les amis

Publié le 2 Octobre 2022

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Quoi de plus difficile que le couple ? Être amoureux est à la portée de n’importe qui. Aimer, non.

André Comte-Sponville Petit traité des grandes vertus (1995)

"Actualités" par Diane Dufresne (1976)

 

Le premier ministre indien Narendra Modi n’a pas hésité à tancer Poutine publiquement lors d'un entretien télévisé avec ce dernier, en marge du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Samarcande : « On n’est plus à l’époque de ce genre de guerre. »

L’homme qui dirige le 2e pays le plus peuplé du monde, n’est pas vraiment sympathique, pourtant on lui sait gré d’avoir rappelé à son homologue russe cette évidence.

Hélas, confronté à l’échec patent de son « opération militaire spéciale » en Ukraine, en décidant de mobiliser les réservistes de l’armée russe, en lançant l’organisation de référendums dans les régions séparatistes, et en menaçant de nouveau d’utiliser l’arme nucléaire, le despote russe, dont la santé n’a pas l’air si mauvaise, continue sa fuite en avant toujours plus inquiétante.

Comme si les effets calamiteux du dérèglement climatique, de la guerre faite à l’Ukraine depuis sept mois et le retour de l’inflation, ne suffisaient pas à rendre l’actualité anxiogène !

Au même moment, en Gaule, l’union électorale Nupes tangue après la déclaration du secrétaire du Parti communiste Julien Roussel appelant à une «gauche du travail et pas des allocations» et la publication simultanée du livre du député de La France insoumise François Ruffin, « Je vous écris du front de la Somme » qui analyse l’attractivité de l’extrême droite dans la Somme, au renoncement de la gauche à se battre pour l’emploi, lui préférant le combat pour un revenu minimum d’existence et autres allocations et droits sociaux.

La député écologiste Sandrine Rousseau (par ailleurs enseignante chercheuse en sciences économiques ?) a cru bon de remettre les pendules à l’heure en touittant : « La « valeur travail » est de droite. Les droits des travailleurs et travailleuses sont de gauche. La réduction du temps de travail est une urgence écologique. [...] », et en revendiquant « le droit à la paresse ». Ite missa est !

 

Soho - Londres - 1959 photo Franck Horvat
Soho - Londres - 1959 photo Franck Horvat

 

Chez la Nupes, ça tangue aussi pas mal en raison de problèmes conjugaux balancés sur la place publique qui a mis Adrien Quatennens de LFI sur la sellette (une main courante pour une gifle). 24 heures plus tard, c’est au tour de Julien Bayou d’EELV de voir ses démêlés avec son ex jetés en pâture dans un média par la "juge" écoloféministe Sandrine Rousseau. Cette fois-ci, l’accusation porterait, tantôt sur des « violences psychologiques », tantôt sur des « violences morales».

Si l’objectif était de pouvoir prendre sa place au sein du parti, Rousseau a réussi : Bayou n’a eu d’autre choix que de se mettre en retrait de ses fonctions à EELV.

Par dessus tout, ce qui me frappe, c’est que l’anathème s’appuie sur un glissement de violences (physiques) réprimées par la loi, qui sont majoritairement le fait des hommes dotés d’une force physique en général supérieure aux femmes, aux « violences psychologiques » plus ou moins également partagées entre les deux sexes dans un couple qui se délite. Dans un précédent billet, j’avais d’ailleurs souligné l’asymétrie que produisait la non prise en compte dans une « affaire de gifle » des « violences psychologiques » qui l’avaient précédée, alors qu’il n’est question que de cela dans la loi contre le harcèlement moral au travail.

Si je ne trouvais pas la multiplication de ces affaires inquiétante pour leurs relents de maccarthysme, je pourrais me contenter de ricaner : « L’arroseur arrosé. Bien fait ! Ça vous apprendra d’avoir laissé entrer les louves dans la bergerie. » Eh oui messieurs, quand on porte les revendications de féministes radicales pour gagner des élections, il faut s’attendre à tomber dans le piège de l’exemplarité dans sa vie privée. Et moi qui ai toujours pensé que l’exemplarité concernait l’exercice des mandats électoraux !

