Publié le 26 Mai 2008

Nan Goldin - Les frères Honda dans une tempête de cerisiers en fleurs, Tokyo, Japon,1994

55 Phaïdon


Plus je vieillis, plus la beauté de la nature m’exalte. Par-dessus tout, le printemps qui la couvre de fleurs m’enchante. Tant pis pour l’année de plus qui me signifie que l’automne de ma vie se rapproche, je savoure dans la joie le renouveau végétal et me sent, cette année, un petit peu japonais.

 


Hanami, qui signifie « voir les fleurs » (de cerisiers) est une tradition très populaire au Japon et un grand moment de convivialité. Les pétales de cerisier (Sakura) y sont un symbole important et prisé car ils symbolisent par leur fragilité la nature éphémère de l’existence humaine : Les pétales ne restent perchés sur les cerisiers que pour une très courte période, tout au plus une semaine ou deux. 


« Voir les fleurs » au coin de la rue à Paris ne va pas toujours de soi, mais, lorsque le soleil darde ses rayons, et que les corps jeunes se dénudent, il y vibre un érotisme printanier. Plus que jamais, la jeunesse s’embrasse, s’étreint, se cherche. Youssef, le formateur aux premiers secours, nous dit qu’il devient en cette saison plus facile de parler aux filles ; au sport, les garçons ont définitivement cessé de faire les timides et les interludes de cours se sont faits avec eux très bavards.

 


Ces rendez-vous annuels que les jeunes américains envoyés sur les fronts de la deuxième guerre mondiale ont dû pour nombre d’entre eux interrompre pour toujours. Des gamins fauchés comme des blés de printemps sur des plages asiatiques ou dans des forêts ardennaises.


Aussi formidable que soit The War, ce documentaire américain de 14 heures sur la deuxième guerre mondiale diffusé sur Arte, je n’ai pu le regarder dans son intégralité : je ne supportais plus de voir tous ces beaux gars se faire le plus souvent massacrer.

Ce film couvre largement la dernière phase de la guerre, notamment celle qui oppose dans le Pacifique, les « Marines » aux japonais qui préfèrent toujours la mort à la reddition (notamment dans son mode spectaculaire des Kamikazes) ; ça vaut sur le terrain comme au commandement suprême, qui même après Hiroshima, ne parvient pas à se résoudre à capituler, justifiant ainsi la deuxième bombe atomique sur Nagasaki, pour épargner une quantité estimée de « guys ».


Brrr ! Complètement fêlés ces Japs ! Presque autant que les Allemands leurs alliés « des forces de Axe », qui s’accrochaient aussi au terrain comme des moules sur un bouchot.

 



Si j’en juge les guides touristiques, il semble qu’ils aient encore aujourd’hui au moins deux points en commun : la nécessité de réserver partout longtemps à l’avance (la recommandation et le téléphone, c’est mieux mais ils ne parlent en général pas l’anglais) et la passion pour le « cash » (avec des distributeurs partout qui fonctionnent exceptionnellement pour les étrangers).

Mais qu’allons nous faire dans cette galère ? Trop tard, on a déjà acheté le billet.
 


 

 

« Tu vas voir, les japonais sont vraiment, alors vraiment, très bizarres », m’a dit Natacha[1], lorsque je lui ai annoncé qu’on allait cet été au Japon. Rapportant ce que lui avait raconté sa copine japonaise, elle m’a notamment dit le machisme de la société japonaise et de la condition faite aux femmes. « Le résultat, c’est que la jeune génération éduquée de femmes qui s’est frottée à la culture occidentale, ne veut souvent surtout pas épouser un japonais, encore moins lui faire un enfant, elle veut continuer à s’assumer en travaillant, voire en épousant un occidental. » Elle a également évoqué le fantasme du mâle japonais pour la collégienne (« des trucs parfois bizarres limite pédophiles») et le phénomène de la prostitution plus ou moins occasionnelle au sein d’une partie de la jeunesse.

