Publié le 13 Novembre 2023

- Le ministre de l’Intérieur. Je vais lui mettre ses propres chiffres sous le nez. Ah, ah ! Il est baisé !
Arthur ressenti pour Salim une forme de dégoût. Le faible contre le fort, c’est bien. Mais le faible du faible, perdu dans la nuit normande avec ses trente-cinq followers, contre le fort du fort, premier flic de France ? Où est le courage de celui qui n’a rien à perdre ?

"Humus" de Gaspard Koenig

 

Parkour à Gaza en 2019
Parkour à Gaza en 2019

 

Non, les femmes ne travaillent pas "gratuitement" à partir du 6 novembre

 

J’étais résolu à publier sur un tout autre sujet que celui de « l’égalitarisme forcené » et de « la position victimaire » de l'activisme féministe contemporain, jusqu’au battage médiatique de ce 6 novembre.

C’est par TTSO (Time To Sign Out) que j’ai appris la nouvelle. Pour ceux qui ne connaissent pas TTSO est une lettre d’information qui arrive tous les jours dans la boite mail de ses abonnés avec la promesse de faire de vous « la personne la mieux informée de Paris (ou d’ailleurs…) », sur ton qui se veut « un peu décalé et drôle ».

Leur cœur de cible : les cols blancs hétéros ou lesbiens, je dirais de 30-50 berges, eu égard le fait que la lettre se boucle toujours sur un sujet « cul » où les appâts féminins tiennent la vedette. A cet égard, j’ai le plus souvent l’impression qu’elle a été rédigé par une(des) meuf(s), même si la seule personne identifiable de TTSO est son créateur Romain Delsol.

Ce 6 novembre, la lettre démarre donc par l’info du jour : « égalité : le collectif Les Glorieuses rappelle que les femmes gagnent 15% de moins que les hommes en France (données Eurostat) et travaillent donc "gratuitement" depuis ce lundi 11h25. » Diantre ! Comment une telle « injustice » est-elle encore possible ?

Deux sujets plus loin, TTSO développe aussi une des trois mesures réclamées par ces « Glorieuses » (leur modestie dans le choix de leur nom est déjà tout un programme), en titrant « Les Glorieuses Prix Nobel ! » : rendre obligatoire le congé parental post-accouchement du père afin de mettre les deux sexes sur un pied d’égalité, comme le proposerait la nouvelle Prix Nobel d’économie Claudia Goldin.

En effet, ce qui resterait d’écart salarial entre les deux sexes dans notre pays serait essentiellement dû à l’impact de la maternité sur la carrière des femmes. Ainsi, TTSO recommande « le très bon papier du Monde » que je n’avais pas eu envie de lire avant qu’il me soit recommandé, car il s’annonçait comme une jérémiade n’apportant aucune information. On peut y lire que « ce sont presque toujours les mères, qui interrompent leur carrière pour s’occuper des enfants au-delà du congé de maternité légal de deux mois et demi », tout en citant quelques lignes plus loin l’exemple d’un couple dont la femme est aide-soignante à 1 600 euros par mois et le mari ingénieur naval militaire avec un salaire oscillant entre 5 000 et 10 000 euros par mois, selon ses missions. Le choix de l'exemple ne plaide définitivement pas en faveur de la chapelle des militantes car il allait de soi que, lorsqu’il est apparu nécessaire qu’un des deux prenne un congé parental longue durée, le couple choisit que ce fut la mère, non pour des raisons de « stéréotypes sexuels », juste pour des raisons financières.

 

offensive terrestre dans Gaza de l'armée israélienne, à Gaza Ville, le 8 novembre 2023. STRINGER  Reuters
Offensive terrestre dans Gaza de l'armée israélienne, à Gaza Ville, le 8 novembre 2023. STRINGER Reuters

 

Cet exemple suffit d’abord à démontrer que la mesure revendiquée par « les Glorieuses » et mise en avant par TTSO est nuisible puisque imposer à l’homme, contre la volonté du couple, de prendre le congé appauvrirait le ménage. Du reste, je relève une malhonnêteté de la part des « Glorieuses » et de TTSO qui reprend l’information, d’invoquer la nouvelle Prix Nobel d’économie Claudia Goldin qui prônerait cette mesure, alors que je n’ai trouvé aucune citation l’attestant dans la presse, ni dans l’article vers lequel renvoie TTSO, ni dans un autre un peu plus conséquent.