« Qui a peur de Virginia Woolf ? » avec Liz Taylor et Richard Burton
« Qui a peur de Virginia Woolf ? » avec Liz Taylor et Richard Burton

 

Si Sandrine Rousseau n’hésite pas à balancer la vie sentimentale des autres, je lis qu’elle cherche « à protéger coûte que coûte la sienne « depuis l’épisode traumatisant qui l’a conduite au divorce des années auparavant ». Elle a tout de même donné un os à ronger aux curieux : elle est "très heureuse" de "vivre avec un homme déconstruit". OMG ! Ça ressemble à quoi un « homme déconstruit » ? Notre nièce Justine, qu’on a retrouvé par hasard avec une copine à la projection du dernier film d’Emmanuel Mouret, m’a suggéré Vincent Macaigne. Ah !? Et il est content du réassemblage ?

Ça ne m’a pas empêché d’admirer une fois de plus le grand talent du cinéaste à me faire apprécier un genre qui n’est pas spécialement ma tasse de thé, celui du « jeu (très bavard) de l’amour et du hasard » entre personnes du sexe opposé.

Dans cette « chronique d’une liaison passagère », comme dans ses précédents films, Mouret s’intéresse au moment le plus intéressant pour mettre en scène des sentiments, le moment amoureux, le plus intense, celui qui ne dure qu’un temps.

"Chronique d'une liaison passagère" réalisé par Emmanuel Mouret

 

En effet, le cinéma ne me paraît pas être d’une grande ressource pour penser l’amour au long cours, celui qui dure, sinon dans la triste mise en film d’un couple qui se déchire jusqu’à la séparation tel que l’a fait Bergman dans « Scènes de la vie conjugale », ou encore le film d’un couple marié depuis 20 ans qui se détruit « pour se prouver qu'ils existent, qu'un lien, fût-ce celui du mépris et de la haine, continue d'exister entre eux » (« Qui a peur de Virginia Woolf ? » avec Liz Taylor et Richard Burton).

J’avoue n’avoir vu aucun de ces deux films : la fin d’une vie de couple est en général tellement pathétique et lourde de conséquences quelle m’attriste profondément quand elle survient dans mon entourage.

 

"The mirror" Alireza Shojaian 2018
"The mirror" Alireza Shojaian 2018, vu à l'exposition "Habibi, les révolutions de l'amour" à l'IMA

 

La dernière en date a été provoquée par Erik qui a quitté le domicile conjugal et ses deux enfants après seize ans de vie commune et une aînée du même âge. C’était ça ou « il allait crever ». J’ai tout de suite pensé à une classique crise de la quarantaine ou crise de milieu de vie (il avait l’âge du pic observé chez les hommes), mais il n’a pas relevé. Même si j’ai aidé Erik pour qu’il puisse trouver à se loger avec deux chambres pour les enfants (une séparation a également pour conséquence simultanée d’appauvrir le couple et de contribuer à tarir davantage l’offre de logement), toute mon empathie est allée à Djamila, sous le choc car elle n’avait rien vu venir, anéantie, déçue et blessée qu’Erik ne la supporte plus et ne leur fasse pas confiance pour tenter, en repartant sur d’autres bases, de sauver leur couple et leur vie de famille.

Comme chaque fois que je suis témoin de la fin d’une histoire, je ne parviens pas à concevoir que tout ce qui a été ne compte plus pour celui qui s’en va : s’être aimé, avoir fait grandir des enfants, partagé tant de belles choses mais aussi parfois des épreuves… Se peut-il qu’il ne reste rien de ces années ? Ou se peut-il qu’il faille faire autant de mal pour pouvoir se quitter malgré toutes ces années ?

 

 

"Le mépris" réalisé par Jean-Luc Godard (1963), avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli

 

Face à ce genre de situation, pour notre amie Colette, qui a en la matière une longue expérience, c’est relativement simple : on se quitte car on ne s’aime plus. D’une certaine manière, elle dit la même chose que ce que répond Brigitte Bardot à Michel Piccoli dans le film de Jean-Luc Godard « Le mépris », qui lui demande « Pourquoi tu ne m’aimes plus ? » : « C’est la vie. », lequel lui demande ensuite « Pourquoi est-ce que tu me méprises ? », question à laquelle elle répond  : « Ça, je te le dirai jamais, même si je devais mourir. »

Mais de quel amour parlent-elles toutes deux ?

Au sujet de l’amour, j’ai ma référence ultime : le « Petit traité des grandes vertus » qu’André Comte-Sponville a publié en 1995. Lorsque je l’ai cherché cet été pour photocopier les pages concernant l’amour et les envoyer au fils aîné de Colette à qui j’avais donné envie de les lire, impossible de le trouver, ce livre est tellement bien ;-) que la personne à qui je l’ai prêté ne me l’a jamais rendu. Je vous conseille de faire comme moi, acheter la version en poche pour la modique somme de 9 euros, vous en aurez pour votre argent. Si vous êtes vraiment fauché, j’ai trouvé sur le web le chapitre sur l’amour que je vous recommande.

