fantasme

Publié le 6 Mars 2007

La Vie des autres (Das Leben der Anderen) écrit et réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck

 

Le mystère Ramzi s’épaissit

07/02/2007


1ère clope de la journée à la fenêtre : Au bas de la rue, l’ambulance était là sagement garée.

Une heure plus tard, 2e cigarette au même endroit : un garçon portant une blouse à l’effigie de la  société d’ambulance s’activait à l’arrière du véhicule, ce n’était pas Ramzi, mais un autre jeune beur aux cheveux coupés très courts, pas mal. Il monta à l’avant du véhicule, du côté passager et l’ambulance se mit à manœuvrer pour sortir de son emplacement. D’où je me trouvais, je pus seulement apercevoir les mains du conducteur. S’agissait-il de Ramzi ? Je ne suis pas sûr après tout que ce soit son véhicule de travail. Il était 10 heures du matin. Si c’est lui qui conduisait, il se pouvait bien qu’ils commençassent leur journée. Vivaient-ils ensemble, rue de C. ?

 

 

Même situation, deux ou trois semaines plus tard : Ramzi débouche au coin de la rue de C, comme d’habitude, tout de noir vêtu, comme toujours, d’un pas rapide. Il a le tic du jeune urbain affairé : sans s’arrêter de marcher, la main sur un portable, qu’il ouvre d’une main et porte à son oreille. Il traverse la rue tout en parlant au téléphone et disparaît au coin du café. Quelques minutes plus tard, apparaît à son tour le jeune ambulancier de la dernière fois, avec sa blouse. Même course, il semble pressé voire un peu stressé. Même itinéraire : il disparaît au coin du café.

Happy together ?

La prochaine fois qu’il me demande des nouvelles de Gabriel, je lui demanderai comment ça se passe avec son nouveau partenaire de travail.

 

Rendez vous à Budapest - Novembre 2002

 

Un appareil de la Malev en provenance de Paris déposa le premier sur le tarmac de l’aéroport de Budapest.

Quelques heures après, le second le rejoignit à l’hôtel Emke, à deux pas de la place Blaha Luiza. Il arrivait de Bruxelles.

 

 

Parce qu’il leur semblait qu’ici ou ailleurs, il demeurait malséant que deux hommes partagent la même couche, ils avaient réservé une chambre à deux lits.

Malgré cette mise à distance de convenance, la chambre leur plut tout de suite. Dés la nuit tombée, ils venaient s’y réchauffer et reprendre quelques forces avant de ressortir dîner.

 

Là, comme toujours en de telles circonstances, ils s’offraient un rapide tour du monde en quelques pressions sur la télécommande.

Le premier zapping vespéral les conduisit en terre inconnue : un pénis rasé de belle taille allait et venait dans l’anus bien lisse d’une poupée gémissante. Ils n’eurent même pas le temps de réaliser que l’action s’interrompit brutalement. Pour en voir davantage, il leur fallait désormais payer.

Par la suite, ils s’amusèrent souvent à se rendre sur l’obscène canal qui, invariablement et pour peu de temps, leur donnait à voir d’affolants ébats.

 

 

La journée, ils communiaient dans le bonheur  de découvrir les beautés de cette ville, qu’ils aillent les dénicher, ou qu’elles surgissent, soudain, au fil de leurs pérégrinations.

 

Budapest ne leur était pourtant pas inconnue : l’un  s’y était rendu récemment en mission et l’autre l’avait visité l’été de ses 25 ans.

Que d’eau avait coulé sous les ponts de la ville depuis ce temps là ! Et pourtant, nulle nostalgie de sa jeunesse déjà si lointaine n’effleura ce dernier.

Quant à son ami, il lui confia combien il l’avait manqué la dernière fois pour savourer pleinement cette ville. Car enfin, si Budapest était en train de les conquérir, n’était-ce pas parce qu’elle leur offrait à nouveau cette fascination renouvelée : ils retrouvaient intacte leur joie d’être ensemble dans une ville étrangère.

 

 

La ville leur parut à la fois proche et lointaine, européenne mais si exotique.

Ainsi, aller aux bains fut pour eux une véritable aventure.

Le personnel des bains Lukcas ne parle que le magyar et met son point d’honneur à être ni serviable, ni aimable. Dans ces conditions 
tout est très compliqué : quelle porte ouvrir pour accéder aux bains,… puis aux vestiaires ? Comment obtenir une serviette ? Doit on pour ce bout de drap payer encore ? La cabine va-t-elle être fermée par le responsable des cabines ?

« Qu’est-ce que tu fais de ton argent ? » demanda l’un depuis sa cabine. Son ami n’eut pas le temps de lui répondre, qu’une voix s’éleva dans la cabine voisine : « Né vous inquiété pas pourrr lé pognon, vous pouvé lé laissé ». Rassérénés par cette rencontre providentielle, ils purent enfin, eux aussi trempoter au milieu  des hongrois des deux sexes et de tous âges.

