Publié le 21 Janvier 2008

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Selinunte SICILE janvier 2008


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Jean Delville - L'école de Platon (Musée d'Orsay)
 

 

Ce matin là, je m’arrachai du lit, « la gueule dans le cul », pour passer sous la douche, priant pour qu’ils soient en retard. Je n’étais pas encore dans la salle de bain lorsque l’inopportun « ding dong » me surprit dans le couloir, nu avec une exceptionnelle trique matinale. « Et ben, ils sont pas en retard ! » dis-je de très mauvaise humeur en tirant le rideau de douche «Tu leur ouvres ? ».

 
C’est à cause de la Grèce que ça sonne ce matin. Enfin, c’est « en raison de la grève d’une certaine catégorie de personnel » qui nous a empêché de nous rendre à Athènes comme prévu, que ce type vient m’importuner si tôt pour nous installer de nouvelles fenêtres.
 
Raté pour raté, on s’était alors dit qu’il fallait profiter de tout ce temps libéré pour faire toutes les choses sans intérêt que l’on ne cessait de reporter, parfois depuis des années.
Comme par exemple changer les fenêtres, afin d’en finir avec « le vent frais de secteur nord-est » à l’intérieur de l’appartement, ou encore trouver une nouvelle bibliothèque pour ranger dans un espace contraignant tous les livres qui s’empilaient un peu partout.

Vous ricanez ? C’est énorme comme challenge ; à croire que les gens ne lisent plus : on ne trouvait que des rangements pour mettre des bibelots ou de ces gros livres qui s’achètent, qui s’offrent mais qui ne se lisent pas.
De guerre lasse, on s’est retrouvé chez Ikea avec une voiture prêtée par Paulo pour rapporter l’irremplaçable Billy de nos années d’études.
 
 
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Castor et Pollux
 
De toute façon, l’affaire grecque se présentait mal. 

Athènes, l’un et l’autre n’avions fait qu’y passer pour se rendre dans les îles, alors l’idée nous était venue d’aller passer quelques jours dans la capitale au nom de déesse, «berceau de notre civilisation européenne ».
Toujours trop dans l’improvisation (tous les hôtels qui me plaisaient étaient déjà complets), on avait été contraint de payer 5 nuits d’avance pour un hôtel coûteux et sans charme.
Dans le même temps, notre entourage unanime, nous disait que cette ville ne méritait pas autant de jours, mais à cela nous répondions, confiants, qu’on verrait bien. 
Pourtant lorsque se trouva confirmé que le
musée du Parthénon était fermé pour cause de déménagement des statues de l’Acropole vers le nouveau musée qui n’ouvrirait que début 2008, je tentai en vain de réduire le nombre de jours de réservation sur Athènes pour pouvoir avoir la liberté de partir ailleurs.

C’est alors que la grève des personnels navigants d’Air France nous ôta tout regret.
 
 
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Bacchus - Le Caravage
 
 
En attendant de pouvoir enfin y mettre les pieds, J., 14 ans, sur le prétexte qu’il porte le prénom d’un de ses héros m’a fait réviser hier soir la mythologie grecque.

J. est le fils unique d’un couple de voisins franco-britanniques très sociables, qu’on a vu grandir. Comme souvent dans une telle situation, il est un garçon parfaitement à l’aise avec les adultes avec qui il a toujours échangé, en premier lieu avec son père qu’il appelle de son prénom ; ce qui fait de lui un garçon déjà cultivé dans de nombreux domaines, et par ce seul fait, sans doute, un garçon différent de la plupart de ses camarades de collège.

Depuis peu, chaque fois que je le vois, je pense au vilain petit canard d'Andersen de mon enfance, raconté sur un disque qu’avaient acheté nos parents, avec pour illustration sonore des extraits du Peer Gynt de Grieg
Ce soir, le vilain petit canard s’est débarrassé de son disgracieux appareil dentaire, l’acné se fait moins envahissant, pour la première fois je trouve qu’il a de beaux yeux, la métamorphose du vilain petit canard en cygne approche.
 
 
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William Gedney Paris 1978
 
 
 
Mais quelle logorrhée ! Je me tourne vers son père tout en appuyant de l’index au creux de l’épaule du garçon  « où est le bouton pour le faire arrêter de parler ? » J. sursaute, je venais de réactiver une blessure de judo.
 
Avant de l’abandonner pour aller discuter avec d’autres invités de la soirée, je lui ai dit que je ne savais plus beaucoup de choses de la mythologie grecque mais que je pariais qu’il ne connaissait pas, l’histoire d’Ampélos et Dionysos, cette histoire d’amour à laquelle nous devions le vin que j’étais en train de boire (Ampelos signifie vigne en grec).
 
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Bacchus et Ariane - Guido Reni
 
 
L’histoire est contée dans un poème Les Dionysiaques (chant XII) par un grec qui a vécu en Egypte au Ve siècle, Nonnos de Panopolis.

Pour aller vite, Dionysos adolescent subjugué par la beauté d’Ampélos noua avec lui une amitié amoureuse. Jalouse de Dionysos, Hera fait mourir l’éphèbe. Comme Dionysos est fou de douleur, les quatre saisons se rendent auprès de Zeus pour lui demander de rendre Ampélos immortel en le transformant en un végétal comme il l’avait déjà fait pour Narcisse, Hyacinthe, ou Adonis.
 
Et, tandis que Dionysos gémit, voici qu’une grande merveille se produit sous ses yeux. Le corps sans vie se redressa, ondulant tel un reptile, Et Ampélos serpentant devint une délicieuse plante fertile. A mesure que le corps sans vie se métamorphose, Son ventre s’étira et devint tronc, ses doigts vrilles et ses pieds racines Les rinceaux de ses boucles furent grappes, Sa peau de faon se couvrit d’une chatoyante floraison de fruits, Des pampres naquirent de son long col, Le coude replié n’est qu’un sarment tendant ses raisins, Son front aux volutes cornues s’incline sous le poids des grappes.
Ce qui fut son ami devint son doux ombrage. Dionysos mord le raisin, goûte au brûlant breuvage. Et le sang d’Ampélos rosit ses blanches mains.
 
Jean Broc - La mort de Hyacinthe
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En cela, Zeus a fait un cadeau à Dionysos plus important que celui fait aux autres Dieux dont les amants mortels ont été transformés en plantes, il crée ainsi « la boisson qui réconforte la race des mortels ».
 
Gabriel nous a dégotté ce récit alors que nous voulions commander à Goran un relief autour de vin et de l’amour homosexuel. 
Très motivé par le thème, l’artiste a réalisé en résine acrylique une plaque dont il nous a paru, à raison, très fier et qu’à notre demande il a fait dorer à la feuille de
Palladium.

« J’aime le Palladium, nous dit Goran avec un sourire malicieux, ne serait-ce qu’à cause de son symbole chimique. Le connaissez vous ? ... Pd.»
 

(édition 1856 texte intégral numérisé)
 
 

 

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Troublante révolte ultime

Piètres traces vidéo de la troublante installation du collectif russe AES+F présentée jusqu’au 6/1/8 à la galerie  Passage de Retz, parmi d’autres projets consacrés à l’enfance et l’adolescence :
 
 
The last riot AES+F (autre extrait)
 
Exposition très bien chroniquée (comme toujours) sur ce blog et par Olivier
 
 
 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #les amis, #culture gay, #expos

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