Dans un billet de 2006, « les origines de l’amour », déjà j’en avais cité abondamment des passages. De quel amour parlent donc Colette et BB ? D’Eros, l’amour-passion ? Qui comme chacun sait ne dure qu’un temps, celui de la satisfaction d’un désir. La chose est connue de longue date.

Dans « le banquet » de Platon, Socrate nous dit « la vérité sur Eros » qu’il tenait d’une femme, Diotime. « L’amour est désir et le désir est manque. Or un manque satisfait disparaît avec sa satisfaction [] ; le désir s’abolit dans sa satisfaction. [] De là la grande souffrance de l’amour, tant que le manque domine. Et la grande tristesse des couples, quand il ne domine plus ».

Claude Nougaro - Une Petite Fille (1962) "...Et le moment fatal où le vilain mari tue le prince charmant..."

Alors, quelle est donc la nature de l’amour qui dure ? André Comte-Sponville, toujours lui, écrit que les grecs lui donnaient un nom : Philia.

L’amitié ? Oui mais au sens le plus large du terme, qui est aussi le plus fort et le plus élevé. Le modèle de l’amitié pour Aristote, c’est d’abord « la joie que les mères ressentent à aimer leurs enfants », c’est aussi « l’amour [Philia] entre mari et femme », […], c’est encore l’amour paternel, fraternel ou filial, mais c’est aussi l’amour des amants, qu’Éros ne saurait tout entier contenir ni épuiser, et c’est enfin l’amitié parfaite, celle des hommes vertueux, ceux qui « souhaitent du bien à leurs amis pour l’amour de ces derniers », ce qui en fait « des amis par excellence ». […]

Disons que c’est l’amour-joie [de Spinoza], en tant qu’il est réciproque ou peut l’être : c’est la joie d’aimer et d’être aimé, c’est la bienveillance mutuelle ou susceptible de le devenir, c’est la vie partagée, le choix assumé, le plaisir et la confiance réciproques […] Quels amants, s’ils sont heureux ensemble, qui ne deviennent amis ? [...]

Si l’écoulement du temps annonce inexorablement la disparition d’Éros, il ne fait que consolider la Philia des amants au long cours, dans le même temps la grande folie amoureuse de leurs débuts en devient le souvenir fondateur.

La tendresse ? C’est une dimension de leur amour, mais point la seule. Il y a aussi la complicité, la fidélité, l’humour, l’intimité du corps et de l’âme, […] Il y a ces deux solitudes si proches, si attentives, si respectueuses, comme habitées l’une de l’autre, comme soutenues l’une par l’autre, il y a cette joie légère et simple, cette familiarité, cette évidence, cette paix, il y a cette lumière, le regard de l’autre, il y a ce silence, son écoute, il y a cette force d’être deux, cette fragilité d’être deux… Ne faire qu’un ? Il y a bien longtemps qu’ils y ont renoncé, s’ils y ont jamais cru. […]

Quand vous aimez de cet amour, comment imaginer qu’il puisse être un jour trahi et soudain cesser ?

Cet constat ne dit pourtant rien des conditions de passage d’Éros à Philia, de l’amour de soi à l’amour de l’autre, puis de l’amour intéressé de l’autre à son amour désintéressé inconditionnel. André Comte-Sponville de nous prévenir : « Quoi de plus difficile que le couple ? Être amoureux est à la portée de n’importe qui. Aimer, non. »

Plus sérieusement que la jolie histoire racontée par Aristophane dans le banquet de Platon, le mythe des androgynes, selon lequel Gabriel et moi nous nous aimerions depuis bientôt trente ans parce que nous aurions trouvé notre moitié manquante (en 2006, ne parlais-je pas de lui en en écrivant « Mon ami, mon amant, mon frère, mon jumeau »), j’ai recensé quelques facteurs ayant pu jouer.