L’exemple donné par la journaliste stagiaire du Monde qui signe l’article cité, ne signale nullement une discrimination à l’égard des femmes, mais uniquement que les emplois du « soin à la personne » (care) dans les secteurs de la santé et de l’aide sociale, ne sont pas des plus rémunérateurs. C’est ainsi que nos « Glorieuses » ont une deuxième idée lumineuse : « revaloriser les minima salariaux des métiers dits « féminisés ». Or le minimum salarial existant s’appelle le SMIC, cela signifie qu’elles appellent à relever le SMIC, ce qui bénéficierait à tous les smicards y compris ceux qui sont dans des entreprises de moins de 10 salariés (20 % des effectifs salariés) non pris en compte dans la statistique brandie par nos Walkyries de l’égalité salariale, smicards qui constitue 15 % des salariés et ne sont pas seulement des femmes (40 % sont des hommes). Sauf à être discriminatoire à l’égard des hommes, une telle mesure n’est pas faisable et s’inscrit dans la problématique plus large de l’emploi des personnes faiblement qualifiées à bas salaires et du salaire minimum légal.

Quant à la troisième mesure, première selon ces « Glorieuses », il s’agit de « conditionner l’accès des entreprises aux subventions publiques, aux incitations fiscales et au marché public au respect de l’égalité salariale (en l’ouvrant aux entreprises qui ont plus de 99/100 à l’Index de l’égalité femmes-hommes) ». 99% ? Et pourquoi pas donc 100% tant qu'on y est ? Avant de se battre pour le durcissement d’une mesure envisagée en mars dernier par le gouvernement Borne, il conviendrait d’abord de prendre connaissance de l’évaluation de l’index Pénicaud, car il semble pour l’heure sans effet sur les inégalités dénoncées.

 

Chappatte dans Le Temps, Genève 13-10-23
Chappatte dans Le Temps, Genève 13-10-23

 

Le déclin de l’empire américain de Denys Arcand (1986)

 

Mais revenons plutôt au remarquable battage médiatique que sont parvenues à provoquer Rebecca Amsellem et ses copines des « Glorieuses ». Elles peuvent se vanter de près de 400 parutions dans la presse, auquel il faudrait rajouter les sujets dans les autres médias (j’ai ainsi pu écouter un numéro spécial d’Entendez-vous l’éco ? sur France Culture animé par Tiphaine de Roquigny entourée de trois invitées).

Ce battage pose problème car l’audience retiendra de ce brouhaha qu’il persiste une injustice d’inégalité salariale entre les femmes et les hommes, et au mieux qu’elle est de 15 %, ce qui est faux si l’on compare des choses comparables (toutes les inégalités ne sont pas injustes).

Si bon nombre de médias, se sont contentés de diffuser le communiqué de presse alimentant cette antienne de l’inégalité des salaires femmes-hommes, comme par exemple France Bleue, pour la première fois, j’ai heureusement pu lire ou entendre des contestations du choix de ce chiffre, par Mathilde Berger-Perrin dans l’Express d’abord, puis sur France Culture (certes largement noyé dans l’entrevue très orientée de l’animatrice et de l’équipe qui a préparé l’émission) et par Dominique Seux sur France Inter.

Alexandra Roulet, économiste et professeure à l'INSEAD Business School, qui est intervenue dans l’émission de France Culture, rappelle qu’il existe trois indicateurs pour mesurer les écarts salariaux entre hommes et femmes : si on compare la rémunération annuelle des hommes et des femmes, l’écart est de 25 % en faveur des hommes, si on neutralise le fait que les femmes travaillent moins que les hommes (elles sont plus souvent à temps partiel, sans qu’on ne puisse dire s’il est véritablement subi ou choisi), on établit un écart de 15 % ; toutefois à poste équivalent, dans la même entreprise, avec la même formation et la même ancienneté ou expérience, la différence n’est plus que de 4 %, autrement dit « à travail égal, salaire presque égal ».

