travaux manuels

Publié le 15 Janvier 2007

 

 

Gabriel m’a proposé d’étrenner notre superbe télé à écran plat LCD avec un documentaire qu’il avait enregistré.


-          C’est sur la sexualité, une rediffusion très bien notée.


-          Va bene ! C’était sur quelle chaîne ? Lui ai-je demandé


-          Sur la 2.


-          Laisse tomber, ça va encore être un sujet complètement hétérocentré.


Sans délai, cette intuition s’est avérée juste lorsque le générique de début annonça le titre du documentaire : Du baiser au bébé, l’aventure intérieure.


« L’aventure intérieure » nous promettait un voyage à l’intérieur de nos corps souvent à l’échelle de l’infiniment petit. Promesse tenue, les images produites par l’imagerie médicale et la micro-cinématographie sont ahurissantes.

 

 

 

L’intervenant récurrent est un éthologue, à savoir un scientifique, qui a pour spécialité d’étudier le comportement des animaux, ce qui est une manière de remettre tout de suite l’homme à sa place : il est un animal comme les autres, décidé à assurer la survie de ses gènes.


Ainsi, « on ne choisit pas ses partenaires en fonction de critères poétiques. On opte aussi prosaïquement qu’inconsciemment pour celui ou celle qui est « compatible génétiquement ». En fonction des odeurs, des phéromones, des couleurs de voix, des sourcils plus ou moins saillants, des rapports mathématiques entre tour de taille et tour de hanche... Quand une femme croit craquer pour le regard ombrageux d’un homme, elle a en fait repéré les marqueurs sexuels d’un mâle prometteur. Quand un homme croît se pâmer pour une silhouette, il a surtout repéré une femelle qui saura enfanter sans problème... »

 

Télérama 20/12/2006 Nicolas Delesalle

 

 

  

 

Toutes les phases, de la séduction à la conception de l’enfant donnent lieu à de multiples expériences toujours troublantes et le plus souvent convaincantes (Spéciale dédicace aux cobayes qui ont accepté de coïter dans un scanner cylindrique sous les yeux des deux scientifiques masculins !).  

Tout nous est montré de la biologie du désir, de la copulation et de la genèse de l’enfant.


Pour autant, que penser de l’hypothèse téléologique du documentaire ? Que vaut à l’épreuve de la réalité de la sexualité humaine le décryptage de cette sexualité entièrement orientée vers la reproduction ?

Facilité de scénarisation ? Manipulation idéologique ?


Quoi qu’il en soit, si nous pûmes tout savoir du « mystère » de notre conception, comme prévu, rien à se mettre dans le cerveau sur le désir homosexuel  ou encore sur le bonheur de notre rencontre amoureuse (la grille de lecture utilisée ici est inopérante).


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Ralf König Conrad et Paul - l’intégrale

 

 

Pour visionner un extrait : http://www.vodeo.tv/19-35-2840-du-baiser-au-bebe.html

Un autre (15 minutes) : http://podcasting.futura-sciences.com/video/index_mnp.php

Une galerie de photos : http://www.futura-sciences.com/communiquer/g/showgallery.php/cat/587

 

 

 

 http://www.wimdelvoye.be/

 

Liberté, égalité, fraternité
Ségrégation sociale à Paris : l’entre-soi de la très grande bourgeoisie

 

Comme sans doute la majorité des parisiens, nous ne fréquentons vraiment qu’une toute petite partie d’un Paris pourtant pas si vaste. Parfois,  tout de même, ils nous arrivent de quitter notre nord-est parisien, et immanquablement, de mesurer combien la « mixité sociale » est un mot vide de réalité dans le reste de la capitale.

 

Je me souviens d’une virée au parc André Citroën dans le XVe arrondissement au cours d’une belle journée de mai ou juin où j’avais signalé à Gabriel qu’on y croisait une population inconnue dans nos quartiers : presque exclusivement blanche, blonde et BCBG (bon chic bon genre), en tous points différente de celle ultra métissée, beaucoup plus nombreuse, plus jeune et plus « agitée » que l’on trouve dans le parc de la Cité des Sciences ou aux Buttes-Chaumont.

« Le mythe républicain (« liberté, égalité et fraternité ») a tendance à nous faire oublier combien nous vivons dans des ghettos » avais-je dû alors lui dire, « et qu’il n’y a rien de plus efficace qu’un marché de l’immobilier déréglementé (un prix du m2 exorbitant, un parc HLM restreint, etc.) pour pouvoir « vivre entre-soi».

