Publié le 26 Octobre 2009


 

 

Benjamin Biolay Los Angeles (2001)

 

 

Ça remonte à quand la dernière fois que je me suis marré au plumard ? Un seul nom me revient : Frédéric Chouraki. Pour son Ginsberg et moi, le libraire des mots à la bouche avaient rajouté à la main «Très drôle, très juif, très gay ». Rien de plus juste.

 

C’est un papier de Christophe Donner à propos de « Je suis très à cheval sur les principes » dans feu le Monde 2 qui m’a donné envie de lire David Sedaris. Gabriel m’a alors rappelé qu’on en avait déjà un qu’il avait acheté quand il travaillait à Bruxelles : « Je parler français ». Ma tocade pour cet auteur commença naturellement avec ce titre qui m’attendait sagement sur une étagère.


Les livres à la fois drôles et touchants ne courent pas les librairies, alors quand je tiens un auteur qui en est fait sa spécialité, je ne le lâche plus et je ne cesse de corner des pages. Avant même de terminer ce premier opus, j’ai cherché à acheter « Tout nu », (le titre me bottait, allez savoir pourquoi !?). « Epuisé » m’a dit le libraire, alors j’ai pris tout ce qu’il lui restait : "Habillés pour l'hiver" et "Je suis très à cheval sur les principes".

 


 

 

Natacha, ma professeur de piano, déchiffre à toute allure de vieilles partitions pour claviers qui font des kilomètres mais m’a avoué, hier très peu lire, pour ne pas dire ne rien lire. « Ma position privilégiée pour lire, c’est couchée, or, dés que je suis couchée avec des lignes à lire, elles s’embrouillent et je m’endors. [...] Que ce soit avec un roman ou Télérama, c’est la même chose ! Le pire, c’est que je m’endors pour peu de temps et après ma nuit est fichue. »

 

David Sedaris est le seul écrivain à avoir rempli le Carnegie Hall. Aux Etats-Unis, il semble qu’il soit assez courant que les écrivains lisent leur livre en public. Il ne s’agit pas de l’usuelle rencontre d’un auteur avec ses lecteurs. Non, juste d’une simple lecture, sans jeu particulier de la part de l’auteur lecteur. Personnellement, je ne paierai jamais un zloty pour entendre un long monologue, fût-il drôle.

Je trouve ça un peu bizarre que de se faire lire des histoires qu’on pourrait lire soi-même. Vous ne trouvez pas ça même carrément régressif ? « Comme t’as été gentil aujourd’hui, mon chéri, on va aller écouter ce soir quelqu’un raconter une histoire. »




 

Mais peut-être que les gens qui vont écouter lire des livres sont comme Natacha : ils ne parviennent tout simplement pas à en lire par eux-mêmes.

Il paraît que ça se développe en France. Est-ce comme d’habitude pour faire comme les Ricains ou une réponse marketing au déclin de la lecture de livres ?

« Anyway ! » C’est non seulement juteux pour l’auteur mais en plus ça permet à David Sedaris de tester le comique de ses récits auprès de son auditoire et de peaufiner ainsi le prochain tapuscrit qu’il rendra à son éditeur.

 

Pour la crème de nos lecteurs qui est bilingue, un extrait vidéo de son « Je parler français» (Me talk pretty one day) :

 

 

 

Pour ceux qui ne peuvent pas lire et qui ne regardent sur ce blog que les images, un document audio sur David Sedaris : Telerama.fr/ je-suis-a-cheval-sur-les-principes-de-david-sedaris (Les fanatiques de mon espèce pourront aussi l’écouter pour goûter le délicieux français de l’auteur).

 

Enfin, les autres pourront toujours avoir une idée du numéro avec ces trois extraits drastiquement sélectionnés (au cas où vous vous seriez perdus, vous vous trouvez sur un « blog gay »).

Si je m’étais écouté,  je  recopiais ici les trois bouquins, mais ça, c’était pas bon pour dire à David que j’aimais beaucoup ce qu’il faisait.

Chut ! David est américain © ®, et comme tout américain, son agent doit dégainer l’armada d’avocats plus vite que son ombre.

 




 

Actuellement au Nouveau Latina (Paris 4e)

 

Douze scènes de la vie d’un artiste

 

Scène 2 : [...] Contrairement à papa qui barbouillait à l’aveuglette ses toiles l’une après l’autre, j’avais des convictions bien arrêtées sur mon destin d’artiste. Assis devant mon chevalet, un béret de grand maître flamand chevillé à la tête comme un prépuce à son gland, je me projetais dans le monde imaginaire des livres d’art empruntés à la bibliothèque. Je ne cessais de tourner et de retourner les pages, béat d’admiration devant les tableaux et les photographies des peintres assis dans leur mansarde, la blouse dépenaillée et les sourcils froncés devant les corps nus de leurs modèles. Passer toutes mes journées en compagnie d’hommes nus – oh non, assez ! Je ne pouvais guère rêver mieux. « Dites, Jean-Claude, pourriez-vous vous tourner légèrement vers la gauche ? Là, c’est parfait. Il me faut absolument immortaliser le galbe provocant de votre paire de fesses. » [...]