Dans une atmosphère saturée de souffre et de vapeurs, ils observèrent à la dérobée des jeunes gens remarquables. Les gens qui s’aiment ne regardent-ils pas dans la même direction ?

 

 

Le quatrième jour, tôt le matin, il neigeait à gros flocons. Un taxi est venu chercher le premier pour le conduire à Ferihegy où un vol Air France devait le ramener à Paris.

Le deuxième décolla quelques heures plus tard pour Bruxelles. 

 

 

Catulle MM VII

Spectacle en gestation au Studio théâtre de Vitry

 

 

XLVIII. À Juventius

Tes yeux doux comme du miel, Juventius, s'il m'était donné de les baiser sans cesse, trois cent mille baisers ne pourraient assouvir mon amour ; que dis-je, [5] fussent-ils plus nombreux que les épis mûrs, ce serait encore trop peu de notre moisson de baisers.

 

Paulo nous avait relancé d’un courriel :

Les murs du bar et du théâtre couvert d'inscriptions latines obscènes et de dessins licencieux dont certains très drôles, des bites partout, sur scène quatre acteurs souvent à poil, (évidemment on regarde mais sans voyeurisme) et le texte est là, audible et souvent fascinant. Franchement, ça vaut le coup!

 

Lorsque cessèrent les applaudissements, Pulchérie Gadmer, entourée des trois autres acteurs, invita notre assemblée à se retrouver pour échanger sur leur travail autour d’un verre et de quoi manger.

Nous sommes sortis pour griller une cigarette. Comme ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait discuter avec le metteur en scène et les acteurs sur une création en train de se réaliser, je forçai la main de Mireille et Gabriel, qui seraient bien rentrés tout de suite : « au moins le temps d’attendre le prochain RER... ».  

 

La conversation s’enclenche avec le mec qui range une caméra. Avenant. C’est lui qui a réalisé l’installation « vidéo » qui nous a été montrée avant que ne commence le spectacle. Trois écrans superposés sur lesquels défile une foultitude d’images jouant avec nos représentations des romains, « comme sur des machines à sous », remarque avec justesse Gab. En sirotant un verre de vin offert par la maison et grignotant des Crackers, nous avons ainsi joué à reconnaître des œuvres, des lieux, des personnages « réels » ou de fiction (les images de la série Rome ) dans leurs très brèves apparitions. Le « vidéaste » nous dit avoir surtout puisé sur Internet.

 

 

Au moment, où il fut apporté un assortiment de fromage, des tomates cerises, du pain, des fruits et de quoi boire, j’insistai de nouveau pour rester : « De toute façon, on a loupé le 21H47. On prendra le prochain, ce n’est pas la peine de poireauter sur le quai. » La possibilité d’avaler quelque chose a calmé leur désapprobation.

 

 

 

 

Pas forcément facile d’obtenir un échange spontané entre public et gens de scène. Ceux qui sont à l’initiative de la rencontre attendent un retour sur le ressenti des spectateurs, mais plutôt une critique positive et constructive. Le public, quant à lui, c’est du moins mon sentiment, peut être inhibé par son manque de connaissances du texte, de son auteur, de la metteur en scène et du théâtre en général. Sans compter qu’il n’est pas vraiment possible de dire qu’on a parfois pu se faire chier (mais dans ce cas reste-t-on ?) ou que la nudité des acteurs est un point fort de leur proposition (ma préférence pour la jeunesse d’Etienne Parc, que j’ai trouvé d’une plastique très «beau russe brun ») ou encore que les sexes des garçons étaient jugés par certains de taille très modeste (Mireille faisant sa Messaline).

 

Le texte de Catulle MMVII est un montage de poèmes en vers, adressés pour la plupart à une femme appelée Lesbia et à un garçon prénommé Juventius, tous deux aimés éperdument de leur auteur. Le dispositif consiste à faire dire et vivre ces textes par quatre acteurs, deux filles (dont la metteur en scène) et deux garçons. Les 1H10 se passent surtout autour d’une piscine triangulaire où les acteurs jouent souvent dans le plus simple appareil, parfois vêtus d’un drap ou même de maillots de bain avec lunettes de soleil italiennes très « modasses ».

 

Paulo et notre vidéaste m’ayant donné quelques pistes, j’amorçai le débat.

Pulchérie Gadmer confirme qu’elle a fait une nouvelle traduction du texte original, elle évoque la spécificité et la difficulté de la métrique latine. Gabriel dit le musicalité des poèmes lus en version originale par Giuseppe au début du spectacle, ce dernier donne son modèle : un document audio d’un serbe latiniste trouvé lui aussi sur Internet.

