Notes polonaises

Publié le 19 Mars 2007

Igor Mitoraj Icares au Musée olympique de Lausanne

Krakow, quartier de Kasimierz 

 

Jan[1] a manifesté le désir de pénétrer dans cette synagogue. Je n’avais aucune envie de m’imposer dans un lieu de culte de la religion la plus fermée que je connaisse : «Allez y ! Je vous attends dehors. Je vais essayer de faire quelques photos. ». Au reste, il ne s’agissait même pas d’une très ancienne synagogue puisque dans le guide, il était écrit que la Synagoga Tempel avait été édifiée en 1862 (dans un style néo roman avec des éléments décoratifs d’inspiration mauresque).

 

Dans des conditions de lumière catastrophiques (crépuscule d’une journée pluvieuse), je shoote des enseignes publicitaires de bières.

 

Les garçons m’ont raconté que « la bonne du rabbin » avait demandé à Jan s’il était juif. Jan d’acquiescer sans vergogne puisque sa généalogie porterait des traces de judéité. Elle n’a pas posé la question à Gabriel qui n’a eu de cesse de devoir remettre sur sa tête la kippa en papier qu’elle lui avait prêtée et qui refusait obstinément de s’y tenir sagement. Pas de doute ce tourangeau était un vrai goy !

 

Dans son arbre généalogique, lui et sa mère ont seulement trouvé un hébraïsant, né au début du XVIe siècle, titulaire de la 1er chaire de grec au Collège de France qui venait juste d’être créé par François 1er, traducteur pour Clément Marot de psaumes de l’Ancien Testament écrit en hébreu.

 

 

 

 

 

Nowa Huta, modèle intact du Réalisme Socialiste

 

Pour punir la conservatrice, cléricale et provinciale Cracovie, au début des années 1950, le gouvernement communiste décida d’implanter à sa périphérie un combinat métallurgique et d’édifier une ville nouvelle, Nowa Huta (littéralement « Aciérie Nouvelle »), afin d’héberger les 40 000 paysans et artisans reconvertis en ouvriers qui allaient y travailler.

Selon un architecte de renom, l’architecture de Nowa Huta n’a d’“exceptionnel” que la présence de postes de tir pour armes automatiques derrière les attiques de certains immeubles… Pour de nombreux autres architectes, Nowa Huta représente tout simplement un trésor d’architecture éclectique. Le quartier a été conçu sur un plan en étoile imitant celui de la Rome baroque. Et de nombreuses façades de bâtiments ont copié leur ornementation sur des monuments célèbres. [...]  On a aussi souligné qu’en construisant la nouvelle ville ouvrière on a détruit un village et ses terres fertiles. Il n’en est pas moins vrai que le plan urbanistique de Nowa Huta est unique. Ce sont les spécialistes qui le disent. La partie ancienne de la ville, datant des années 1950, est désormais protégée de toute transformation intempestive. 

 

Courrier INTERNATIONAL "Un haut lieu du socialisme réel. Nowa Huta, son aciérie, ses lieux branchés"

 

 

 

 

http://www.lukasztrzcinski.com/picture.php?p=175 (même auteur pour les 2 suivantes)

 

De fait, dès votre descente du tramway sur la place centrale (Plac Centralny), Nowa Huta vous apparaît comme un lieu irréel, celui d’un décor édifié selon les canons de l’art officiel stalinien. Rien ne semble avoir changé depuis l’époque où Andrzej Wajda y tournait son « homme de marbre» (1976). Rien ou presque : la place centrale a été rebaptisée du nom d’un « héros du capitalisme »  Plac Ronalda Reagana (sic), l’avenue Lénine s’appelle désormais, avenue Solidarité (Al. Solidarności), et pour arriver ici, il nous a fallu remonter l’interminable avenue Jean-Paul II, ce quasi saint du catholicisme, en voie de béatification pour les discrets miracles qu’il aurait prodigués (Al. Jana Pawła II).

 

Au bout des champs, au sud-ouest de la place, des cheminées du site industriel s’échappent quelques fumées.

