sex

Publié le 6 Septembre 2006

Nightclubbing

 

Pour la première fois de ma vie, un garçon vient me chercher en scooter à la sortie de l’école. Je suis très énervé. Encore réchauffé par mes efforts d’esquisse des poses incroyables qu’a pris le couple qui était de service ce soir, je réalise rapidement qu’il ne fait pas chaud ce soir. Heureusement, malgré le casque intégral qui le masque, je devine que c’est lui qui surgit au coin de la rue.

Ce n’est malheureusement que mon beauf, qui me passe prestement un casque forcément trop petit pour ma tête d’hydrocéphale, décapitation assurée en cas de choc !

Je le sais depuis que j’ai vu « journal intime » de Nanni Moretti, que le scooter en ville, c’est magique : en un tour de cuillère à pot, nous voilà devant la salle Wagram pour la « 2e nuit du flyer » organisé par « A nous Paris », le « consumer magazine » du métro.

Pierre-Emmanuel a la fringale et espère encore qu’il reste quelque chose de la collation offerte à 19H30. Je suis très sceptique et j’ai raison de l’être : seul l’open bar est encore en service. Malédiction ! Retarder autant que possible la succession des verres ! Le foie de Pierre-Emmanuel encore plus que le mien s’insurge déjà. Mais nous savons déjà l’un et l’autre que nous allons fauter.

 

La sono est à chier, où est donc ce putain d’ingénieur du son ?

L’assemblée, globalement plus jeune que nous,  nous fait plutôt penser à ce que peut être une soirée organisée par une école de commerce.

Un petit tour sur la mezzanine avant de se faire refouler, nous révèle les charmes d’une vieille dame qui a dû être belle, il y a bien longtemps. Mais nous ne matons pas que le plafond : je ne sais quel objet du désir Pierre-Emmanuel a repéré, mais mon regard à moi est aimanté par un joli jeune homme… dans les bras d’un autre tout aussi appétissant.

Un mec, genre Wiezman ou Bauer, prend le micro pour annoncer les résultats du concours. Pas facile à faire ! Heureusement, il a la légèreté de celui qui ne prend pas cela au sérieux parce qu’il a manifestement consommé une substance illicite. Il interviewe un type inaudible.

Le sponsor J&B nous fait de plus en plus de bien, on se marre de plus en plus de nos conneries même si on attend toujours les guest stars : David et Cathy Guetta et surtout Jean Edouard, le mec gagnant du Loft 1 ?… Toujours rien ! « Y a plus d’orange ? Va pour le Whisky pamplemousse ! » (Je viens d’apprendre que c’est une véritable hérésie).

Les pubs des sponsors défilent sur les écrans dans un habillage très techno, la musique s’améliore. Normal, c’est Pompougnac ! Je ne résiste pas à la danse même si déjà la foule est moins nombreuse sur la piste.

Quand je me suis aperçu que je dansais aux côtés d’une quasi naine et de son barbu sorti d’un bal folk des années 70 et que les survivants du dance-floor étaient passablement éméchés, j’ai proposé à Pierre-Emmanuel de lever le camp.

Nous sommes repartis joyeux mais prudemment sur le scooter.

 

1/6/02

L'accès au porno brouille les repères des ados. (Libération 23/5/02)

Samuel est amoureux, depuis un an, d’une fille qui «voudrait des relations » avec lui, et qu’il ne peut satisfaire. « La seule chose que je peux faire avec elle, c’est l’embrasser. A cause des films de cul, j’ai peur que ça l’incite à découvrir le sexe, à en avoir besoin. Je connais des filles qui y ont pris goût. Moi, à chaque fois que j’ai baisé, c’était par besoin, c’était pas des personnes que j’aimais, je désirais le sexe, pas la fille, je répétais des scènes de film dans ma tête. Une femme que tu aimes, tu vas penser à elle, tu vas la ressentir comme si c’était ta mère avec quelque chose en plus, la nuit tu vas penser à elle sans bander, tu vas avoir son visage gravé dans ton cerveau. »

 

Khaled, 19 ans : « Ce qui me fait kiffer dans le porno avec les meufs, c’est la sodomie. Tu peux pas faire ça à celle qui deviendra la mère de tes enfants. J’ai été élevé dans la religion  musulmane et je sais ce qui est bon ou pas. La zoophilie et la sodomie, c’est grand péché. »

 

Antoine, 18 ans : « Pour l’anniversaire de mes 13 ans, des potes avaient apporté une cassette, le truc bien glauque, il y avait une femme qui baisait avec un cheval, les filles étaient furieuses. L’an dernier, je suis sorti avec une des copines qui étaient à cet anniversaire, elle s’était mise dans le truc. Elle a voulu qu’on en regarde avant de faire l’amour, moi j’étais passé à autre chose, ça m’a gêné. »

