les amis

Publié le 15 Septembre 2006

16-5-03

Déjà courbaturé par la séance de body pump conduite par Karim du Club Med Gym, je montais lentement les marches des quatre étages. Ce soir, Gabriel ne revient pas, il file directement à Tours pour pouvoir être à la fête organisée pour son copain Franck qui est éclairagiste à l’opéra de Sydney. Il me vient à l’esprit qu’il est peut-être là dans notre appartement, passé de manière impromptue pour plus ou moins consciemment vérifier ma vertu. Je prépare ma phrase d’accueil : “Ah, tu as donc voulu me surprendre avec un amant ? Mais je connais trop bien ta duplicité, c’est pourquoi j’ai ce soir tout annulé”. En ouvrant la porte, je trouve ce petit mot écrit de sa belle écriture sur l’enveloppe d’une invitation aux portes ouvertes des ateliers de Belleville :

 

Une petite souris est passée par ici

A vu tes dessins

Les a trouvés bien

A vu ton fouillis

Et en a bien ri 

A ouvert ton frigidaire

Sans le mettre parterre

Mais s’en va déjà,

Car c’est ce qu’elle doit.                            G.

 

 

 

 

 

18/5/03

 

Je réalise avec effroi qu’il ne me reste que peu d’années d’espérance de vie : 4, 5 ou 6 années. Il me semble que c’est pour le lendemain. J’ai dans ce rêve un âge beaucoup plus avancé mais je pense aussitôt à mes parents.

 

Le même jour, j’apprends que le cinéaste Joao Monteiro vient de mourir. Il joue dans son dernier film un vieillard digne tout desséché à l’arrière d’un tramway. Je l’ai toujours cru très âgé. En fait, il avait les 64 ans que fêtera le 24 mon père.

 

P.S. On m’a depuis fait réaliser que je devais confondre Monteiro avec De Oliveira qui lui est beaucoup plus âgé.

 

 

 

Trop vieux à 45 ans 

 

Libé 28/4/3 dans le dossier emploi “Les deux pieds dans le chômage” : Après “601 lettres de candidatures”, le pessimisme de Dany Williate est flagrant : “on regarde vos cheveux. Ils sont blancs : c’est terminé. Etre trop âgé pour trouver du travail à 55 ans, ce n’est pas récent. Depuis un ou deux ans, la nouveauté, c’est le sentiment d’être trop vieux à 45 ans… Plus le chômage croît, plus les entreprises font la fine bouche : j’ai vu une annonce récente recherchant un “senior”…” Renseignement pris, le senior devait avoir… 30 ans.

 

 

Mondanités

15/6/3

Vendredi soir, Sylvie et Adèle ont fêté leur anniversaire au “26 rue Lucien Sampaix”. Je terminais de passer l’aspirateur quand Gabriel a débarqué “as usual” tout sourire et dégoulinant de la Gare du Nord. Comme nous étions tous deux cassés par une semaine chargée et la chaleur de la journée, j’ai suggéré avant de nous y rendre de prendre chacun une douche et d’écluser ce qu’il restait du Sylvaner “Kranken” autour de quelques olives. La chose faite, un verre d’eau pour rincer et nous sommes tranquillement descendus vers République. Bien qu’il fût pas loin de 22H, il faisait encore grand jour. “Canal plage”connaît le soir une affluence maximale : des floppées de trentenaires (?) s’alignent, pour bavarder ou draguer en buvant une bière ou du vin, le long de ce qui est devenu par trop de fréquentation un quasi égout à ciel ouvert.

 

Sylvie puis Adèle nous accueillirent, toutes deux déjà survoltées. Sylvie avait troqué ses frusques sombres contre une robe droite claire qui l’embellissait Pas encore envahi, l’appart avait belle allure et il y faisait bon grâce aux fenêtres grandes ouvertes sur les plantations de Sylvie. Hormis Mireille qui était déjà là, Nanou et Axel, la copine de Sylvie qui a fait des études de philo et la jeune sœur tendance dépressive de Sabine, je ne connaissais personne. Les filles dominaient le parquet. “Où sont les hommes ?” pensai-je en me dirigeant vers le bureau de Paul où j’espérais trouver de quoi me substanter avant que tout ne disparaisse et de boire mon premier verre de champagne.

 

J’y ai eu deux bonnes surprises : Un buffet magnifique et un beau jeune homme mince et imberbe. Une fois rassasié, j’ai demandé à Adèle qui était ce bibelot.  En dépit des apparences, il n’est pas pédé puisqu’il est l’amant de sa copine polonaise Marina. Malheureusement il est bête comme ses pieds. Elle ne comprend pas ce que sa copine médecin peut faire avec un garçon pareil, laquelle a tout de même quelques doutes à son sujet puisqu’elle a demandé à Adèle son opinion sur ce garçon. J’ai pensé un moment qu’il s’agissait d’un malentendu linguistique mais pour avoir ensuite un peu parlé avec Marina, c’est impossible : elle parle un français parfait avec encore moins d’accent que Darek.

