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Publié le 25 Septembre 2006

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30/5/4
 
Avec La mauvaise éducation, Almodovar nous fait enfin un 2e film d’hommes homosexuels après La loi du désir. Brillant comme toujours, avec un assez complexe entremêlement de fictions dans la fiction (le récit d’Ignacio, celui de son frère Juan à Enrique quand il se fait passer pour Ignacio, le scénario modifié par Enrique, la vérité révélée par l’ex père Manolo).
Un film sombre, dans lequel, à l’exception d’Enrique et d’Ignacio enfants qui sont touchants, ainsi que la mère de ce dernier, aucun personnage n’est vraiment sympathique à force de mentir pour atteindre ses objectifs : les arrangements des curés pédophiles avec leur conscience, les intrigues amorales de Juan pour devenir acteur (il va jusqu’à tuer son frère avec le père Manolo), la double vie du père Manolo défroqué, le silence d’Enrique sur ce qu’il sait de Juan pour pouvoir se taper son cul et faire son film, le chantage d’Ignacio pour essayer de se débarrasser de la drogue et se payer une nouvelle gueule… L’esthétique est irréprochable, le récit cinématographique est impeccable mais l’humour a définitivement déserté ce cinéma, si on excepte ce que Gabriel nomme le culot d’Almodovar, notamment la scène d’Ignacio travesti qui, avec force grimaces de douleur et jouissance, plante son cul sur le sexe en érection d’un bel Enrique fantasmé qui dort abruti par trop d’alcool. Goran dira avec propos que cette scène fait mouche parce que qui parmi nous n’a jamais fantasmé une telle situation ?
 
Notre entourage non homosexuel ne l’a pas aimé. J’en ai conclu que ce qui leur avait fait bouder leur plaisir était que c’était vraiment un film d’homosexuel racontant des histoires d’homosexuels et qu’il n’avait pu aussi retrouver le plaisir qu’ils avaient eu jusqu’alors dans son cinéma « grand public ». L’identification, le va et vient entre l’histoire et ses propres préoccupations ne pouvaient fonctionner avec un public hétérosexuel. Ainsi, Mireille, « la femme et mère » a seulement été un peu touchée par la partie « pédophile » de l’histoire, qui était pour nous très anecdotique, et Fernando en pédé latino saoulé toute sa jeunesse par les bondieuseries cathos, a évoqué à notre grande surprise une charge terrible contre l’Eglise.
Bertrand, « my dear colleague », bien que pédé, n’a également pas aimé le film, il a trouvé que cette histoire n’avait rien d’universel. C’est un reproche que font la plupart des hétéros gênés par l’homosexualité. Dans son cas, c’est plus grave, c’est du refoulement. 


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Fraîchement rentrés dans nos pénates, nous fumions une cigarette avant d’aller nous coucher. J’étais silencieux. La visite à ma famille - dont je n’ai pourtant pas de raisons de me plaindre - m’avait comme d’habitude vaguement déprimé. Gabriel me dit : « c’était bien de se retrouver à Jaujac ; comme d’habitude d’ailleurs, c’est toujours chouette… mais c’est curieux, je n’arrive jamais à me souvenir d’un séjour particulier. Quelle que soit l’année ou la saison, chacun de ces moments passés se mélange aux autres pour finir par n’en faire plus qu’un. J’acquiesçai : « c’est normal, c’est toujours la même chose. »
 
Enfin, plus ou moins la même chose.
Mireille nous accompagnait pour la 3e année consécutive. Elle ne fume plus depuis 8 mois (bravo Mireille !) mais doit prendre de nouveau rendez-vous avec le tabacologue : elle est désormais accro aux Nicorettes qu’elle continue à sucer sans relâche bien au-delà de la dose maximale autorisée. Le sommeil la lâche et ses surdoses de nicotine n’y sont peut-être pas étrangères.
Pascal a fait venir un copain de parapente : Patrick, avec qui il est allé voler. Les enfants en revanche n’étaient pas là, ils étaient tous chez les ex, tout comme d’ailleurs Jonathan qui est venu avec ses enfants le week-end suivant. « Ça fait drôle, s’est exclamé ma soeur à deux reprises, il faut qu’on s’y habitue ». En ce qui nous concernait, pas de problème, on avait l’habitude.
 
