Publié le 8 Juillet 2012

 

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Youssef Nabil  deux djellabas 2007

 

 

 

... en souvenir de ce moment délicieux de conversation et de musique avec le violoncelliste...

 

 

Sur un intitulé d’émission opportun alors que commencent les vacances d’été, « Pensez positif pour des vacances heureuses ! », Mathieu Vidard a invité dans son émission scientifique « La tête au carré », deux spécialistes français de la psychologie positive, Jacques Lecomte et Thierry Janssen.

Si la thématique est finalement assez peu traitée, celle des clés du bonheur identifiées par cette branche de la psychologie, le furent, ce qui évidemment, nous intéresse tous, d’autant que le propos est autrement plus familier et accessible que « le Boson de Higgs » ou « la théorie cinétique des gaz en mathématiques ».

 

La psychologie positive doit son apparition au constat que l’essentiel des travaux en psychologie au XXe siècle a porté sur des problèmes, sur des dysfonctionnements, que ce soit la dépression, l’anorexie ou la violence. Il s’agissait de les comprendre afin d’essayer de les résoudre ou au moins de soulager les souffrances des individus.

 

 

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Ainsi la psychanalyse a révélé les « forces sombres » et non conscientes de l’individu, puis le mouvement cognitivo-comportementaliste a étudié les conditionnements de l’individu avec la promesse éventuelle de se déconditionner de certains apprentissages.

Après la seconde guerre mondiale, sous l’influence du volontarisme de la philosophie existentialiste qui affirmait qu’on n’était pas que le résultat de « forces sombres » et victime à vie, qu’il nous fallait inventer notre vie, les psychologues humanistes, tels que Carl Rogers ou Abraham Maslow se sont intéressés au potentiel positif que les individus ont en eux.

De leurs travaux est issue la vague du développement personnel qui a conduit plus récemment au coaching, très critiquée par les psychanalystes qui en contestent la base scientifique et y voit davantage l’effet d’une croyance.

A partir des années 2000, des psychologues, notamment Martin Seligman qui a fait des gens qui ne sont jamais entrés en dépression un objet de recherche, ont recueilli les données objectives manquantes de ce qu’on appelle la psychologie positive.

 

 

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Art brut : Jean Dubuffet

 

  

Plus largement, précise Jacques Lecomte, la psychologie positive « s’est fixé comme objectif d’étudier le bon fonctionnement de l’humanité ; à trois niveaux :

-          celui de l’individu, avec des travaux sur l’optimisme, sur la motivation, la résilience, le sens de la vie,

-          des travaux plutôt sur l’interpersonnel, sur la gratitude, sur la coopération, sur la confiance dans les autres,

-          et enfin à un niveau plus social, voire politique, par exemple la résolution des conflits ou des travaux de santé publique pour concevoir par exemple des campagnes axées sur les capacités d’action des gens et non exclusivement sur la peur.

Bref un ensemble d’études sur ce qui fonctionne bien. »

 

Ce n’est probablement pas un hasard si la plupart des travaux relevant de la psychologie positive ont été conduits par des psychologues américains. En Europe, contrairement aux Etats-Unis, on a tendance à considérer l’optimisme comme de la naïveté et un manque de réalisme.

Pourtant, selon Thierry Janssen, toutes les études montrent que les gens optimistes sont très réalistes, qu’ils ne nient absolument pas la réalité, y compris dans la situation extrême de malades en fin de vie qui « positivent » leur expérience.

 

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C’est par instinct de survie que l’homme mémorise plus ses moments de douleur, de malheur pour s’en prémunir, pour les prévenir. Le problème est de rester bloqué sur ces visions qui nous plongent dans la peur, l’angoisse, dans un stress qui deviennent chroniques et délétère y compris pour notre santé physique.

« Le fait d’être capable d’en sortir en mobilisant des ressources qu’on a en nous pour penser positivement, nous dit Thierry Janssen, va alors nous donner une imagination pour trouver des solutions face à certains problèmes -quand on s’enferme dans des pensées négatives, on n’a plus cette imagination - et en plus ça va nous rendre beaucoup ouverts aux autres, beaucoup plus sympathiques pour les autres, et nous avons besoin d’être en lien pour survivre à long terme, nous sommes des animaux sociaux.»

 

Ainsi, Martin Seligman a défini trois voies du « bonheur authentique » qui semblent être utilisées dans différentes cultures.