 

Éros sur coupe (Attique autour de 470 avant JC)
Éros sur coupe (Attique autour de 470 avant JC)

 

D'abord, l'âge auquel nous nous sommes connus, à l'orée de la trentaine, nous avions tous deux sans aucun doute l'envie de vivre en couple, Gabriel n'avait vécu ainsi qu'avec des filles et pour ma part j'en avais soupé de la solitude. Comme l'écrit David Sedaris à propos de son couple, « ce qui nous a vraiment rapprochés c’est la peur de l’abandon et de l’amour à plusieurs. C’était une base, et nous avons construit notre relation là-dessus, en y ajoutant notre peur du sida et des piercings aux tétons [...] ». ça nous faisait un point en commun mais nous avions d’autres valeurs qui allaient nous rapprocher : tous deux issus d’une famille nombreuse ouverte sur l’extérieur à laquelle nous sommes attachés (six enfants de part et d’autre), tous deux désireux de faire rentrer l’autre dans sa famille. En outre, grandir dans une famille nombreuse vous protège plus sûrement de l’égocentrisme et vous éduque à la nécessité de l’attention aux autres. Si vous rajoutez à cela une éducation 100 % catho (un peu moins chez Gabriel avec son père qui disait avoir été à la messe pour le reste de sa vie à l'école chez les curés), éducation à l’Agapè, cet amour qui aime jusqu’aux ennemis, amour universel et désintéressé du christianisme (Comte-Sponville toujours), mais aussi le fait que ma mère a passé une partie de sa vie à faire du conseil conjugal pour aider des couples à surmonter leur crise, le couple « pour la vie » a pu être notre horizon. Des récits de ma mère, j’avais en tête que l’amour n’est jamais acquis, qu’il s’entretient et requiert une attention à l’aimé par des gestes, des paroles de gratitude, afin d’éviter de tomber dans la routine et l’ennui où l’on finit par malmener ce qui nous est le plus cher. Pour une relation apaisée, nous partageons aussi le souci de prévenir les conflits par l’échange, l'interdiction du mode "reproche" et le refus de l’escalade.

Aucun de nous deux n’a également jamais cherché à dominer l’autre, sans doute parce qu’il n’est pas né celui qui parviendra à nous dominer. Nous pouvons ne pas être d’accord mais l’estime et le respect mutuels autorisent des conversations riches de nos différences. A cet égard, l’argent non plus n’a jamais été un problème : quand j’ai connu Gabriel, il gagnait moins que moi et contribuait aux charges du foyer au prorata de ses revenus, puis il s’est mis ponctuellement puis définitivement à gagner beaucoup plus que moi, qui gagne ma vie mieux que jamais, alors... Sans aucun doute encore, notre rencontre et vie commune nous ont permis de nous « narcissiser » mutuellement par l’amour et la confiance échangée. De même, je savais aussi qu’on n’aime pas enchaîné, et quand Gabriel a eu l’opportunité de travailler à l’étranger, je l’ai encouragé malgré les renoncements et contraintes que cela impliquait pour notre vie : après tout, ça la renouvelait et j’en étais plutôt fier.

Bref, je crois qu’avoir connu Gabriel est la meilleure chose qui me soit arrivée.

 

 

Ce sujet de l’amour conjugal a été abordé à la fin d’un dîner à quatre chez nous avec Colette, Élisabeth et Gabriel. Après mon récit de la rupture entre Erik et Djamila, Élisabeth nous a raconté à son tour le malheur de Marie, son amie d’enfance à la campagne (la sœur de Cédric). Le père de ses enfants a toujours été un entrepreneur doué mais aussi un queutard. Après une diversification dans l’acquisition d’un salon de coiffure qui avait surpris tout le monde, Marie a appris que son mari avait une liaison avec… la coiffeuse. Son mari aurait bien voulu que la vie continue comme avant mais Marie a dû lui dire : « c’est moi ou elle », et le mari est donc parti vivre avec sa coiffeuse. Pour moi, elle aurait mieux fait d’accepter sa maîtresse. Je ne sais plus qui a rajouté :  « à la condition que la coiffeuse ne lui ait pas posé le même ultimatum. » Quoi qu’il en soit, on a convenu que le trouple c’est vraiment trop compliqué.

Élisabeth a eu le mot de la fin de notre conversation : « je crois que ces histoires ont à voir avec la manière de chacun de vivre l’expérience du temps : certains pour en atténuer la fuite, ont besoin de de tourner des pages, de rompre avec leur passé, d’autres, au contraire, comme moi, souhaitent que rien ne bouge, comme Bashung, je suis toujours en train de me demander c’est comment qu’on freine ! » « Exactement ! me suis-je écrié, je partage pleinement cette idée, Élisabeth, si je n’avais pas été pédé, nous aurions fait un mariage heureux. »

Là-dessus, nous avons levé un dernier verre  à l’amour...  et à l’amitié.

 

Khaled Takreti "Joujoux, Hiboux, Cailloux" 2007 ..."l'être aimé, qui devient père, mère, frère, ami, enfant.." vu à l'exposition "Habibi, les révolutions de l'amour" à l'IMA

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Photo Stanley Stellar 1945

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