 

Pour Romain, 15 ans, le porno correspond à une période « où tes hormones te travaillent, tu ne pense qu’à te masturber, le temps que ta mère fait les courses, vite fait bien fait, tu te sens moins lourd. »

 

 

 

 

Michela Marzano (« Penser le corps » PUF 2002)

 

A la base de la sexualité, il y a le désir qui, par structure et par vécu, est lié au manque. Pour que le désir perdure, il faut que l’objet de ce désir soit un « objet-sujet », une personne qui ne puisse pas être totalement consommée comme il arrive aux objets-choses. Ce qui est à l’œuvre dans le porno est une transformation en chose de l’objet du désir qui a comme conséquence non seulement l’épuisement total du désir sexuel, mais aussi l’effacement de l’autre comme sujet-partenaire. Le porno est organique et gynécologique. Il n’y a plus de manque, le désir est ravalé à de l’appétit. C’est l’idéologie de la transparence qui domine aujourd’hui : tout dire, tout montrer. Plus de mystère, plus d’interdit, plus d’obstacles. Alors afin de susciter de l’excitation (et non pas le désir), il a fallu trouver autre chose, une excitation supplémentaire. C’est la violence : une transgression par substitution. Pour rester porno, le X doit aller vers la violence et le crade.

 

La pornographie étant censée recréer la réalité et, de fait, impose une norme, beaucoup de jeunes consommateurs vont se forger une image du monde et des relations tels qu’ils sont exposés dans ces films. Quand ils découvrent le monde, certains vont être déçus et choisir de vivre une sexualité virtuelle. Certains, en revanche, vont accepter le « défi » de la réalité. D’autre, enfin, n’acceptent pas les obstacles du réel et réagissent avec le mode de fonctionnement qu’ils ont appris, en s’imposant aux autres. Dans le porno, il n’y a pas de reconnaissance de l’autre comme pouvant avoir des désirs différents.

 

 

21/6/02

Un homme en dépression ?

Mardi prochain, France 2 propose « sommes nous tous drogués ? », sujet censé faire prendre conscience au Téléspectateur de son éventuelle addiction à l’égard de l’alcool, du tabac ou des médicaments. Si j’excepte les médocs que je crains comme la maladie (merci papa !), nul n’est besoin de souligner que ce magazine me concerne au plus haut point. L’excuse du rituel récréatif, festif et convivial m’est même interdite : je bois comme je fume, en solitaire. C’est même ce mode que je préfère ; en société, je ressens moins intensément le plaisir que me procure le flacon, tout comme trop de fumée réduit mon envie de participer à la partie cancérigène. Pas chiant le mec !

 

 

Marie Colmant de Télérama regrette que soit écartée dans ce « sommes nous tous drogués » l’explication selon laquelle « toute addiction est d’abord une maladie qui résulte le plus souvent de la somme d’une série de problèmes individuels. A ce titre, la dépendance est aussi le symptôme d’un mal-être profond qui ne peut se soigner véritablement et durablement, à moins de travailler du côté des origines de cette dépression. » Et si elle disait vrai ? Et si je ne tenais depuis des années que grâce au secours des clopes et des ballons de pif ? Mais comment alors puis-je maintenant envisager de faire cesser toutes ces mauvaises habitudes avec la perspective d’être terrassé par la profonde dépression qui m’habite à mon insu ?

Certes, il me reste la possibilité de « travailler » (souffrance) « du côté des origines de cette dépression »… Ouais…

 

8000 personnes trouvent la mort sur les routes françaises et je n’ai pas de bagnole. Une femme exposée à la fumée de cigarettes a 3,2 fois plus de risque qu’une autre d’être victime d’un cancer du sein, or je n’ai pas de seins (d’ailleurs, je ne suis pas une femme). Un homme a une « chance » sur dix de connaître une dépression (contre une femme sur cinq)[1]. Tout baigne finalement, il me reste 9 chances sur 10 de ne pas en être ! Et puis ce Viognier ne réjouit-il pas le cœur de l’homme ?

 

Pour en finir à ce sujet jusqu’à la prochaine fois, mon attitude à l’égard de ces risques voluptueux pourrait être due à mon arrêt à l’étage de « l’adolescence » où les conduites à risque jouent comme un « détour symbolique pour s’assurer de la valeur de son existence, rejeter au plus loin la peur de son insignifiance personnelle.» [2]

 

Je suis d’accord, ça va chercher loin. On en reparle ?

 


[1] Société du risque SH n° 124 – 02/02

[2] Le monde des jeunes SH n° 127 – 05/02

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #famille, #sex, #addiction, #vivre

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