Les revanchardes de l’art

Publié le 4 Février 2023

 

L'Atelier de madame Vincent peint par Marie-Gabrielle Capet - 1808
L'Atelier de madame Vincent peint par Marie-Gabrielle Capet - 1808

 

Les expositions consacrées aux femmes artistes se multiplient. Selon Zyneb Dryef du quotidien Le Monde, c’est « le fruit du combat mené par des femmes commissaires et des conservatrices soucieuses de donner enfin leur place à celles que l’histoire de l’art a laissées de côté. » Dans un article de « Connaissance des arts » de mars 2020, la journaliste Myriam Boutoulle, narrait ainsi la lutte des femmes artistes contre la misogynie prévalant dans le monde de l’art, en citant abondamment le livre de Catherine Gonnard et Élisabeth Lebovici, « Femmes artistes, artistes femmes ». En particulier, elle rapportait que Joan Mitchell, Américaine expatriée à Paris, disait que même dans les années 60, «les galeries ne prenaient pas plus, disons, que deux femmes, c’était un système de quotas ».

Depuis, les choses ont bien changé. Pour la journaliste Myriam Boutoulle, même si les femmes artistes ont gagné en visibilité depuis les années 2000, il fallait se garder de crier victoire car la parité n’était toujours pas atteinte. Deux ans plus tard, le commissaire de la Biennale d’art contemporain de Venise 2022 était une femme, Cecilia Alemani, comme 80 % des artistes exposés. Dans un article de la Tribune de l’Art, sa rédactrice en chef, Bénédicte Bonnet Saint-Georges, se dit aussi agacée par le fait que « les musées s’arrachent sur le marché des œuvres dont le principal intérêt n’est plus la qualité artistique, mais la féminité de leurs auteurs. » Dans le même article, elle appelait à en finir avec ces expositions d’artistes femmes sans leur confrontation à l’œuvre de leurs homologues masculins.

La commissaire de l’exposition Joan Mitchell à la fondation Louis Vuitton, Suzanne Pagé, ses deux co-commissaires Marianne Mathieu, Angeline Scherf, et leurs deux assistantes Cordelia de Brosses et Claudia Buizza, ont soigneusement évité cet écueil (mais pas « l’effet poulailler » de la composition du commissariat de l’exposition), avec une proposition de « dialogue » entre le chef de file de l’impressionnisme, Claude Monet et une rétrospective de l’œuvre de l’américaine.

 

Photo d'Anton Kolig dans son atelier de l'académie de Stuttgart avec deux modèles - 1933
Anton Kolig dans son atelier de l'académie de Stuttgart avec deux modèles - 1933

 

ANTON KOLIG Jeune homme assis au matin 1919 Leopold Museum Wien
Anton Kolig Jeune homme assis au matin 1919 Leopold Museum Wien

 

Ce dimanche après-midi, Maxime, en week-end à Paris, comme toujours, était partant pour une exposition d’art, j’ai aussitôt réservé trois billets pour Monet-Mitchell.

Avant que la fondation Louis Vuitton ne lui consacre une exposition, de Mitchell je ne connaissais qu’Eddy, nulle trace de cette artiste non plus dans les deux ouvrages que je possède sur l’art du XXe siècle. Joan Mitchell doit-elle seulement au machisme de pas avoir accédé au panthéon de l’histoire de l’art ? On verra bien. Ce qu’il nous a été donné à voir par la promotion de l’exposition, ne m’avait pas particulièrement excité, mais on aime bien le bâtiment conçu par Franck Gehry pour François Pinault, ses jeunes médiateurs assurant des « micro-visites », et normalement ce n’est pas la cohue.

Raté ! C’était la cohue, ce qui nous a contraint à parcourir salles et œuvres dans un certain désordre. Ça n’a rien changé au fait que je m’y suis dans l’ensemble ennuyé. Le lieu est parfait pour tous les grands formats de Mitchell mais j’ai eu un mauvais « feeling », pour citer l’artiste qui ne peignait que ça des « feelings ». Sans doute parce que l’abstraction n’est pas ce que je préfère en peinture, encore moins l’expressionnisme abstrait à laquelle on rattache l’artiste, ce qui ne m’empêche nullement d’avoir trouvé fascinante la recherche de Kandisky ou de Miro, et d’avoir aimé l’abstraction figurative d’un Nicolas de Staël, ou plus récemment la peinture abstraite de Gehrart Richter.

 

 

 

Très vite, la peinture de Joan Mitchell m’a semblé répétitive, le plus souvent exécutée de vilaine manière (7 photos sur mon smartphone en tout et pour tout), et ténues les correspondances avec le travail du Monet en son jardin. Allez ! J'ose le dire : certains tableaux m’ont rappelé un sketch des Inconnus mettant en scène un peintre de l’action painting.

 

Les Inconnus - Dans l'atelier du grand artiste Juan Romano Chukalesku

 

Du côté des nymphéas et autres agapanthes des 25 dernières années de Monet, qu’on connaît très bien entre les salles ovales du musée de l’orangerie, la galerie des impressionnistes du musée d’Orsay et le musée Marmottan (sans compter que Monet en a tellement peint qu’on a même pu en voir à Naoshima au Japon), seul le triptyque de L’Agapanthe, grande décoration de près de treize mètres, conservé dans trois musées américains et réunis pour l’exposition, valait le déplacement. A mon humble avis, ce chef d’œuvre en fin de circuit suffit à expliquer pourquoi Mitchell a acquis une notoriété confidentielle, et combien c’était une curieuse idée que de vouloir « placer Joan Mitchell sur un pied d’égalité avec Claude Monet ».

 

Christian Boltanski "Les regards" Japon 2022
Christian Boltanski "Les regards" Japon 2022

 

Post-scriptum 7e art : Dans Télérama de cette semaine, Guillemette Odicino s’indigne qu’aucune réalisatrice ne figure dans les nominations aux César dans la catégorie « meilleure réalisation », « alors que l’année 2022 fut particulièrement riche ». Pour la journaliste, « l’invisibilité des réalisatrices » témoignerait  « autant de la misogynie que d’une érosion de la cinéphilie ».

Si j’écarte « Les amandiers » de Valeria Bruni Tedeschi que nous avons aimé et qui a tout de même été nominé dans la catégorie « meilleur film » (ce qui est un bel hommage de la profession), je n’ai eu envie d’aller voir aucun des trois autres films mis en scène par les femmes qu’elle cite, pour la simple et unique raison que le synopsis et la bande-annonce me laissaient penser que j’allais me faire chier : que ce soit Les enfants des autres, Saint Omer ou Les pires.

Ça n’a rien à voir avec la misogynie, à la rigueur peut-être avec les limites d’un film conçu sur une thématique et un point de vue féminins (le « female gaze »), moins à même de toucher un public masculin non « déconstruit » et disposant d’une pléthore de propositions alternatives.

 

Eddy Mitchell - La dernière séance (1977)

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