En cas de désir de parentalité, penser Michelet

Samedi, les Michelet nous rejoignaient, ils avaient besoin de se changer les idées : ils étaient une fois de plus en conflit avec leur fille qui faisait sa Geneviève, autrement dit n’importe quoi. Geneviève qui vient de leur faire un petit-fils – Dieu merci séroneg – s’est mise en tête de se marier avec le père présumé de l’enfant (3 pères possibles), un maghrébin paumé, comme elle. Ce dernier reconnaîtrait ainsi l’enfant qui pour l’heure a été retirée à la mère (elle n’a qu’un droit de visite). A prés de 40 ans, Geneviève a demandé à ses parents de financer le mariage, ce qu’ils ont refusé, provoquant ainsi un chantage à l’enfant de la part d’une Geneviève à coup sûr hystérique.
 
 
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Les Michelet auront porté toute leur vie le fardeau de la vie ratée de leur fille qui après avoir été une très jolie fille intelligente a plongé dans l’enfer de la drogue, de la séropositivité et ses avatars, de moments de folies et de l’assistanat social.
Leur 3e enfant Didier leur en a fait voir aussi « pis que pendre ». J’ai le souvenir d’un garçon mal dans sa peau, pataud, de gros verres sur le nez et faisant le bébé en présence de ses parents. Autant dire que son intégration dans le monde des adultes n’a pas été sans peine pour lui comme pour ses parents. Réputé intelligent mais trop lent dans le système scolaire, on n’a eu de cesse de l’orienter vers des métiers manuels dans lesquels il ne pouvait faire l’affaire. Depuis qu’il a pu lâcher à un psychothérapeute qu’il avait été violé par un animateur dans un des camps de vacances où le plaçait chaque été ses parents et qu’il a tenté, en vain, car il y avait prescription, de poursuivre l’auteur, ça s’est mis à aller mieux pour lui : il a depuis quelques années un job de releveur de prix dans les GMS et partage sa vie à Voiron avec une femme plus âgée qu’il a connu sur « Internénète » comme dit Jonathan. Il a réussi à se faire accepter des enfants de sa femme et elle lui en a même fait un pour eux deux.
 
Bref, les enfants des Michelet, c’est un vaccin très efficace contre le moindre désir de parentalité. D’ailleurs d’enfant, il est toujours hors de question pour le fils aîné et son amie, tous deux sans problèmes et bien intégré socialement (il est créatif dans une agence de publicité).
 
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Un excentrique qui aime le jeune Pavel, Dobbleyoubush et le pape

Dimanche, le cousin de Franck, mon nouveau beau frère, a rappliqué. Un véritable excentrique, très haut en couleurs que nous avons pu connaître au mariage de ma soeur. Franck l’aime beaucoup (il l’a choisi comme témoin) et c’est un véritable mystère tant ils paraissent différents en toute chose.
Jean-Michel est séparé de sa femme avec qui il a eu une fille mais il semble qu’ils aient toujours formé un couple très « sartrien ».
En ce moment, il s’est pris de passion pour la Pologne au point d’envisager d’acheter un appartement à Cracovie. D’après ma soeur – il ne nous en a pas parlé – sa cinquantaine bien tassée s’est amourachée de Pavel qui a une vingtaine d’années. Ça pourra lui passer car l’an dernier c’était la Tchéquie et l’année précédente le Maroc. Commercial pour une marque de prêt à porter de luxe sur le déclin, il a un bagout incroyable d’excentrique a priori plutôt conservateur (dans un environnement qu’il sait plutôt de gauche ?).
 
