Publié le 26 Juin 2023

Tout seul on va plus vite ; ensemble on va plus loin.

Proverbe africain

Ce qui distingue le peuple de la foule, c’est la représentation.

Emmanuel Macron

La bêtise est infiniment plus fascinante que l'intelligence, infiniment plus profonde. L'intelligence a des limites, la bêtise n'en a pas.

Claude Chabrol

 

Photo Alberto Korda "El Quijote de la Farola, Plaza de la Revolución, La Habana, Cuba", 1959, collection Leticia et Stanislas Poniatowski
Photo Alberto Korda "El Quijote de la Farola, Plaza de la Revolución, La Habana, Cuba", 1959, collection Leticia et Stanislas Poniatowski

 

La dernière fois qu’ils nous ont fait une visite, Max et Anna nous ont dit du bien de l’exposition « Foules » qui se tient à la Cité des Sciences jusqu’au 7 janvier 2024. Auparavant, Anna nous avait parlé d’un bouquin qu’elle lisait qui traitait de l’intelligence des foules. J’avais alors trouvé l’idée pour le moins contre-intuitive, pour ne pas dire saugrenue : les foules m’ont toujours foutu les jetons pour leur caractère tantôt incontrôlable, tantôt manipulable. Faisait-elle référence au « Fouloscopie, ce que la foule dit de nous » de Mehdi Moussaïd (2019) ou à La sagesse des foules de James Surowiecki (2004) ?

Pour lever toute ambiguïté sémantique, on restreindra le terme d’intelligence à la capacité de résoudre des problèmes, laquelle mobilise différentes intelligences. Pour ce qui est de la « foule » son sens premier est « multitude de personnes réunies en un même lieu », mais qu’il existe un sens second où la foule est entendue comme «le commun des hommes pris collectivement, la masse, la multitude », ce qui, nous amène au concept d’organisation, et sur le plan politique, à celui de « peuple ». Et sur ce dernier concept, je dois de nouveau l’avouer, ma conviction que la démocratie est le meilleur des systèmes politiques est bornée par la méfiance que m’inspire le « peuple ». Ainsi, la mise à distance des « passions » du peuple par la délégation de son pouvoir à ses représentants élus me convient parfaitement, bien que cette organisation politique batte de l’aile. Quant à l’omniprésence des technocrates, n’est-elle pas nécessaire dans le monde complexe qui est le nôtre ?

Pleinement conscient que mon idée de la démocratie est non seulement contradictoire mais aussi arrogante, j’ai eu envie de connaître des arguments en faveur d’une démocratie qui mobiliserait davantage l'intelligence collective du peuple.

 

https://ich.unesco.org/fr/RL/la-kumbh-mela-01258
Kumbh Mela à Allahabad

 

Pour ce qui concerne la foule, considérée dans son sens de « multitude de personnes réunies en un même lieu », me viennent à l’esprit deux catégories d’images, l’une de foules bien sages alignées pour la parade, celles des rassemblements des dictatures fasciste, nazie et communiste du XXe siècle (et plus récemment ceux photographiés en Corée du Nord par Andréas Gursky), l’autre de foules imprévisibles, d’émeutes, effrayantes, que ce soit ces têtes au bout de piques durant la révolution française, ces femmes venant d’être rasées, malmenées à la Libération en 1945, ou de nos jours ces rues saccagées et en flammes après le passage de la colère du « peuple ».

Ça ne m’a nullement empêché de participer tout de même à un certain nombre de manifestations relativement clairsemées, et à l’esprit bon enfant au regard de celles qu’on observe en France depuis une dizaine d’années (à quand remonte la dernière ? Une gay pride ?).

Même pour une réunion pacifique, au-delà de 6 personnes par mètre carré, selon Mehdi Moussaïd, une foule devient dangereuse et ses mouvements tuent. Les victimes du Hadj à la Mecque sont un cas d’école pour ce « foulologue ». Malgré des travaux pharaoniques pour essayer d’endiguer le problème, en 2015, plus de 2400 pèlerins y trouvèrent la mort. Je me souviens aussi du coup de stress de mon petit frère Pascal à l’occasion d’un de ses séjours initiatiques au Brésil, s’étant soudain senti prisonnier d’une foule en délire à l’occasion du Carnaval à Salvador da Bahia.