 

Scène 3 : Après avoir mis une bonne distance entre ma famille et moi pour échapper à la comparaison inévitable avec Gretchen, j’étais allé de nouveau m’inscrire en arts plastiques, mais dans une fac connue pour son centre d’études vétérinaires. La veille de mon premier cours de dessin figuratif, je restai éveillé toute la nuit, terrorisé à l’idée de ne pouvoir contenir mon excitation devant la nudité des modèles. Vous vous rendez compte ! Le corps d’un futur vétérinaire ! Ces formes robustes, ces peaux bronzées et ces muscles saillants devant un parterre d’étudiants qui, à l’exception de votre humble serviteur, n’y auraient vu qu’une immonde masse de chair et d’os ! Non, d’ici à ce que le prof remarque mes yeux exorbités, ou me fasse des réflexions sur le filet de bave dégoulinant telle la ligne d’un pêcheur aux commissures de ma bouche... ! Quoique... si au moins je pouvais oublier mes mains tremblotantes et mes jambes flageolantes pour me concentrer uniquement sur les seules parties de son corps qui me passionnaient ! D’ailleurs, pourquoi serai-je obligé de représenter le tout, hein ?

Seulement, mes craintes, quoique fondées, s’avérèrent déplacées car le modèle, bien que découplé et viril était une femme. J’avais beau y mettre la meilleure volonté, ça ne passait pas et, du reste, j’étais trop occupé à copier sur mon voisin. [...]

Je parler français
 

 


Patrick, 1 an et demi (les joies de la famille)



Le poulet dans le poulailler

 

[...]  « Ça m’est égal que ce soit mon fils, mon député ou qui que vous voudrez, je n’approuve pas ce mode de vie. » L’auditrice qui parlait s’appelait Audrey. Elle avait appelé la radio pour donner son opinion. Le scandale de l’Eglise catholique avait fait la une des journaux pendant plus d’une semaine et, une fois épuisé le sujet du prêtre, la discussion porta sur la pédophilie en général puis sur la pédophilie homosexuelle, qui est communément considérée comme la pire de toutes. C’était, dans les débats radiophoniques un de ces sujets bateaux, comme l’évasion fiscale ou les génocides. « Que pensez-vous des hommes adultes qui pratiquent la sodomie sur des petits enfants ?

-          Eh bien, je suis contre ! »

C’était toujours dit comme s’il s’agissait de quelque chose de stupéfiant, d’une voix minoritaire que personne encore n’avait osé faire entendre. [...]

« Et maintenant, ils sont même à la télévision, dit Audrey. Et dans les écoles ! Parlons-en, du poulet dans le poulailler.

-          Renard, dit l’animateur.

-          Oh, ce sont les pires, dit Audrey. Les Simpsons, tout ça, - je ne regarde jamais cette chaîne.

-          Je voulais dire dans le poulailler, dit l’animateur. Je crois qu’on dit « le renard dans le poulailler, pas « le poulet dans le poulailler ».

Audrey se ressaisit.

« J’ai dit poulet ? Mais je me fais comprendre. Ces homosexuels ne peuvent pas se reproduire alors ils vont dans les écoles et ils essaient de recruter nos jeunes. »

Ce n’était rien que je n’avais déjà entendu, mais j’étais plus irritable que de coutume et debout au milieu de la chambre, un pied dans sa chaussette l’autre sans, je me surpris à hurler au radio-réveil :

« Personne ne m’a recruté, moi, Audrey ! Et je les ai suppliés ! » [...]

Habillés pour l'hiver




 

Brad Davis dans Querelle de RW Fassbinder
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Vieux fidèle

 

[...] La plupart des couples homos que je connaissais avaient une sorte d’arrangement. Le petit copain A avait le droit de coucher avec un autre, du moment qu’il ne le ramenait pas à la maison – ou au contraire, du moment qu’il le ramenait à la maison. Et le petit copain B était libre de faire pareil. C’était un bon accompagnement pour ceux qui appréciaient la variété et l’excitation de la chasse, mais pour moi, c’était juste effrayant, et bien trop d’effort – comme avoir un boulot tout en postulant pour un autre. Un petit ami, c’était déjà énorme, c’était le maximum, en fait et si moi je trouvais ça parfaitement naturel, mes amis eux, y voyaient une forme de répression et en étaient venus à me considérer comme une sorte de puritain. Je me demandais : En suis-je un ? Mais il y avait des boucles à polir et des pierres sur lesquelles s’agenouiller, aussi me suis-je sorti la question de l’esprit.

J’avais besoin d’un petit copain aussi conventionnel que je l’étais, et par chance j’en ai trouvé un – je l’ai simplement rencontré par le truchement d’un ami commun. J’avais trente-trois ans, et Hugh venait juste d’en avoir trente. Comme moi, il avait récemment rompu avec quelqu’un et s’était installé à New York pour repartir à zéro. Nous avions quelques trucs pratiques en commun, mais ce qui nous a vraiment rapprochés c’est la peur de l’abandon et de l’amour à plusieurs. C’était une base, et nous avons construit notre relation là-dessus, en y ajoutant notre peur du sida et des piercings aux tétons, des cérémonies de fiançailles et de la perte de sang-froid. [...]

 

Je suis très à cheval sur les principes

 

 

David Sedaris : "De jolies absurdités me tombent du ciel !"

Notesgaydethomas/ Festin de nus
Notesgaydethomas/ Mon Genet

Notesgaydethomas/ Gabriel, avant que j'oublie

 




 



 

Sharif Waked Chic Point : fashion for Israeli checkpoints (vidéo 7')

Actuellement à l’Institut du Monde Arabe dans le cadre de
Palestine : la création dans tous ses états

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #livres, #culture gay, #expos

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