Exemple : à peine arrivé, il nous a dit tout le bien qu’il pensait de Georges W. Bush. C’est manifestement un grand admirateur des Etats-Unis, au point d’avoir dressé les couleurs du « stars and stripes » dans son jardin. C’est d’ailleurs en changeant le drapeau qu’il s’est cassé la gueule et s’est retrouvé avec un plâtre pour le mariage. Comme la conversation avait glissé sur le documentaire « histoire du christianisme » de Prieur et Mordillat, on ne fut pas étonné d’apprendre qu’il était aussi un grand pratiquant de la religion catholique (les rituels d’avant Vatican II l’enchantent mais pas d’exégèse SVP !) et un admirateur du pape Jean-Paul II.
Bref, comme dit ma mère, Jean-Michel « est amusant à petites doses, au-delà, il doit être fatigant »
 
« David et Jonathan » ou le mariage de la carpe et du lapin

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A l’occasion de cette conversation sur le documentaire « histoire du christianisme », je n’ai pu m’empêcher de casser l’ambiance par une diatribe plutôt violente contre la religion. Pour très rapidement, rappeler que je ne pouvais, en tant qu’homosexuel, être attiré par des religions qui nous excluent tant par les normes morales qu’elles assènent, que par l’institution qu’elle valorise au plus haut point, la famille avec enfants. Au pire, ces religions justifient qu’on nous persécute (le cas le plus fréquent) ou nous frappe d’ostracisme, au mieux elles nous tolèrent pourvu qu’on se tienne discrètement à notre place, sur le strapontin qui nous est charitablement concédé.
 
J’ai refusé le strapontin, depuis longtemps, je ne voulais plus être un croyant de seconde zone vivant dans la honte de son « vice ». La foi de ma jeunesse m’a alors aussitôt déserté laissant place à ce que je ne peux plus considérer autrement qu’un fatras d’élucubrations. D’ailleurs, l’homophobie plus ou moins déclarée du christianisme, en décrédibilisant l’universalité du message d’amour de Jésus-Christ lui donne en quelque sorte le coup de grâce.
Pauvres chrétiens gays de « David et Jonathan » qui s’efforcent de « marier la carpe et le lapin » dans un grand écart qui confine au mieux au masochisme, au pire à la schizophrénie !
 
Alors pour ou contre le mariage pour les homos ?

Pour autant, leur combat comporte peut-être bien finalement le même enjeu que celui de la campagne des gays pour accéder au mariage : être reconnu comme citoyen à part entière et pouvoir accéder aux mêmes libertés que la majorité des hétérosexuels, celles de se marier, de faire famille et corrélativement celle de refuser de le faire.
Force est de constater que si le Pacs a été une avancée symbolique et juridique importante, il n’en consacre pas moins un « contrat d’union civile »  pour citoyens de seconde zone, en l’occurrence les homosexuels. C’est d’abord tout un symbole de penser qu’il a été choisi le faire signer au tribunal d’instance, un lieu où se juge habituellement les petits délits. Le préjugé d’instabilité de l’union homosexuelle valant aux signataires d’un Pacs une période de latence de 3 années avant de pouvoir faire une déclaration fiscale commune des revenus, est également pour le moins humiliant et surtout inique, et ce d’autant plus que les pacsés ne sont pas tenus à la fidélité à la différence de ceux qui se sont mariés. Que dire encore d’un pacs signé avec un étranger qui ne lui permet pas d’acquérir la nationalité française au bout d’un an, ce qui est le cas par le mariage ? Quant au régime successoral, il faut rédiger un testament pour pouvoir faire bénéficier au conjoint survivant d’un héritage net de droits de succession bien évidemment plus lourds que pour des conjoints mariés et de même niveau que pour les collatéraux.
 