Si vous ne résistez pas à la tentation de vous mêler à une foule, Mehdi Moussaïd donne des conseils pratiques à suivre si la foule se densifie :

  • Si l’on se sent mal à l’aise et que l’on a la possibilité : quitter la foule

  • Si on ne peut pas, veiller à bien garder l’équilibre. Car si l’on tombe, on entraine par effet domino d’autres chutes et ça va être très difficile de se relever.  

  • Éviter les murs et les parois qui sont les endroits les plus dangereux car la pression y est la plus forte  

  • Si on est vraiment très serrés et que l’on peine à respirer, placer ses bras repliés sur sa poitrine en protection

 

10 conseils pour survivre pendant un mouvement de foule par Mehdi Moussaïd

 

La folie des foules

Si une foule s’éprouve physiquement, elle a aussi sa psyché, irréductible aux individus qui la composent. On n’évoquera pas ici la « démophobie » de Platon, de Spinoza ou de Nietzsche vs Marx (« les masses font l’histoire »), toutefois, s’agissant des foules, il est impossible de ne pas citer le précurseur de la psychologie sociale, Gustave le Bon (1841-1931).

Quand paraît, en 1895, « La Psychologie des foules », « contenir les “émotions populaires” est un sujet d’actualité. La population conteste le manque de mesures sociales des républicains, le boulangisme a momentanément attisé la colère populaire, l’agitation syndicale et anarchiste se répand dans les usines (l’assassinat du président Sadi Carnot en 1894 en témoigne)… De plus, l’extension récente des droits de réunion, d’expression et d’association rend difficile l’utilisation d’une violence aveugle par le pouvoir : on ne peut plus, comme à l’époque d’Adolphe Thiers, se contenter d’écraser dans le sang la “vile multitude”. »

L’ouvrage connaît alors un immense succès parce qu’il résonnait avec les inquiétudes de l’époque : Tous les journaux se font l’écho de sa parution et semblent adhérer à son conservatisme, et à son aversion spontanée pour la multitude. Gustave Le Bon y décrit la foule comme « jouet de circonstances, éphémère, inconstante, vouée à disparaître, irrationnelle, voire animale. » Noyé dans la foule, l’individu perd le bénéfice de la civilisation, en devenant irresponsable, incapable de pensée et influençable. Pour s’autodiscipliner, la foule a besoin d’un meneur, et c’est ainsi qu’on apprendra que Mussolini avait fait de « la psychologie de la foule » son livre de chevet.

Si Gustave Le Bon a écrit pas mal de grosses bêtises (l’infériorité de l’intelligence des femmes et des peuples africains étaient alors pour lui incontestables), Mehdi Moussaïd lui reconnaît d’avoir été précurseur au moins sur trois points :

  • une foule “possède des caractères nouveaux fort différents de ceux des individus qui la compose“. En d’autres termes, une foule n’est pas seulement l’addition d’un grand nombre d’individus, elle aura quelque chose en plus, une âme collective. Aujourd’hui, on appelle cela l’émergence. Une foule a tendance à amplifier les sentiments des gens, cet effet loupe aboutit à ce qu’une foule d'individus euphoriques créera une forme d'euphorie collective plus ou moins exagérée et, au contraire, une foule de personnes en colère pourra devenir violente et agressive. 

  • Dans une foule les individus se sentent moins responsable de leurs actes que lorsqu’ils sont seuls (thème de la dilution de responsabilité),

  • et les comportements peuvent s’y propager de proche en proche comme des virus (contagion sociale).

 

"Le génie des alpages" F'mur - couverture
"Le génie des alpages" F'mur - couverture

 

«Ce qui distingue le peuple de la foule, c’est la représentation»

Pour Gustave Le Bon, la foule est une “horde”, qu’il oppose au peuple, qui lui, procède par délibération rationnelle, grâce aux élections.

Plus d’un siècle plus tard, on semble toujours en être à peu près au même point. En effet, pour justifier la légitimité des décisions de son gouvernement confronté aux mouvements sociaux des Gilets Jaunes, puis en opposition à une réforme des retraites, le président de la République, Emmanuel Macron, n’a-t-il pas rappelé à plusieurs reprises qu’en démocratie « ce qui distingue le peuple de la foule, c’est la représentation» ?