 

Much Ado About Nothing (Beaucoup de bruit pour rien) réalisé par Kenneth Branagh en 1993

 

« Ce qui fait monter le chiffre à 15% (presque 4 fois plus tout de même), ce sont les métiers différents qu’exercent dans la vie les hommes et les femmes. En clair, les aides-soignantes, les assistantes de direction et les caissières, métiers majoritairement féminins, sont moins bien payées que les ouvriers qualifiés et les ingénieurs. » (Dominique Seux).

La plus grande réussite des filles à l’école et dans les études supérieures, qui a autorisé une montée des femmes dans des métiers bien rémunérés autrefois réservés aux hommes, a fait diminuer l’écart salarial dû à une répartition genrée des professions. Pour cette raison, Dominique Seu retient principalement le levier de la montée en compétences de femmes pour réduire encore les écarts salariaux entre hommes et femmes. Reste que cette évolution connaîtra nécessairement un étiage : pour ne prendre qu’un exemple, celui d’un de mes neveux, soudeur qualifié, il est très incertain que les jeunes filles souhaiteront faire son travail, qui lui permet certes de gagner très bien sa vie, bien mieux que n’importe quel gratte-papier, mais au prix de conditions de travail souvent pénibles voire dangereuses et une forte mobilité géographique.

Alexandra Roulet confirme la montée du salaire des femmes dans des métiers biens rémunérés, tout en soulignant qu’aucun pays n’a vraiment progressé sur la question du temps de travail, de la maternité et leurs effets, y compris les pays scandinaves toujours cités en exemple.

Pour autant, l’écart salarial entre hommes et femmes de 4 % sur des situations comparables était de 8 % en 2012, une diminution de moitié dont les femmes devraient se réjouir.

 

A frontière israélienne de la fumée noire s'éleve de la bande de Gaza, le 29 octobre 2023.  Fadel Senna, AFP
A frontière israélienne de la fumée noire s'éleve de la bande de Gaza, le 29 octobre 2023. Fadel Senna, AFP

 

En conclusion, je dirai que, si la liberté d’expression est aussi celle de dire des infoxs (fake news), autrement dit des informations fausses dans l’intention de tromper, il revient aux médias de les détecter et non de les faire circuler (beaucoup trop de rédactions n’ont pas fait leur boulot), encore moins à la Première Ministre Borne d’envoyer un message de soutien aux "Glorieuses" qui en sont à l'origine (j’espère qu’elles n’ont pas touché une subvention du ministère de l’Égalité).

C’est (relativement) grave car ça alimente le ressentiment, au sujet duquel Cynthia Fleury a écrit une essai dont m’a beaucoup parlé ma mère, qui mine notamment les relations hommes-femmes, et justifie qu’on puisse lire le lendemain dans une tribune en réponse au Président Macron qui avait dit ce qu’il pensait du point médian (Tenez-vous bien ! Cela a été corédigé par une professeure émérite de littérature française et signé par 130 femmes dont une ex ministre et des universitaires de renom) :

Mais la montagne a accouché d’une souris, et la domination masculine n’a pas été écornée. Or, c’est elle le problème. L’argent volé aux femmes avec des salaires inférieurs, le quasi-monopole qui leur est laissé dans les soins aux personnes fragiles et les travaux domestiques, les coups qui leur sont infligés, les viols, les féminicides… sont le fait d’un système qui profite aux hommes.

Tribune dans Le Monde du 7/11/23

 

 

"We love arabs" d'Hillel Kogan Avignon photo Gadi DAGON
"We love arabs" d'Hillel Kogan Avignon photo Gadi DAGON

 

Post-scriptum : L’argumentum ad hominem, normalement j’évite, mais le vacarme des Glorieuses m’a incité à fouiller le web, où j’ai très rapidement trouvé un sujet fort à propos d’Arrêt sur Images sur la créatrice de la lettre d’information, « girlboss » du business du néo-féminisme :

Avec ses newsletters féministes "Les Glorieuses", Rebecca Amsellem ne fait pas de différence entre journalisme et communication, prône le "post-capitalisme" en étant financée par des mécènes du CAC 40, se bat en public pour l'égalité salariale femmes-hommes mais semble avoir épuisé de jeunes femmes sous-payées

Arrêt sur Image déc. 2021

 

 

 

Zenobia “Desert Hafla", Haïfa 2020

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