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Alors pour ou contre le mariage pour les homos ? Après avoir longtemps préféré un Pacs modifié pour en faire un contrat non discriminatoire, parce que je ne voulais pas singer les hétéros et me fondre dans ce moule bourgeois des liens du mariage (ma position n’a d’ailleurs pas changé d’un iota sur ce point), la violence et la faiblesse de l’argumentation de ses détracteurs me conduisent à me rallier à cette idée de mariage pour les gays mais aussi à celle d’homoparentalité. D’une part, parce que ce peut être un instrument juridique et symbolique puissant pour cantonner l’homophobie, d’autre part et surtout, cela permettra de reconnaître une place aux familles homo parentales qui se forment depuis longtemps malgré la loi : un statut de parent pour les conjoints d’un homme et d’une femme ayant fait un enfant, et qui élèvent aussi cet enfant, un statut pour l’amie d’une femme qui s’est faite inséminée par un donneur anonyme puisque ce mode est autorisé dans un certain nombre de pays, et qui élève aussi l’enfant, un statut de parent pour les couples homosexuels à qui serait donné la possibilité d’adopter des enfants.
 
P.-S. Mamère a marié ce WE à Bègles un couple de garçons.
 

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Plus grave que le SRAS ou la grippe aviaire, la peste religieuse

La violence de mes attaques contre la religion ce jour là, trouvait probablement aussi sa source dans mon irritation récurrente de constater la place croissante occupée par les questions religieuses dans le débat public : l’interminable polémique autour de l’interdiction du voile, l’omniprésence des questions juives dans les médias et les tonnes qui sont faites sur la « vague antisémite » en France, la pression d’un certain nombre de pays de l’UE pour que soit inscrit dans la constitution européenne le christianisme comme valeur commune (A Dublin, Gabriel s’est même vu imposer un bénédicité lors d’un repas diplomatique), sans oublier les incessantes références à Dieu de la puissance impériale américaine.
 
Non sans effroi, j’y pressens, après l’installation d’un désordre économique « libéral » destructeur, le retour d’un ordre moral dans lequel les homos alimenteront naturellement « les bûchers de Sodome », mais aussi la dislocation de notre société en communautés fermées qui finiront par se foutre sur la gueule.
 
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Mélancolie

Si la visite à ma famille m’avait comme d’habitude vaguement déprimé, outre le fait qu’elle me rappelle que nous vieillissons tous, c’est aussi peut-être parce que le fils pédé sans enfants peine à trouver sa place auprès de ses parents, en premier lieu de sa mère, dont les deux principales raisons de vivre sont l’éducation de ses petits-enfants et vivre sa foi en Jésus-Christ en venant en aide aux esquintés de la vie. Ainsi en retrouvant ma mère, je retrouve toujours ce que j’essaie d’oublier, le tragique de la maladie, de la mort et de la misère.
 
Cette mélancolie qui s’empare de moi chaque fois que je rentre d’un séjour en famille, s’explique peut-être aussi parce que je m’y abrutis à force de ne pouvoir m’y occuper.
Même si cela me culpabilise, j’ai renoncé depuis longtemps à donner un coup de main significatif à mon père qui bosse comme un malade dans la propriété : je ne suis pas doué pour cela et cela m’ennuie au plus haut point. Alors comme chaque année, aidé de Mireille et Gabriel, j’ai tout de même désherbé les lavandes. Habituellement à cette époque nous passons aussi la tondeuse, comme elle était de nouveau en panne, j’ai compensé par le désherbage sous le mur et un peu de débroussaillage à l’épaule sur les « faïsses » sans vignes.
A part cela, j’essaie chaque fois de donner un petit coup de main du côté de la cuisine et du ménage, autrement dit des femmes. Maman nous gave de bons petits plats qu’on déguste toujours très tard, Pascal et Franck nous arrosent généreusement de leur vin. Je m’épuise à en boire avec modération. Il en va d’ailleurs de même pour les clopes. Question d’image : ne pas inquiéter les parents, ne pas être inquiété. Pleins comme des barriques, nous partons ensuite en « ballade » et il faut déjà préparer le dîner. 

 

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