Il n’en demeure pas moins que, s’il a pour l’heure tenu bon face à la rue pour sa réforme des retraites, auparavant pour désamorcer la crise des Gilets Jaunes qui devenait incontrôlable, il avait dû reculer, répondre à la revendication de démocratie directe en lançant un grand débat national et lâcher au total 17 milliards. Comme m’avait dit avec un petit sourire une amie de Maxime et Anna, qui me m'avait paru alors sympathisante anarchiste : « on dira ce qu’on voudra mais la violence et l’émeute, semblent aujourd’hui le seul moyen d’obtenir gain de cause. » Force est de lui accorder que toutes les révolutions ont été déclenchés par des foules ; pour la suite, c’est une autre histoire

 

Françoiz Breut - Dérives urbaines dans la ville cannibale - Album : Flux flou de la foule, 2021

 

De l’intelligence collective à l’intelligence du peuple souverain ?

Si l’on entend maintenant la foule au sens second : «le commun des hommes pris collectivement, la masse, la multitude », il peut advenir que l’on puisse être plus intelligent en groupe, et que la stupidité des foules puisse laisser place à sa « sagesse ».

Avant de mettre un peu mon nez dans ce sujet, si l’on me parlait d’intelligence collective, je ricanais : «  T’es-tu déjà trouvé aux abords de la station de métro La Chapelle en heure de pointe ? Chaque conducteur désireux de s’extraire de l’embouteillage habituel, y compris le conducteur de bus et le chauffeur de taxi, apporte sa contribution au congestionnement en avançant au feu rouge sans être sûr de pouvoir passer, bloquant ainsi la mobilité des véhicules d’en face. Foule stupide ! Non, les seules réalisations produites par de l’intelligence collective que je connais, ce sont Wikipédia et les logiciels libres»

Lorsque Pierre Lévy, titulaire de la chaire « Intelligence collective » à l’université d’Ottawa, dit que nos processus cognitifs sont collectivement, et ainsi culturellement, augmentés par les technologies numériques, en premier lieu du web, par la communication et la coopération universelle qu’elles autorisent, ce sont ces exemples qu’il cite. Depuis, il est permis d’être plus réservé, quand on sait que les neurosciences attestent que les écrans font de nous des « crétins », et la prégnance des fausses informations (fake news), qui circulent d’autant mieux sur les réseaux sociaux et certains médias, qu’elles sont simplistes et sensationnelles, voire stupides.

 

Simon Móricz-Sabján série sur "la Grande Plaine de Hongrie", vu au Robert Capa Contemporary Photography Center de Budapest
Simon Móricz-Sabján série sur "la Grande Plaine de Hongrie", vu au Robert Capa Contemporary Photography Center de Budapest

 

À part cela, trois expériences témoignant de l’existence d’une intelligence collective supérieure aux intelligences individuelles sont en général racontées.

À la fin du XIXe, le statisticien britannique Francis Galton partage l’avis de Gustave Le Bon que la foule est stupide, jusqu’à ce qu’il fasse une expérience dans une foire agricole où il a demandé à la foule d’estimer le poids d’un bœuf. Il collecta 788 estimations, aucune n’était juste, ce qui confortait son préjugé, mais il calcula la médiane des réponses qui s’établissait à 547 Kg, alors que le bœuf pesait 545 kg.

La 2e expérience est celle d’une partie d’échecs jouée en 1999 entre Gasparov et une foule de 50 000 joueurs amateurs. Le champion a gagné mais la partie a été assez équilibrée. 20 ans plus tard, Mehdi Moussaïd a renouvelé l’expérience contre des programmes informatiques toujours plus forts qu’un joueur, avec 4 niveaux différents, ainsi que contre la star française des échecs en ligne Kevin Bordi. Kevin Bordi a gagné mais avec une partie serrée. Pour le niveau 1 et 2, la foule a remporté 90 % des parties, et même pour le plus haut niveau, son taux de victoires a été de 60 %.

Dernière étude évoquée dans le documentaire : bien qu’on ne soit pas à proprement parler en présence d’une foule, 3 avis médicaux indépendants augmentent considérablement la précision d’un diagnostic médical. La belle affaire, en ces temps de pénurie de médecins ! Si la crise de notre système de santé n’est pas surmontée, l’intelligence artificielle en ce domaine offrira-t-elle un pis-aller acceptable ?