Pulchérie redit ce que ces textes de Catulle avaient de subversif dans la Rome encore très morale du 1er siècle avant JC, époque où le culte de la virilité interdit d’avoir un amour sentimental et égalitaire avec une femme, a fortiori celle d’un autre, tout comme l’époque condamne fortement la relation homosexuelle entre deux hommes/garçons libres et par-dessus tout la « passivité sexuelle », ce qui n’empêche pas la bonne société romaine de considérer à l’instar de ce qu’écrira Sénèque, un peu moins de 100 ans plus tard, que si : "La passivité sexuelle est un crime pour l'homme libre , elle est « une obligation pour l'esclave, un service pour l'affranchi."
 
 


 

On apprend que Giuseppe Molino est danseur et l’on se rappelle des moments très joliment chorégraphiés, notamment les duos du début, des poses très sculpturales, et l’on comprend enfin ces fesses que seule une pratique intensive de la danse accorde. On apprend aussi que la piscine est un lieu d’improvisation avec des rendez vous (Cf le jazz ?), que les poèmes ont été tirés au sort, avec une bourse d’échanges, qu’il a été imposé des redistributions ponctuelles (intervention drôle de Fanchon Bertrand qui, outre le fait qu’elle est belle, semble être un sacré numéro).

 

Une jeune fille, cheveux courts en bataille, au look un peu « mec », intervient d’une voix d’alto de bonne famille (nous a fait pensé à L. B.) pour dire grosso modo la chose suivante : « Il me semble que c’était au cœur de la proposition que d’évoquer l’amour dans toutes ses possibilités, or si les filles batifolent souvent entre elles avec sensualité et naturel, les rencontres entre les deux garçons sont beaucoup plus rares et peut-être plus forcées. » C’était bien là mon avis.

Pulchérie de confirmer l’intention en indiquant que le prénom Lesbia s’y prêtait bien, pour ce qui était des garçons, elle se tourna vers eux pour les inviter à plus et je crois qu’il y eut uniquement quelques rires un peu gênés.

Peut-être auraient-ils pu évoquer le texte dans lequel les adresses à Juventius sont, me semble-t-il, beaucoup plus rares ?

 

 

 

 

Un jeune homme barbu à lunettes dit qu’il a été sous le charme de l’atmosphère créée qui lui a rappelé des films de Pasolini, en particulier « Les mille et une nuits »

 

Avant que nous ne levions le camp, j’ai eu un bref échange avec Pulchérie Gadmer :

- J’ai bien aimé l’association de votre travail faite avec les films de « la trilogie de la vie » de Pasolini, elle me paraît très juste en tant qu’ode à la vie, à l’amour joyeux, à la jeunesse, en revanche, il me semble que, chez Pasolini, cet ode est faite dans un monde où la mort est omniprésente, où la vie est brève, ce qui lui donne une intensité plus forte, et ça n’apparaît pas vraiment dans Catulle 2007, non ?

- Vous avez tout à fait raison, on n’a pas travaillé encore Thanatos, c’est un travail qui reste à faire.

Comme j’évoquai également les épigrammes de Martial (in Pépisse and Love), elle rappela que pour justifier son choix de faire poésie des petits riens du quotidien, Martial avait revendiqué, dans un préambule, l’héritage de poètes qui l’avaient précédé, notamment de Catulle.

 

 

[81]

A JUVENTIUS

Eh quoi ! Juventius, parmi la foule d'adorateurs qui t'entoure, n'était-il donc aucun homme aimable, digne d'obtenir tes bonnes grâces, pour que tu allasses déterrer sur les rivages empestés de Pisaure ce moribond à la face plus jaune qu'une statue dorée, qui est maintenant l'objet de toutes tes affections, et que tu oses nous préférer ? Ah ! Juventius ! tu ne sais pas quel crime est le tien

 

99]
A JUVENTIUS

Aimable Juventius, je t'ai ravi en jouant un baiser plus doux que la douce ambroisie ! Mais hélas ! ce baiser m'a coûté bien cher ! pendant plus d'une heure, en proie au plus cruel supplice, j'ai tâché vainement de me justifier ; mes pleurs, mes sanglots, rien n'a pu désarmer ta rigueur inflexible. A peine t'avais-je dérobé cette caresse, que, pour effacer jusqu'à la moindre trace du contact de ma bouche, tu as essuyé de tes deux mains tes lèvres humectées de mes larmes, comme si une immonde courtisane les eût souillées de son impure salive. C'était peu : tu m'as fait longtemps éprouver tous les tourments d'un amour dédaigné ; tu as changé pour moi en un poison plus amer que l'ellébore la douce ambroisie de ce baiser.

Cruel ! si tel est le châtiment que tu réserves à l'amour le plus tendre, je ne m'aviserai de ma vie de te ravir un baiser.

 

[106]
LE JEUNE GARÇON ET LE CRIEUR PUBLIC

En voyant ce jeune et beau garçon à côté d'un crieur public, que doit-on en penser, sinon qu'il cherche un chaland ?

 

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #Fantasme, #avec un grand A, #touriste, #spectacle, #livres, #culture gay

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