 

 

HOKUSAI, l'affolé de son art au Musée Guimet (Paris)



Comme, il est peu probable que nous puissions approfondir cette question là-bas avec des japonais, j’ai lu un petit livre qu’a acheté Gabriel :

Comprendre le Japon de Martin Beaulieu chez Ulysse


Sur la question de « la sexualité et des normes sociales », l’auteur écrit :

 


Contrairement à l’image prude que projette à première vue la société japonaise, la dimension sexuelle occupe une place importante dans la culture populaire du pays. Les différences notoires qui peuvent être cause de choc résident notamment dans l’expression et la diffusion d’une image hautement sexualisée de la jeunesse et par une attitude ambivalente entourant la notion du consentement et de la responsabilité sexuelle. [...]


Les jeunes adolescentes deviennent de véritables modèles de beauté et de féminité par leur innocence et leur candeur, que certaines femmes plus âgées tentent souvent d’imiter avec plus ou moins de succès, agissant parfois de façon enfantine ou adoptant des modes vestimentaires, des comportements ou des expressions typiques de la jeunesse.


Pour ces raisons, ne vous étonnez pas des différentes manifestations de la sexualité au quotidien. La littérature et les bandes dessinées érotiques (qui présentent souvent des scènes très graphiques de viols ou de relations sexuelles moralement ambiguës) abondent. Il semble parfaitement normal de les lire dans les métros ou dans les trains à l’heure de pointe ou de les retrouver en vente dans tous les kiosques à journaux et les librairies. Une situation qui peut paraître très paradoxale dans un pays à la mentalité parfois très conservatrice où même les démonstrations affectives en public sont généralement regardées d’un mauvais œil.


Le phénomène se propage également à la télévision et dans les médias de masse qui contribuent à leur façon à véhiculer cette image séduisante et sensuelle de la jeunesse. Que ce soit à travers les groupes musicaux, les nouvelles chanteuses populaires, les mannequins, ou par le biais des relations controversées entre des adultes et des adolescents dans des séries dramatiques populaires, les frontières entre ce qui peut paraître acceptable et inacceptable selon une perception occidentale demeurent très minces.

 

 



Je me suis alors souvenu d’un article paru dans le supplément Next de Libération que j’avais mis de côté et dans lequel était reproduits des extraits de l’essai d’un philosophe japonais de 36 ans,  Hiroki AZUMA.

Dans son Génération Otaku , l’auteur se penche sur le phénomène d’une sous-culture, qui tend à se diffuser dans le reste du monde, celle des japonais accros aux mangas, aux dessins animés et aux jeux vidéos : les Otakus,


D’après lui, ces produits et le mode de vie qu’ils favorisent, installent un mode de consommation où les désirs sont satisfaits immédiatement, sans requérir la rencontre avec l’autre. Citant le philosophe Alexandre Kojève, il qualifie cette situation « d’animalisation » au sens où l’homme y revient au stade de l’animal « dont le désir peut se satisfaire en l’absence de l’autre » au contraire de l’homme.


Concernant la sexualité des Otakus, j’ai crû comprendre que l’Otaku baisait pas ou peu et qu’il jouissait essentiellement en se paluchant et en fantasmant à l’aide de ce matériau de mangas, animes Hentai (pervers), notamment de type Lolicon.

 

 

Akihabara (Tokyo)


De même que le besoin animal et le désir humain diffèrent, le besoin génital et la sexualité individuelle diffèrent. Une majorité des Otakus d’aujourd’hui qui consomment des bandes dessinées pour adultes ou des « jeux avec des filles » séparent à ne pas douter les deux choses et sont habitués tout simplement à fantasmer grâce à des images perverses. De plus, comme ils sont exposés à une multitude de représentations Otaku dès leur jeune âge, ils finissent par être conditionnés à être excités par des dessins de petites filles, des oreilles de chat ou des vêtements de soubrette. Mais ce genre d’excitation est essentiellement une réaction physiologique ou nerveuse, et n’importe qui peut la ressentir à partir du moment où il y a été habitué.
En revanche, pour assumer comme étant ses propres tendances sexuelles, la pédophilie, l’homosexualité ou le fétichisme, des conditions tout à fait différentes sont nécessaires. Dans la plupart des cas, la conscience des Otakus de leur propre sexualité n’atteint pas ce niveau. C’est pourquoi les Otakus, à l’instar du processus déjà observé pour la production de produits dérivés, manifestent à l’égard de la sexualité une étrange duplicité : tout en consommant de façon régulière des images perverses, ils se montrent étonnamment conservateurs dans la réalité.