 

L’appart s’est peu à peu rempli pour accueillir jusqu’à 40 personnes d’après Sylvie. Toujours aussi peu de mecs, ça ressemblait de plus en plus à une soirée lesbienne ou à une réunion de jeunes veuves de guerre. Comme je connaissais de moins en moins de monde et que les gens étaient plus jeunes que nous – Mireille  n’arrêtait pas de me dire qu’elle allait partir : “je suis trop vieille !”- j’ai supposé que la majorité des invités l’avaient été par Adèle. Paul n’était pas mieux loti que nous ; Gabriel lui dit : “alors Paulo, invité à une fête dans sa propre maison ?”.

 

Du coup, j’ai demandé à Sylvie de me rafraîchir la mémoire sur les prénoms des rares personnes que j’avais déjà fréquenté en soirée : “ta copine canon qui a fait des études de philo ? – Véronique. La charmante anglo-indienne qui a fait sciences pô ? – Christina  – ton copain pédé ? – Mathis.” Munis de ces infos, je suis parti entreprendre le dit Mathis.

 

 

Je m’apprêtais à lui tendre la main quand il s’est penché pour m’embrasser : “allez, lui dis-je, on se fait la bise, comme deux tapioles ! – que nous sommes” ajouta-t-il. Il m’avait largement devancé sur la voie de l’alcoolisation et se rappelait fort bien de moi : “Alors, toujours rue Vicq d’Azir ?… Tu fais quoi déjà ? T’es pas infirmier ?…” Pour le déculpabiliser, je lui ai avoué avoir demandé à Sylvie de me rappeler son prénom. J’avais le souvenir qu’il avait fait un BTS action co et qu’il travaillait dans une agence d’événementiel. Il compléta en me disant qu’il organisait des événements destinés à rapprocher entreprises et investisseurs institutionnels. Il a acheté un appart face à la Gare du Nord. Selon lui, le coin est très calme surtout depuis que Sarkozy y a fait faire le ménage. “Fini, les beaux petits tapins de Roumanie, déplorai-je – t’es énervé ? C’est la saison qui te travailles ? – Affirmatif, on est des animaux. – Et bien moi figure toi que pour la première fois de ma vie, hier j’ai subi une panne totale.” Il avait été faire un tour dans une boite gay “l’insolite” (ou “l’incognito”?) pour danser et à sa grande surprise s’est fait brancher par un beau mec qu’il a finalement rapporté à la maison. “Il m’a fait une sucette mais rien. Ça m’est déjà arrivé de bander mou mais alors là rien. Nibe. Aucun effet. – Moi, ça m’est déjà arrivé. – Ceci dit, je crois que je suis amoureux.” Le mec est styliste chez Clergerie à Romans et ils s’envoient des textos enflammés. Je me fit l’apologue du couple a fortiori quand on file vers la maturité. Il a 35 ans. Nous avons continué sur nos trajectoires affectives et sexuelles très différentes. Je lui ai dit ma traversée du désert pour cause de terreur du Sida, il sembla s’en étonner : “ah tu as peu d’expérience !” J’ai évoqué le temps retrouvé en fumant une clope sur le balcon de la Comédie Française. Il m’a raconté le fiasco de son premier mec à 18 ans : “quand je l’ai vu à poil, alors là je n’ai pas pu ! Il avait une bite énorme, très large, d’une circonférence comme ça, et qui terminait pointue. Non, je n’ai pas pu.”

 

Les filles dansaient toujours comme des furies. Je n’étais pas dans une humeur dansante mais j’ai volontiers fait danser la bombe Christina. Dans la cuisine, je lui ai vendu Gabriel pour qu’elle le prenne au Quai d’Orsay qu’elle a intégré par concours. Elle est chargée de la zone Vietnam-Laos -Cambodge mais déplore de ne pas avoir de budget pour s’y rendre.

 

Je ne l’ai pas vu partir ni d’ailleurs Mathis. Dés son arrivée, je n’ai eu de cesse de regarder en coin le black magnifique que nous a apporté Véronique, qui est elle-même vraiment une belle fille et que Gabriel et moi surnommons ce soir “la lionne”. J’ai signalé à cette dernière qu’elle ferait mieux de s’en occuper plutôt que de danser comme une folle avec le mec hideux apporté par D. (la fille de Strip Tease). Elle m’a donné raison en joignant l’acte à la parole, puiqu’ils disparurent peu après.

 

J’ai commencé à avoir envie de rentrer mais Gabriel n’a pas l’air du tout prêt. Alors, j’ai levé tout contrôle de consommation de stupéfiants et j’ai tenu avec clopes et coupes de champagne. Gabriel m’annonça que Clément, le jeune homme qui faisait rentrer tard du collège Sylvie était dans la cuisine avec sa femme. Paulo nous raconta de nouveau le poing qu’il lui avait foutu dans la gueule et la giclée de gaz lacrymogène qu’il avait pris en retour. J’ai branché le fameux Clément d’un “alors c’est toi le copain à Sylvie qui la faisait rentrer si tard de l’école ? – de Sylvie, le copain de Sylvie, m’a-t-il corrigé en guise de réponse – désolé lui dis-je, tu as raison de me corriger, je fais partie des gens qui vont au coiffeur.” Pas lourd du tout comme prise de contact ! Il était vraiment temps de rentrer.

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #mens sana in corpore sano, #avec un grand A, #tragique, #les années, #vivre, #les amis

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