Publié le 24 Février 2021

Des Gaulois réfractaires, tu parles Charles…

J’ai déjà écrit sur ce blog tout le mal que je pensais de notre régime politique présidentiel consistant à confier à un seul homme notre destinée, aussi « génial » soit-il. Je ne peux m’empêcher de voir un signe d’immaturité démocratique que de continuer en 2021 à avoir besoin d’un "papa" pour nous guider dans la vie. Avec l’état d’urgence sanitaire, ce pouvoir est devenu absolu, puisque, contre toute attente, nous lui devons pour l’heure d’échapper au 3e reconfinement national pourtant jugé inéluctable par le gouvernement, l’administration, l’immense majorité des politiques, les journalistes et tous les *logues et *logistes habituels à qui ces derniers donnent la parole,... et par là d’être autorisé à partir respirer en montagne durant les vacances scolaires. Merci Macron ! Merci Patron ! (Ma mère était tellement heureuse qu’elle a écrit à notre président pour le féliciter et à l’enjoindre de tenir bon ; sacrée Mum!)

Sans surprise, la France des restrictions sanitaires se retrouve sur le rapport annuel de The Economist dans la catégorie des «démocraties défaillantes».

Parce que l’heure ne serait vraiment pas au relâchement avec ce variant anglais à qui l’on devrait désormais 34 à 54 % des nouvelles "contaminations » en région parisienne (on note au passage la vanité d’avoir pensé un moment le « contenir » par la fermeture de nos frontières avec le Royaume-Uni jusqu’à nouvel ordre depuis le 8 janvier), on continue à devoir survivre sous régime de couvre-feu à 18 heures, qui nous vaut toujours cette cohue indescriptible dans les magasins d’alimentation dans l’heure le précédent, alors que cette mesure semble non seulement inefficace mais pourrait même être carrément contreproductive.

Face à la forte circulation de la Covid dans quelques départements et des hôpitaux proches de la saturation, en premier lieu dans les Alpes Maritimes, pour la première fois en France, un confinement local pour les deux prochains week-ends vient d’y être instauré. Quelle qu’en soit l’efficacité, c’est déjà mieux qu’un confinement national, même si on tremble à l’idée que la région parisienne se voit elle aussi imposer ce nouveau tour de vis (avec l’allongement des jours et la douceur actuelle des soirées, il va falloir mobiliser l’armée pour le faire respecter, si j’en juge la foule qu’il y avait hier soir le long du canal à 18 heures).

 

Couvre-feu 18 heures - Paris rue Montorgueil vendredi 19 février 2020 à 20 heures
Couvre-feu 18 heures - Paris rue Montorgueil vendredi 19 février 2020 à 20 heures

 

Une tribune plaidant pour une réouverture immédiate des musées pour améliorer la santé mentale des Français publiée dans Le Monde du 31 janvier, suivie deux jours plus tard d’une pétition lancée par Palais de Tokyo pour obtenir de Roselyne Bachelot la réouverture des centres d'art, des musées et des FRAC, n’ont toujours pas obtenu gain de cause, quoique leurs arguments soient irréfutables : "Pourquoi maintenir les musées fermés si l'on n'y mange pas, n'y boit pas, n'y fume pas, n'y touche rien, si l'on n'y parle peu et si l'on s'y croise à peine ?" Entre parenthèses, en supprimant le droit de grignoter à sa place, pour les mêmes raisons, mais aussi parce qu’on s’y trouve dans une situation analogue à celle de voyager en train, on ne comprend toujours pas ce qui empêche le gouvernement d’autoriser la réouverture des cinémas.

Sans attendre d’obtenir l’autorisation, le maire RN de Pau a alors fait rouvrir les 4 musées de la ville pour une semaine, le temps de voir annuler sa décision par le tribunal administratif de Montpellier saisi par la préfecture du département.

A défaut d’être sur le podium du développement d’un vaccin anti-covid, on aura donc la médaille du couvre-feu rétromaniaque, le plus drastique, celui de l’Occupation allemande. Aux Pays-Bas, un tout petit couvre-feu de 21 h et 4 h 30 assorti d’une amende de 95 euros (chez nous, c’est 135) a mis durant trois jours des néerlandais dans les rues des villes où les manifestations aux cris de « « Stop De Lockdown» ont dégénéré dans des violences inédites. Un peu plus de trois semaines après son instauration, un tribunal de La Haye a statué mardi 16 février que l’exécutif devait le lever immédiatement, estimant que le gouvernement avait abusé des pouvoirs d’urgence disponibles et que le couvre-feu était « une violation profonde du droit à la liberté de mouvement et à la vie privée ». Le gouvernement a aussitôt fait appel et la cour d’appel a suspendu le jugement initial et maintenu le couvre-feu dans l’attente de son verdict, qu’elle a finalement repoussé au vendredi 26 février.