 

Mais ce lieu n’est pas qu’un décor, des gens y vivent. Souvent mal, le chômage sévit et avec lui la délinquance. Pourtant , Nowa Huta est en train de devenir à la mode. Certains voudraient aussi en faire une étape obligée de toute visite à Cracovie » (Le communisme, un attrape touristes, d'Hartmut Siezing in CaféBabel.com, le magazine européen). La fondation « Socland », créé par Czeslaw Bielecki, Jacek Fedorowicz et Andrzej Wajda y cherche un lieu pour son projet de « musée du communisme » (http://www.ambafrance-pl.org/info/documents/Rp01avril05.doc).

 

Que faire de Nowa Huta ? Se demandent pour conclure les auteurs de l’article reproduit dans Courrier International. Le quartier est aujourd’hui l’objet d’un véritable engouement, qui ne pourra que grandir, selon les observateurs. Pour l’ancien dissident Stanislaw Handzlik, il est essentiel “que les autorités ne s’immiscent pas dans ses affaires. Si l’on compare Nowa Huta à Kazimierz, ce sont deux mondes. A Huta, les habitants s’identifient à leur quartier. A Kazimierz, il n’y a presque plus d’habitants ; il n’y a plus que des restos…”

  

Ce dimanche, en cette fin d’après midi d’hiver, dans la lumière froide et tamisée d’un soleil déclinant, nous longeons les bâtiments noircis par la pollution de la ville du Réalisme Socialiste. Quelques personnes font la queue aux caisses d’une superette, quelques autres sont attablées devant leur verre de bière dans le café voisin. De rares passants, surtout des vieux. Je ne peux alors m’empêcher de compatir pour tous ces gens qui en 1989 étaient déjà trop âgés pour avoir une chance de s’adapter aux nouvelles « lois » du capitalisme et à qui, surtout, on a brutalement signifié que rien de leur vie passée ne valait d’être conservé, leur refusant ainsi la seule chose qui reste aux anciens, le récit de l’expérience.

 

 http://www.monde-diplomatique.fr/Ostalgie

 

 

 

Médecines très douces VII

 

Au rapport 

Vie sociale et festive intense ce week-end qui a quelque peu détérioré mes performances « tabac ». Dommage car la séance de vendredi m’a fait beaucoup de bien (j’ai connu le bien-être d’une sérénité olympienne).

 

LP est toujours aussi positif en soulignant chaque évènement attestant de changements favorables.

 

-         Vous savez, la cigarette, son addiction, c’est compliqué. La fumée monte dans le ciel, elle élève l’esprit…

 

-         Comme celle de l’encens ?

 

-         Tout à fait

 

A la séance de vendredi, les yeux recouverts du linge et transpercés d’aiguilles, j’avais entendu LP tourner des pages ; en remplissant mon chèque sur son petit bureau, je comprends que c’était celles de son carnet de rendez-vous qu’il feuilletait pour reporter sur une feuille les noms de ses patients (j’y ai tout de suite vu le mien). Il m’avait alors dit qu’il partait avec la liste pour une cérémonie en Inde dans la ville de l’éveil du Buddha. Avant qu’il ne me transforme en hérisson, je me fais aujourd’hui repréciser le sens de cette initiative :

 

-         c’est une cérémonie sur le Karma familial, destinée aux proches, les noms seront lus [...], chaque nom a une onde qui lui est propre, la cérémonie permettra à cette onde d’atteindre le porteur du nom, où qu’il soit, vivant ou mort.

 

 

 

 

Natacha était au courant de cela par son élève chinoise qui, elle, est déjà partie en Inde notamment avec deux de ses élèves. Les cérémonies devraient réunir plus de 200 personnes. Elle a compris puisque le bouddhisme n’est pas une religion, que c’était une cérémonie de « compassion ». J’ai remercié LP de faire cela pour moi.

 

-         ça ne peut pas me faire de mal. Vous connaissez Pascal ? Le philosophe ?

 

Il me fais signe que oui.

 

-         le pari pascalien. Dans le doute, mieux vaut y croire, au pire, ça ne fera rien... Ma mère, mes parents prient pour moi, je ne crois pas mais je suis heureux qu’ils le fassent.

 

-         [...]

 

-         vous savez que je vous fais de la pub ! Vu le budget, nombreux sont les fumeurs à qui je parle de vous qui disent attendre que j’arrête avant de s’engager. Je les comprends. Pour vous c’est un voyage en Inde, pour moi, c’est tout de même un voyage « santé ». (Il sourit) J’ai une copine très convaincue et pratiquante, une autre m’a dit que son acupuncteur vietnamien lui avait dit : « si vous êtes décidé, une séance suffira, sinon beaucoup de séances ».

