec l’État.

 

Photo attribuée à George Platt Lynes, années 1950 ?
Photo attribuée à George Platt Lynes, années 1950 ?

 

La vérité rarement dite, tout le monde la connaît, quand on (s’)est domicilié dans le 6e arrondissement de Paris, le choix du privé pour ses enfants, ce n’est pas non plus pour leur éviter des problèmes de discipline en classe ; c’est avant tout un choix d’entre-soi des élites parisiennes, qui, selon le quotidien de Genève, Le Temps, « ne font pas confiance à l’école publique. La vraie question est de savoir pourquoi”. “C’est là que le bât blesse […]. Aucun ministre de l’Éducation n’ose assumer que c’est avant tout pour bénéficier d’une certaine ségrégation que les écoles privées françaises ont tant de succès dans une France débordée par les crises sociales. Et aussi parfois parce que la pédagogie qui règne au sein de l’école publique peut déplaire. Tout comme les grèves à répétition.”

S’il est permis de douter qu’AOC soit la meilleure personne aux rênes de l’Éducation nationale (mais ni plus ni moins que Rachida Dati à la Culture), on ne peut la blâmer, en tant que parent, d’utiliser un système éducatif inégalitaire injuste légalement institué, qui autorise les établissements privés disposant de moyens financiers bien plus importants, grâce aux frais de scolarité payés par les parents en sus de la dotation de l’État, tout en les autorisant à choisir leurs élèves comme leurs personnels.

Pourtant, quarante ans après le Mouvement de l’École libre, l’historien de l’éducation Claude Lelièvre pense que « la guerre scolaire n'aura plus jamais lieu » (pas plus d’ailleurs que ne sera remis en cause le double secteur dans le secteur de la santé). Ne serait-ce que pour des raisons budgétaires : un élève dans le privé coûte 30 % de moins en moyenne qu’un élève dans le public selon la Fondation Ifrap. Il n’en demeure pas moins que la réduction continue de la mixité sociale dans l’enseignement privé depuis 20 ans, donne du poids à la proposition de la Cour des comptes de moduler les moyens alloués aux établissements privés en fonction du nombre d’élèves défavorisés accueillis. De même, des inégalités les plus criantes devraient être supprimées : dans les lycées publics, 35% des classes comptent au moins 35 élèves contre 4% dans le privé,  et en moyenne, un lycée privé parisien dispose de 15% d’heures d’enseignements supplémentaires (financées par l’État) par élève que le public (source TTSO qui se réfère à un article du journal le Monde).

 

Gabriel Attal / Stephane Séjourné, collage de Caroline Sieurin d'après Eliot Blondet / Best Image
Gabriel Attal / Stephane Séjourné, collage de Caroline Sieurin d'après Eliot Blondet / Best Image

 

Mais j’arrête là concernant l’école pour ne pas vous perdre, si ce n’est déjà fait, pour finir ce billet sur la vraie nouveauté de ce remaniement. Non, il ne s’agit pas du programme de « réarmement démographique » qu’a appelé de ses vœux S.M. dans sa conférence de presse de « rendez-vous avec la Nation », dont la longueur m’a rappelé les discours de Fidel Castro, et qui a naturellement fait beaucoup gloser (personnellement, en l’absence de descendance, je me serais abstenu de me lancer sur un tel sujet : « faites ce que je dis, pas ce que je fais !).

Non, la seule nouveauté de ce remaniement, c’est que le nouveau premier ministre est jeune et ouvertement gay, après qu’il a été « outé » en 2018 par cette teigne sulfureuse de Juan Branco qui le harcèle et le poursuit de sa haine homophobe depuis l’école Alsacienne. Quoi qu’en pensent la frange la plus radicale du militantisme LGBT, comme Thomas Vampouille dans le magazine Têtu, je considère que lorsqu’“une personnalité issue d’une minorité accède à une fonction sociale jusqu’ici inaccessible, c’est une bonne nouvelle en soi.”

La lutte pour la visibilité des minorités sexuelles ayant malheureusement aussi imposé que soit jetées sur la place publique des informations qui relevaient, il y a pas si longtemps, de la vie privée, j’ai aussi appris qu’un macroniste de la première heure, Stéphane Séjourné, actuellement député européen, a été pacsé 5 ans avec « Baby Macron », et qu’il vient d’être nommé « ministre de l’Europe et des affaires étrangères ». Si on en croit le Canard Enchaîné, le nouveau ministre a déjà bousculé la tradition du langage diplomatique châtié avec des déclarations pas tendres pour la syntaxe comme : « c’est en Ukraine que se joue (…) la défense des principes fondamentals du droit international » et « ce sera l’occasion de voir pour nous ce qu’ont besoin les Ukrainiens », « sur le point de vue »...

Toutefois là n’est pas l’essentiel. Gabriel Attal retrouvera-t-il une nouvelle épaule sur laquelle s’épancher la nuit après ses essorantes journées de Premier ministre ? On parie que oui avec les nouveaux atouts dont il dispose, mais à une seule condition, qu’il cesse immédiatement de mettre en scène «l'étalage minute par minute d'un emploi du temps qui ne semble pas lui en laisser » une seule.

 

Hoyt Kogan par Robin Yong (2019)
Hoyt Kogan par Robin Yong (2019)

 

 

Le remaniement, la semaine de Naïm

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