 

https://www.youtube.com/watch?v=JdK2UzmJUiY
"stop de lockdown" Pays Bas janvier 2021

 

Dans ce pays, comme dans d’autres, une partie de la population manifeste son attachement farouche aux libertés publiques et individuelles. Chez nous, nib ou presque. Une « grosse » manif  contre la loi de sécurité globale bien relayée par les journalistes, quelques petites répliques, et l’émergence sur les réseaux sociaux de hashtags tels que #DésobéissanceCivile ou #Jenemereconfinerai pas, mais rien de plus.

Étonnamment, le pourcentage de Français prêts à accepter les mesures restrictives en vigueur et même un nouveau reconfinement, non seulement ne baisserait pas mais s’établirait de nouveau selon le baromètre de l’IFOP du 17 février à  72% (au point près, le taux était identique en septembre), alors qu’à la mi-janvier ils n’étaient que « 52% à souhaiter que soit appliquée l’extension du couvre-feu et 43% un confinement « dur » ». Comprenne qui pourra !

Toujours selon ce dernier sondage, bien que « l’inquiétude vis-à-vis de la situation économique supplante l’inquiétude sanitaire », 52% de l’échantillon « pensent qu’il vaut encore mieux être très prudent sur le plan sanitaire pour protéger la santé de tous ». Parmi d’autres études scientifiques, l’étude, signée par de grands épidémiologistes de Stanford, publiée le 5 janvier dernier dans le European Journal of Clinical Investigation, concluant que le confinement n’est pas d’une plus grande utilité que les gestes barrières, n’y change rien, mais est-ce vraiment parce qu’elle a été abondamment critiquée dans des médias de référence ? (par exemple par Lonni Besançon, chercheur en visualisation de données à l'Université de Monash à Melbourne en Australie sur France Culture  ou sur le site suisse Heidi.news).

 

Berlin manifestation anti-masques 1er août 2020
Berlin manifestation anti-masques 1er août 2020

Dire du mal de celui qui nous a évité un “3e reconfinement” ne m’inspirait pas vraiment (je dois être atteint du syndrome de Stockholm), alors j’ai détourné ce “Republigram”, générateur de posts “à la Macron”

 

J’en rêve tous les jours, mais même dans cette belle station à 1800 mètres d’altitude baignée de soleil, nous avons croisé très peu de personnes tombant le masque en plein air (mais peut-être est-ce seulement la peur du gendarme qui veille ici sans relâche au respect de l’ordre sanitaire ?). Je signale pour ceux qui s’agaceraient de mon opiniâtreté sur ce sujet et qui ne lisent que les titres des articles sur le web, que les Pays-Bas, le pays le plus densément peuplé d’Europe (je précise pour réfuter l’argument déjà lu selon lequel la plus faible densité de population en Suède la rend non comparable à la France) n’a pas rendu le port du masque obligatoire partout depuis le 1er décembre, comme le laisse sous-entendre le titre par exemple cet article de Challenges mais seulement « le port obligatoire d’un masque (non médical) dans les espaces publics intérieurs comme les magasins, les parkings et les gares pour toute personne âgée de 13 ans et plus », ce qui n’est pas du tout la même chose que ce que nous subissons par exemple à Paris et sa Petite Couronne depuis le mois d’août. Pourtant, le nombre de morts par million d’habitants y est de 871 contre 1228 pour la France.

 

"Rêve général" Paris rue Ordener août 2018
"Rêve général" Paris rue Ordener août 2018

 

La propagande de peur subie depuis maintenant une année a été tellement efficace que cette peur ne paraît pas pouvoir se transformer en colère pour la majorité de la population, qui, selon le mot de Jérôme Fourquet, se trouve plutôt dans une attitude d’« acceptation résignée » des privations de libertés, incapables du moindre esprit critique et d’imaginer possible une « gestion » du risque Covid-19 différente de celle que nous subissons, quand bien même, selon le démographe Hervé Le Bras, « la crainte engendrée par le Covid-19 semble en relation inverse de sa létalité».

Oubliés les mouvements interminables des Gilets Jaunes, contre la loi travail et la réforme des retraites ! à l’épreuve de l’épidémie de la Covid, la discipline et l’obéissance des Français ne laissent de me surprendre.

Comme l’a si bien écrit Élisabeth Lévy à propos de l’obligation de port du masque, j’ai l’impression qu’il y a déjà un siècle, « Des Gaulois réfractaires, tu parles Charles – qui d’ailleurs parlait de « veaux » », même s’il semblait plutôt faire référence au fait que les français beuglent, ce qui n’est plus du tout le cas.