 

1. d’abord la nécessité de pouvoir répondre à notre besoin de plaisir. Le plaisir est un besoin essentiel, c’est ce qui nous motive dans la vie, et le plaisir est associé souvent aux actions les plus vitales, se reproduire, manger, faire du lien avec les autres. Il a ainsi été observé que « les neurones de la satisfaction » s’activent quand on fait l’amour, quand on mange, mais aussi dans les relations humaines (d’amour, d’altruisme).

 

 

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Gerhard Richter au Centre Pompidou  S. mit Kind 1995

 

 

2. ensuite la nécessité de pouvoir s’engager dans des actions qui nous enrichissent profondément et qui généralement sont situées à un niveau de compétences un tout petit peu supérieur à celui de nos compétences habituelles, elles demandent ainsi une focalisation, un engagement, une attention qui nous emporte dans une « expérience » que l’on nomme « optimale » en psychologie, « une expérience de flux » : on oublie le temps qui passe, on s’oublie soi-même, ses problèmes.

 

3. enfin, c’est pouvoir répondre à notre besoin de sens qui est un besoin aussi essentiel que notre besoin de plaisir, nous sommes un animal pensant qui a besoin d’organiser sa vie le long d’une ligne qui donne une direction à notre existence.

Pour Jacques Lecomte, toutes les études permettent de dégager trois grandes composantes du sens de la vie :

 

- les relations affectives, l’amour, l’amitié, les relations parents-enfants ou enfants-parents, bref les liens affectifs.

- nos convictions, nos valeurs, ce à quoi je crois, les valeurs écologiques, politiques, religieuses...

- l’engagement dans l’action.

 

La question du sens ne se pose pas forcément, elle se nichera dans la réponse à la question « qu’est-ce qui est important pour toi dans ta vie ? ». En revanche, au cours d’une vie on y échappe rarement, car elle s’imposera en général dans l’épreuve.

 

 

 

Adieu Berthe (l'enterrement de mémé) des frères Podalydès

 

 

Thierry Janssen souligne que la psychologie positive ne fait que redire en l’étayant, ce que les philosophes de l’Antiquité avaient déjà affirmé.

Aristide de Cyrène, le premier a dit : « le bonheur c’est le plaisir », [hedone] en grec, l’hédonisme, et puis Epicure a dit, « non, non, le bonheur, c’est le plaisir qui est acquis grâce à une vie vertueuse » car l’hédonisme d’Epicure est une vie ascétique mais pour trouver un plaisir qui conditionne le bonheur. Socrate, Platon et Aristote, ont été plus loin : « ce qui compte, c’est qu’il y ait une vie vertueuse qui donne du sens à l’existence de l’individu ».

La psychologie positive les réconcilie en empruntant à tous.

 

Ces trois voies du bonheur énoncées par Seligman appellent trois remarques.

Premièrement, comme l’affirme depuis longtemps le bon sens populaire, « l’argent ne fait pas le bonheur », en revanche, la grande misère conduit plus sûrement au malheur.

 

 

 

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Leptis Magna (Libye)

 

 

Deuxièmement le travail (bien que rare et occupant une place centrale dans nos sociétés), n’a souvent pas beaucoup de sens, ce qui nous fait souvent dire lui préférer les loisirs. Or cette affirmation lors d’enquêtes hors temps de vacances est démentie par les mesures d’état de satisfaction durant les vacances (la personne étudiée est bipée régulièrement et doit alors noter son niveau de « bonheur » sur une échelle de satisfaction).

Ce paradoxe s’explique sans doute par le fait que la plupart des gens ont des loisirs inactifs, passifs dans lesquels leur investissement, engagement ou attention est faible.

 

 

 

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Gerhard Richter Venedig 1986

 

  

Troisièmement, Thierry Janssen, rappelle la nécessité de savoir savourer le plaisir, et pour cela de savoir prendre le temps, de sous-doser, de ralentir, de simplifier les choses. Ça vaut bien sûr pour les vacances durant lesquelles on peut aussi avoir tendance à en faire trop, et du coup à ne plus rien goûter, le plaisir nous filant sous le nez.

 

En fin d’émission, il nous invite à adopter une posture de confiance et de gratitude à l’égard d’autrui  et de la vie tout court. Le défi (dans une société que d’aucuns qualifient de défiance) est « de parvenir à changer ses représentations de soi et du monde. Une fois que le nouveau point de vue est expérimenté, cela devient plus facile.»

Bref, la béatitude au prix d’une révolution.

Bonnes vacances :=) !

 

 

 

  

 

 
Always look on the bright side of life (Monty Python, la vie de Brian)
 
 
   
 

B Attitude

 

 

 

De tous les paysages

nul n’égale en beauté

celui d’un garçon nu

plein de grâce embrasé

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #vivre, #technoscience, #forme brève

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