 

C’est une expérience similaire (en plus « extrême » encore) que j’ai eu ce vendredi : J’étais convoqué pour une formation « arts plastiques » au prestigieux lycée/collège Janson de Sailly, sis au nord du XVIe arrondissement, Métro Rue de la Pompe : http://www.janson-de-sailly.fr/intramuros/

 

 

Edifié à la fin du XIXe siècle, ses cours successives (dont une avec un très beau jardin aux coins duquel trônent quatre magnifiques magnolias), bordées de galeries, donne à l’ensemble des allures d’édifice monastique. Je longe des classes en travail du collège. Le parquet crisse sous mes pas et j’ai l’impression que rien n’a été touché depuis 1884. Difficile d’imaginer qu’on se trouve ici dans un haut lieu de reproduction des élites !

Il me vient aussi à l’esprit que cet établissement pourrait bien être celui qui a permis au dessinateur Riad Sattouf de raconter son « Retour au collège ».

 

 

 

http://culturofil.net/2005/09/27/retour-au-college/

http://livres.ados.fr/retour-au-college-riad-sattouf_article980.html

 

En quittant Janson de Sailly, j’ai pris la rue de la Pompe dans le mauvais sens. Je me suis alors retrouvé sur une très large avenue bordée de deux contre allées arborées aboutissant à l’Arc de Triomphe. De part et d’autre, d’impressionnant hôtels particuliers, tous plus beaux les uns que les autres. C’était l’avenue Foch (Combien déjà au Monopoly ?).

 

Ici la hauteur d’un étage représente facilement celle de deux dans nos quartiers, chaque jardin est protégé de la rue par murs et grilles plus ou moins hauts. Ici, il est également impossible de savoir qui a l’heur de vivre : seulement un numéro, une sonnette avec interphone/caméra et la plaque dorée « entrée de service par le n° x de la rue... ».

 

 

Comme j’ai le sentiment de ne pas être vraiment à ma place dans un monde aussi étranger au mien, je m’énerve que les distributions de tentes aux SDF aient abouti à leur alignement sur la bande étroite longeant le canal St Martin dans le 10e arrondissement, et non ici sur ces larges contre allées, sous les yeux des habitants les plus riche de la capitale. De penser ensuite que même s’ils l’avaient fait, ils auraient été immédiatement délogés par les forces de police d’un tel emplacement. Je songe aussi à l’article que j’ai lu sur le problème dramatiquement identique du logement à Barcelone et des actions spectaculaires du mouvement des « okupas » (squatters) à Barcelone : http://www.liberation.fr/actualite/monde/226803.FR.php?mode=PRINTERFRIENDLY

 

Dans « La sociologie de Paris », Michel et Monique Pinçon me confirment, s’il était nécessaire, que j’ai bien passé la journée dans un des quartiers de la grande bourgeoisie parisienne :

 

L’entre-soi de la grande bourgeoisie 

Groupe social le plus fortuné, la grande bourgeoisie présente la solvabilité la plus haute. Elle peut donc payer les prix les plus élevés du marché immobilier. (...) Les familles du Jockey, de l’Automobile Club de France, de l’Interallié, ou du Cercle du Bois de Boulogne, rassemblent une élite mondaine. Elles habitent dans un espace très limité : les 7e et 8e arrondissements, le nord du 16e et le sud du 17e, ainsi jusqu’à Neuilly, et dans quelques rares communes de l’Ouest.

 

La Découverte - collection repère, chapitre « les enjeux de la mixité sociale »

 

 

 R.W. Fassbinder Le droit du plus fort

 

Toutefois, ce jour là, j’ai tout de même eu, moi aussi, ma part de luxe : celui de pouvoir passer mon après-midi enfermé dans le local photo de l’atelier de pratique artistique du collège Janson de Sailly, à parler sténopé (dispositif optique bricolé dérivé de la camera obscura) puis à réaliser des photogrammes (« pochoirs de lumière » sur papier photosensible). A l’heure du numérique et de Photoshop, quel luxe que s’amuser avec ces « techniques pauvres » ! Un véritable bain de jouvence aussi : à la lumière rouge, réglage d’exposition à la lumière de l’agrandisseur, bain de révélation, rinçage, bain de fixation, rinçage,... retrouvailles avec une ambiance, des rituels pratiqués peu de temps au club photo de mon école, l’année de mes 22 ans.  

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #ciné-séries, #sex, #politique, #vivre ensemble, #travaux manuels, #culture gay

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