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Publié le 5 Septembre 2006

Depuis tout petit, je suis sage comme une image

 

Fixes ou animées, j’aime les images. Toutes m’intéressent. Elles m’émeuvent. Enfin, certaines plus que d’autres, c’est comme les tableaux : Le Caravage davantage qu’Ingres.

Tiens par exemple ! Depuis dimanche, chaque fois que je passe devant la table en désordre de la salle à manger, mon regard est irrésistiblement attiré par les trois reproductions de photos de nus que j’ai rapporté de l’exposition des peintures de l’américain Thomas Eakins.

Ce professeur de peinture prenait beaucoup de clichés avant de réaliser un tableau. Deux de ces photos préparent le tableau « Swimming » reproduit dans le bouquin de Dominique Hernandez « L’amour qui ose dire son nom – Art et Homosexualité ».

 

 

 

Sept garçons au bord de l’eau, la majorité d’entre eux en sont sortis, aucun ne regarde l’objectif et il est aussi difficile de distinguer leurs traits. En regardant bien, on distingue deux sexes, tâches sombres sur des peaux d’albâtre. Sur le tableau, les sexes ont disparu dans une mise en scène différente,  davantage « statuaire antique ». En revanche, comme le fait remarquer Dominique Hernandez, les fesses du personnage debout viennent occuper le centre géométrique du tableau.

Je me penche de nouveau sur ces instantanés. C’était en 1883, dans une Pennsylvanie très puritaine ; ces garçons étaient sûrement des étudiants d’Eakins puisque j’ai lu qu’il organisait avec eux régulièrement des séances de nus.

Cette pratique « pédagogique » fit scandale et il dût démissionner de l’école. Le catalogue de l’exposition parle de bout des lèvres qu’il était soupçonné d’avoir des relations avec ses élèves femmes. Alors là je m’insurge, quel révisionnisme ! Les garçons dominent sa production picturale et photographique dont l’homoérotisme saute aux yeux ; il n’a fait que quelques rares portraits de femmes, habillées bien sûr.

 

Pourquoi diable ces photos m’attirent elles ? Les clichés ne sont pas terribles, ça n’a pas la force hypnotique d’un poste de TV allumé tout de même.

Des garçons nus – en plein air – en 1883, je trouve ça émouvant de penser qu’en 1883, sept garçons ont déconné devant l’objectif de leur prof, nus comme des vers. Quelle transgression dans cette Pennsylvanie puritaine ! Et puis, je brode bien sûr : ça devait bien coucher ensemble tout de même, au moins certains. Je les mate, ils prennent vie.

 

Ma passion pour les images, aussi loin que je me souvienne, remonte au collège. Je me souviens de mes premières revues pornos feuilletées l’air de rien avec deux autres camarades chez les frères Maristes. Je crois qu’il y avait Heiertz, un blondinet aux cheveux mi-longs plutôt mignon mais qui jouait au dur. C’est avec lui que j’ai eu mon premier combat dans la cour de récréation sous les cris de satisfaction des inévitables excités de la « marave ». Il ne cessait de chercher le garçon timide que j’étais alors. Je lui ai foutu une mandale – merci le judo -, il m’a foutu une châtaigne, le surveillant est arrivé. Nous étions quittes, on était devenu copain d’école.

 

Je nous imagine en train de ricaner devant des photos mettant en scène des homosexuels. J’ai le souvenir de prises de vue autour et dans une piscine, d’un phallus supportant une espèce de gros grain de beauté. J’étais terriblement énervé par ce que je venais de découvrir et n’avais qu’une hâte mater seul ces obscurs objets du désir. Nous avions dû nous faire pincer par le Frère surveillant général qui nous l’avait confisqué et nous avait puni d’une autorisation de sortie retardée. Nous avions bien rigolé à la pensée que ce religieux lugubre l’avait confisqué pour son usage personnel.

Comme vous le savez, la punition n’a pas été très efficace…Et puis un interdit, ça attise la curiosité, ça vous énerve, sa transgression est tellement riche en émotions…

 

 

 

Responsable mais pas coupable ?

 

Je sors à peine d’une passe difficile. Je ne sais pas trop comment j’ai chopé cette saleté de virus. Epouvantable ! J’allais de mal en pis. J’ai même vu le moment où j’allais y passer. Heureusement, on a enfin trouvé le traitement qui a été efficace à 96%. J’abrite toujours un petit 4% de réplique virale. Je croise les doigts pour que notre cohabitation en reste là. Allez, comme disait ma grand-mère paternelle, « chaque jour suffit sa peine ! » on verra bien.

Il y a un autre problème. Il est hyper contagieux. Ils ne le savent peut-être pas encore… Ou ils ne savent pas que c’est moi qui leur ait filé. Ils ou elles d’ailleurs, j’ai contaminé toutes les personnes avec qui j’ai eu des relations. Il suffisait d’une seule relation. Je culpabilise… Est-ce que je leur dis pour qu’il se soigne rapidement ?

Oh, ils ne sont pas plus cons que moi, ils se feront traiter dés que leur vie deviendra impossible. Et puis après tout, ils savaient comme moi les risques qu’on prenait en ayant des relations. D’ailleurs, ce n’est peut-être pas moi qui les ai contaminés ?

Bon, y a autre chose qui me mâche. Y en a au moins une qui sait que ça vient de moi. Blanca. La collègue de Gabriel. La vie est injuste ! Je n’aurai jamais pensé que ça tomberait aussi sur elle.

Gabriel avait eu des doutes quand elle lui a parlé de ses premiers symptômes qui ressemblaient aux miens. Mais quand elle a parlé d’un mail adressé par thomas.querqy, ça ne faisait plus l’ombre d’un doute. Comme moi, elle n’a ouvert aucune pièce jointe et les a transmis au service informatique pour analyse. Quand elle leur a demandé ce que c’était, ils ont confirmé ses craintes et dit que c’était des photos porno gay. Pas de doute, c’était bien moi qui l’avais contaminé.

J’imagine avec effroi Breillat, mon Inspecteur ouvrir le document que lui a envoyé thomas.querqy et voir son écran envahi par un anus ouvert par quatre doigts anonymes et dégoulinant du sperme qu’il vient de recevoir. Excellent pour une promotion !

P.S. Ce virus s’appelle W32 KlezE@mm.

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #culture gay, #sex, #technoscience

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