 

-         ce que je vous fais est particulier, il s’agit de médecine monastique, laquelle soigne à la fois le corps et l’esprit. Nous sommes très peu à la pratiquer. L ’argent, pour les gens réticents, est souvent un prétexte : ils craignent de toucher à l’esprit.

 

 

 

 

Il me fait tirer la langue.

 

-         Nonnn ! Elle ne doit pas être jolie. Qu’est-ce que vous voyez ?

 

-         le cœur, beaucoup de chaleur

 

-         c’est le Printemps...

 

-         il y a de cela.

 

Il m’a fait un peu mal en me plantant deux aiguilles au creux du poignet.

 

-         ce sont des points d’exorcismes, ils peuvent être douloureux. C’est ici que la plupart des adolescents qui font une tentative de suicide se coupent. Ils savent inconsciemment que cela les soulagera sans les mettre en danger, ça leur permet de se débarrasser de leurs idées noires.

 

Un peu plus d’une demi-heure de grande relaxation, le corps lourd scotché à la table, tétanisé, avec parfois la sensation qu’une partie de ce corps est en train de s’en détacher. Il m’a semblé que LP s’est tenu un moment au-dessus de ma tête avec de l’encens. Alors que je remets ceinture, montre, bagues et chaussures :

 

 

-         C’est votre 7e séance, n’est-ce pas ?

 

-         Oui, il me semble.

 

-         Je vais vous remettre une ou deux aiguilles dans les oreilles et nous nous reverrons dans un mois. J’avais au départ prévu pour la suite des séances rapprochées tous les 15 jours mais vous avez bien réagi, une séance par mois devrait suffire, vous êtes sur la bonne voie. Bien sûr si vous en ressentiez le besoin, appelez moi dès mon retour pour un rendez vous, mais il me semble que ce ne sera pas nécessaire.

 

Alors qu’il me raccompagne à la porte :

 

-         pour ce qui concerne l’énergie sexuelle, il vous faudrait passer à la seconde étape

 

-         à savoir ? Votre traitement fait merveille, c’est le calme plat, je ne « génitalise » presque plus (pour parler comme vous)

 

-         c’est bien, ce qu’il faudrait maintenant c’est garder le sperme

 

-          ? Ne plus baiser ?

 

-         Non bien sûr et quelque soit la forme de votre sexualité, essayer de ne pas éjaculer, le sperme est un réservoir d’immunité.

 

 

 

Matthias Herrmann

 

 

Alors là, voici un programme qui ne me séduit pas du tout, alors pas du tout. Il me faudrait renoncer au plaisir le plus fort que j’ai jamais connu, au moyen le plus facile pour me décontracter, pour trouver le sommeil, pour lutter contre la douleur ? Ah ça non !

 

… Reste qu’il est indéniable que depuis que je fréquente LP, hormis une retrouvaille « sieste » avec Gabriel ce dimanche, l’idée m’est assez peu venue. 

 

Et ma prostate chérie, faut bien qu’elle fasse son footing ? J’avais lu que s’en servir constituait la meilleure prévention contre sa cancérisation. Il faut que j’en cause à LP s’il revient à la charge à ce sujet. En attendant, ça me fait penser au peu que je sais sur le Tantrisme :

 

 

C'est dans cette perspective qu'il propose une autre approche de la sexualité, vécue comme une forme de méditation, où chaque partenaire apprend à vivre un sentiment d'unité profonde avec lui-même et avec l'autre. Des techniques spécifiques peuvent être utilisées pour favoriser cette approche : différentes formes de méditation, des massages… La respiration y est centrale et, à travers elle, un relâchement du corps et une prise de conscience des muscles du bas-ventre, du périnée, des organes génitaux. Hommes et femmes sont invités à approfondir l'orgasme, ce qui passe pour les hommes par une découverte de l'orgasme sans éjaculation. Il ne s'agit pas de maîtriser l'éjaculation, mais d'arriver progressivement à l'oublier, insiste Daniel Odier.

 

http://www.medecines-douces.com/impatient/hs24/tantra.htm

 

 

Trop hétérocentrée comme connaissance, ça ne va pas faire l’affaire !