Reste que le passage de foule intelligente à celle de peuple intelligent ne va toujours pas de soi. D’abord ne serait-ce qu’en raison du fait que ces expériences s’appuient sur une « foule » d’individus « intelligents » dans le domaine considéré, que ce soit pour les logiciels libres et Wikipédia, ou les expériences de tournois d’échecs, ou encore des diagnostics médicaux. Ensuite parce que pour les tournois d’échecs, les meilleurs joueurs gagnent tout de même toujours face à la foule.

 

"Shortbus" de John Cameron Mitchell (2006)
"Shortbus" de John Cameron Mitchell (2006)

 

En revanche, pourvu qu’on étende le concept d’intelligence collective, cette dernière est une évidence s’agissant des organisations, en premier lieu les entreprises, et de manière générale, pour tout projet collectif, comme par exemple l’organisation des JO de Paris (il vaut aussi pour une équipe sportive). En effet, seule la mobilisation des intelligences collectives des entreprises, administrations et associations, leur coopération, avec une bonne circulation de l’information et un bon niveau de motivation, permettent la résolution d’une foultitude de problèmes et l’atteinte des objectifs. Il n’empêche que les obstacles à l’épanouissement de cette intelligence collective ne manquent pas, à commencer par toutes les motifs d’insatisfaction des Français au travail.

Qu’en est-il en politique ? Cette idée d’intelligence collective pouvant être supérieure à la somme des intelligence individuelles, permet-elle de penser autrement la manière de faire de la politique, alors que partout, il est question de « crise démocratique »  ?

Selon l’historien Michel Winock, la crise démocratique en France se manifeste avant tout par l’abstentionnisme record, l’impopularité des élus et dans la surpuissance d’un président de la République qui veut s’occuper de tout sans être responsable devant les députés.

La réforme des retraites voulue par le président et imposée au forceps, illustre de manière caricaturale cette surpuissance selon laquelle « l’intelligence » d’un seul, Emmanuel Macron, a eu la prééminence sur le « peuple souverain ».

 

"12 hommes en colère" Sydney Lumet 1957
"12 hommes en colère" Sydney Lumet 1957

 

Des remèdes à la crise démocratique ?

Rééquilibrer la répartition des pouvoirs

Contre cette crise démocratique, d’aucuns appellent à une réforme de nos institutions politiques, afin de produire la légitimité nécessaire au gouvernement de nos sociétés et d’assurer un meilleur équilibre des pouvoirs, seule garantie de l’État de droit et de l’exercice de la « souveraineté populaire ». Pour ce faire, il conviendrait de mieux répartir les pouvoirs entre le président, le Premier ministre et le Parlement. Pour Michel Winock, il suffirait d’abord de commencer par appliquer l’article 20 de la Constitution : "Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation", ensuite de revenir sur la synchronisation depuis 2002 du calendrier des élections présidentielle et législative et l’instauration du mandat quinquennal pour le président.

Toujours sur le plan institutionnel, afin d’améliorer la représentativité des députés, d’aucuns prônent d’introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives, à savoir que l'on attribue une part des sièges d'une assemblée en fonction du nombre de voix recueillies et pas seulement majoritairement au gagnant, système qui à tendance à favoriser les plus gros partis (c’était une condition de soutien du Modem à Emmanuel Macron, promesse non tenue par ce dernier).

 

15 mars 2023, à Nantes • LOIC VENANCE
15 mars 2023, à Nantes • LOIC VENANCE

 

Référendums et démocratie participative

La deuxième voie d’exercice de la souveraineté populaire est celle de la démocratie directe par la voie de référendum, mais aussi de la démocratie participative (ou délibérative) par d’autres procédés  « qui permettent d'associer les citoyens aux décisions publiques", au niveau local mais aussi national. Ainsi, depuis son accession à l’Élysée, Emmanuel Macron a fait organiser à la suite du mouvement des "gilets jaunes" le "grand débat national" et les conventions citoyennes sur le climat et sur la fin de vie.