Même les groupuscules contestataires d’extrême gauche incluant l’ultra gauche (anarchistes, black blocs...) d’extrême droite ultra droite comprise, ultra-jaunes, antispécistes, écologiques et islamistes se terrent derrière leur écran qu’ils savent surveillés par les Renseignements Territoriaux (lu dans la Poudrière de Décugis, Guéna et Leplongeon que m’a passé Justine, la nièce de Gabriel).

Si l’extrême droite vomit sur le Web les mesures d’exception sanitaire, sauf erreur, seuls les Patriotes de Florian Philippot organisent tous les samedis de très confidentielles « manifestations anti-coronafolie ». Rien de tel à l’extrême gauche empêchée d’infiltrer les manifestations devenues aussi rares que squelettiques, pour saccager les « symboles du capitalisme financiarisé», et que j’imagine, désœuvrée, attendre, en sirotant des canettes de bière, l’écroulement du système sous le coup de grâce de la pandémie.

Parce qu’un ami de Maxime qui se disait anarchiste me l’a recommandée pour la première fois j’ai payé sur Arte.tv pour visionner cette "histoire de l'anarchisme" en deux volets de Tancrède Ramonet, fils d'Ignacio et membre du groupe Achab (1er volet visible gratos sur le compte de ce dernier)

Quoi qu’il en soit, pour Geoffroy de Lagasnerie, la manifestation ou la grève sont des formes d’expression et très rarement des moyens efficaces de lutte. Dans son dernier livre « Sortir de notre impuissance politique », il prône d’autres pistes : « l’adresse à la jeunesse, l’infiltration systématique, l’action directe, la guérilla juridique »… Le « philosophe et sociologue », en tournée de promotion de son bouquin sur France Inter, m’a fait lâcher à deux reprises ma tartine un matin de septembre, en assénant dans son flot ébouriffant de paroles : « Vous savez, le respect de la loi n'est pas une catégorie pertinente pour moi, ce qui compte c'est la justice et la pureté, ce n'est pas la loi » suivi de  «j’assume totalement le fait qu’il faille reproduire un certain nombre de censures dans l’espace public, pour rétablir un espace où les opinions justes prennent le pouvoir sur les opinions injustes ». J’ai eu envie de jeter un coup d’œil au compte Twitter de ce dangereux esprit, histoire de voir s’il y était question de la « démocratie défaillante » qu’est devenue la France. Dans le peu que j’ai parcouru, parsemant les (re)tweets de promotion de son œuvre et de celle de ses amis Eribon et Louis, ça "gazouille", en vrac, à propos d' Adama Traoré et des « violences policières », des migrants et des étudiants paupérisés, de l'antienne "sociologie excuses contre explications" et d'action directe, autrement dit des éléments du fond de commerce habituel de "la gauche" réputée "radicale". Ah si, un truc intéressant : un lien vers son Instagram nous apprend que le 17 février, il était à Athènes où il a pris un selfie sur le mont Lycabette avec Edouard masqué.

 

A Rangoun, des manifestants défilent contre le coup d'Etat militaire  le 19 février 2021 stringer-REUTERS
A Rangoun, des manifestants défilent contre le coup d'Etat militaire le 19 février 2021 stringer-REUTERS

 

Quoi d’autre de neuf depuis la dernière fois ? Deux bonnes nouvelles a priori : les contaminations à la Covid-19 divisées par deux dans le monde et une campagne de vaccination qui a trouvé en France sa vitesse de croisière. A cet égard, le gouvernement s’est félicité de l’adhésion à cette campagne par les personnes âgées qui vivent en Ehpad. Les personnels de santé sont désormais prioritaires car dans les hôpitaux les clusters se multiplient. Le vaccin AstraZeneca moins efficace mais davantage disponible devaient faciliter cela s’il ne mettait pas en vrac ceux qui le reçoivent avec des «syndromes grippaux de forte intensité». A part ça, il est aussi question de passeport vaccinal pour voyager à l'étranger et/ou d'accéder à certains lieux publics, de «QR Code» dans l'application TousAntiCovid pour filtrer les entrées dans les restaurants, et même d’un masque d’un nouveau genre pour pouvoir accéder aux salles de sport.

Une fois de plus Houellebecq a vu juste : « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire. »

"Ceci n’est pas un complot", documentaire de Bernard Crutzen (1h10) - Le propos vaut bien sûr pleinement pour les médias français...

Olympie 1987 Yves Paradis
Olympie 1987 Yves Paradis

 

Horse Meat Disco @ Ministry of Sound, London (Live DJ Set 2018)

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