Ah si, finalement, j’ai trouvé quelque chose d’intéressant :

 

http://www.360.ch/presse/2003/11/le_corps_explore_il_faut_reapprendre_limportance_du_toucher.php

 

P.S. Gabriel m’écoute mon débriefing de séance, esquisse de sourire aux lèvres :

 

-         Quand je pense que c’est toi le rationaliste et moi l’irrationnel. Tu te souviens ? Lorsqu’on s’est connu, que tu te moquais de  mes visites chez la cartomancienne, malgré toutes les choses troublantes qu’elle me disait. Elle m’avait notamment lancé : « une personne veille sur vous, votre grand-mère, je vois deux « m » dans son prénom. » ça ne marchait pas parce que j’ai spontanément pensé à ma grand-mère maternelle mais la mère de mon père s’appelait bien Emma.

 

-         Je crois que je le suis toujours autant mais que je suis aussi prêt à accepter que tout ne s’explique pas, à commencer par le métaphysique. Pragmatique aussi : « peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! » Et puis somme toute, le matérialisme a désenchanté le monde, c’était une bonne chose ; si cela l’enchante de nouveau  un peu, pourquoi pas ? On y gagnera en poésie.

 


[1]  Cf Sous le charme de Jan et Jalouse in Des "cow boys" de plus en plus taciturnes

 

 

 

 

 

Igor Mitoraj Ephèbes aux Tuileries (2004) et  Portrait Alica au Musée olympique de Lausanne

 

Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #touriste, #Pologne, #les années, #sex, #addiction

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O
Je viens d'entrer dans l'ére des quinquas.Jeudi soir sur France Inter il y a avait un reportage sur la Pologne et nous avons entendu cette spécificité du doublage à une voix directement sur la bande son d'un film, feuilleton...Entendre un acteur masculin lire les dialogues d'une petite assemblée féminine fut assez drôle. Un autre extrait illustrait cette pratique. Une chanson d'un film de Lelouch était recouvert des paroles d'un "lecteur".Métier qui a un certain succès et d'après le journaliste ils ont une petite dizaine de lecteurs-acteurs à se partager cette activité avec une certaine  notoriété.
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T
"Métier qui a un certain succès et d'après le journaliste ils ont une petite dizaine de lecteurs-acteurs à se partager cette activité avec une certaine  notoriété." Ce doit être un peu la même chose avec nos doubleurs français car j'ai toujours l'impression d'entendre les mêmes voix.<br /> Aïe les changements de dizaine ! Bon anniversaire tout de même !
O
Je me souviens des films de Wajda, une époque d\\\'avant Solidarnosc  et en particulier "l'homme de fer".Je ne suis jamais allé trainer mes guêtres en Pologne où pourtant une partie de mes origines sy enracine.Je dois reconnaitre que j\\\'aurais le sentiment de trahir mon père en y allant. Si ses parents ont fui la Pologne ce ne fut pas dans la joie!, et du coup personne dans la famille n'a jamais manifesté le désir d'y aller.Nowa Huta me rappelle une ville en Tchékie (Chomutov), dans les "Sudètes", une région ravagées par les pluies acides. Cette ville visitée juste  au  sortir de la Révolution de velours portait les stigmates  du régime socialiste. Impossible de trouver un hôtel un minimum accueillant, sinon l'horrible hôtel central, parfaite illustration d'une B.D. de Bilal, l'odeur de la pisse en plus.Même chose pour la restauration, bref une année après le changement nous avions le sentiment de continuer à vivre dans une époque pas encore révolue.Si je pense à cette ville, c'est en raison d'un urbanisme "stalinien", larges avenues, grandes places froides, et bordées par des barres d'immeubles identiques, certainement semblables à Nowa Huta.
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T
J'ai deviné que c'était pour des raisons identiques aux tiennes qu'une collègue juive qui me demandait où j'avais passé mes vacances, clotura de manière abrupte le sujet en disant d'une voix neutre : "je n'ai jamais eu envie d'aller en Pologne". Rien de plus compréhensible. Mon ami que je peine toujours à entraîner en Allemagne a d'ailleurs l'habitude de me dire qu'il a dû être juif dans une autre vie (enfin, il progresse, il a une envie de Berlin).<br /> Nul doute que Chomutov que je ne connais pas a pu avoir des airs de Nowa Huta, quant à la référence iconographique Bilal, elle est très bonne. Au fait, tu as quel âge ? Quadra ? Quinqua ? Sexa ?...<br />