Dans les deux cas, il s’agissait pour un collectif de citoyens tirés au sort de s’informer et de délibérer, avec un temps et des moyens suffisamment importants, sur des questions complexes. Contre toute attente, la montagne n’a pas accouché d’une souris, mais a été un dispositif d’intelligence collective. Ainsi, Loïc Blondiaux, professeur de science politique à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a été frappé par « le degré d’investissement des citoyens et la manière dont ils se sont appropriés des sujets incroyablement complexes», tout en essayant « en permanence de se situer du point de vue de l’intérêt général ».

Pour autant, selon lui, « l’expérience de la convention citoyenne pour le climat française a montré qu’il ne suffisait pas de les mettre en place pour qu’ils obligent les gouvernants et parviennent à traduire leurs propositions en actions. Il convient dès lors de réfléchir aux modalités précises de leur possible institutionnalisation : articulation entre le travail des parlementaires et celui des citoyens ; périodicité ; modalités d’organisation ; garanties de réponse de la part du pouvoir… »

En ce qui concerne le référendum, la constitution de 1958 l’a institué, et la dernière fois qu’un gouvernement y a eu recours, c’était en 2005 avec le référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l'Europe qui avait abouti à la victoire du "non", ce qui n’avait pas empêché la signature du traité de Lisbonne, en 2007.

Depuis 2008, a également été institué le référendum d'initiative partagée (RIP), mobilisé à deux reprises par l’opposition pour proposer l'abrogation de l’article de loi reculant l’âge légal de la retraite à 64 ans, mais rejeté chaque fois par le Conseil Constitutionnel, dont plusieurs spécialistes contestent l’impartialité, en particulier Lauréline Fontaine. Quoi qu’il en soit, selon Bertrand Mathieu, spécialiste de droit constitutionnel : "Le RIP ne peut quasiment pas fonctionner".

 

Elliott Erwitt Rio de Janeiro 1984
Elliott Erwitt Rio de Janeiro 1984

 

La dernière voie, conduit à l’idée de tirage au sort des représentants du peuple, à des doses variables. Déjà mis en œuvre dans les conventions citoyennes, le tirage au sort de citoyens pourrait être effectué pour une assemblée de citoyens remplaçant le Sénat. Sur ce dernier point, comme sur les autres, les oppositions sont tranchées.

Le tirage au sort suppose également l’intelligence du « peuple » et « l’égalité des intelligences ». C’est le postulat du philosophe Jacques Rancière, pour qui il faut prendre au mot le projet d’égalité de la démocratie en arrêtant « de prendre les gens pour des cons ».

 

Le postulat « d’égalité des intelligences » de Jacques Rancière

La pensée de Jacques Rancière ne porte pas sur l’intelligence collective mais sur la démocratie et son mode de fonctionnement. Radical, l’auteur de « La haine de la démocratie », prend au mot le projet d’égalité de la démocratie en postulant l’égalité des intelligences. Il revendique ainsi « le scandale premier de la démocratie » qui consiste à « assumer le pouvoir des égaux en tant qu’égaux, alors que l’idée du pouvoir c’est que, précisément, le pouvoir est l’exercice d’une inégalité. » L’affirmation du pouvoir des êtres humains sans qualité particulière, sans titre particulier à gouverner, ni la naissance, ni la richesse, ni même le savoir, le conduit à promouvoir le tirage au sort utilisé dans la Grèce antique qui évite « le pire des gouvernements, celui de ceux qui ont envie de gouverner ». (Entrevue de Jacques Rancière par Laura Raim dans "idées larges" sur arte.tv).

Le philosophe concède tout de même que la mise en œuvre de l’égalité en politique, du gouvernement par le peuple, requiert d’être inventée  et « n’est pas commode à inventer, alors que l’inégalité, il n’y a pas besoin de l’inventer. » Pour ma part, ma perplexité m'a rappelé cette phrase : « un jour j’irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien. »

 

"Deux heures moins le quart avant Jésus christ" réalisé par Jean Yanne (1982), extrait

 

P.S. Comme je ne manque jamais de déplorer les dysfonctionnements du « service public » français, je me dois de saluer ici la mise à disposition gratuite par toutes chaines et radios de service public des podcasts des émissions diffusées ainsi que souvent des résumés et sources.

 

Alain Souchon - Foule sentimentale (1993)

Folie des foules, intelligence du peuple ?

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