 
Notons que l’auteur japonais place sur le même plan l’homosexualité, la pédophilie et le fétichisme, comme autant de pratiques perverses (ce qu’une immense majorité d’occidentaux ne manquera par de contester en poussant des cris d’orfraie, moi inclus), sans pour autant les condamner, à l’instar de la loi japonaise qui autoriserait ce genre de créations de l’esprit et leur diffusion tant que le processus créatif n’impliquerait pas de vrais modèles. Une fois de plus, comme disait Pascal en citant Montaigne : Vérité au deça des Pyrénées, erreur au delà.

 

 

Rue Louis Blanc (Paris 10e)


Mais alors, les Otakus comptent-ils dans leur rang davantage de « pervers sexuels » agressant fillettes et préadolescentes ? Ce ne serait pas le cas et ce serait même un sujet d’étude :


Le psychiatre Tamaki Saitô a soulevé la question de savoir pourquoi, alors que les images produites par la culture Otaku sont souvent remplies de références sexuelles perverses, on comptait relativement peu de pervers sexuels chez les Otakus.


Et qu’en est-il donc de la place de l’homosexualité (vécue et non fantasmée) dans l’archipel quand même un philosophe pétrie de pensée occidentale, l’inscrit au nombre des perversions ? Qu’en dit notre bréviaire sur les japonais ?


Occupant une place importante dans la tradition littéraire et culturelle japonaise[2], l’homosexualité au sein du Japon moderne demeure tout de même un sujet tabou autant au plan personnel qu’au plan politique. [...] Les japonais se montrent généralement très tolérants, même ouverts, à l’homosexualité, bien qu’ils préfèrent de loin, tout comme les relations hétérosexuelles d’ailleurs, que le tout se déroule loin de la vie publique et sociale.


Dans Japon, le Japon vu par 17 auteurs (Casterman), Fabrice Neaud se demande où sont les gays dans ce pays car il n’a pu que constater « le manège totalitaire de l’hétérosexualité ».


Bien sûr on me certifie que les gays existent. Comment se pourrait-il qu’ils n’existent pas ? Sauf que personne ne peut me fournir la moindre information. La bien-pensance mondialisée est telle qu’elle ne peut croire à l’exercice d’une discrimination, même sous ses yeux.... Et si homosexualité il y a, elle est clandestine. Et si elle est clandestine, c’est qu’elle n’est pas autorisée.

 
 


Akito, le copain de Sabine, nous a parlé d’un quartier gay à Tokyo. Mais peu importe, à bas l’hyperconsommation ! Vive l’expérience esthétique ! Dans les Onsen, la séparation des sexes et la nudité sont de rigueur. Il faut nous attendre à y être maté ostensiblement ; et bien, qu’à cela ne tienne, nous en ferons de même.

 


PS. « Voilà bien le paradoxe de notre modernité : jamais le sexe n’a été autant pénalement réprimé, dans un espace aussi érotisé. La France détient le record du nombre de détenus pour crime sexuel parmi les pays du Conseil de l’Europe. L’Allemagne en compte deux fois moins, l’Italie, six fois moins et le Danemark, cent dix-huit fois moins.

Y aurait-il plus de pervers en France ?

Sans doute pas. C’est surtout le signe de la démagogie pénale actuelle. » 
 

Entretien avec Marcela Iacub pour Télérama, à l’occasion de la sortie de son livre :

  Par le trou de la serrure - Une histoire de la pudeur publique, 19e-20e siècle

 

Some like it hot (Billy Wilder)


Sciences humaines.com/ les âges de la vie bouleversés - mai 2008

Premiere.fr/ Petites fièvres des 20 ans et autres films de R. Hashiguchi

Arte.tv/ Mini glossaire de la culture manga

Le Point.fr/ Le phénomène Otaku touche à leur tour les japonaises

Histoire de la perversion. La part obscure de nous-mêmes d'Elisabeth Roudinesco

Arte.tv/ entrevue avec Fabrice Neaud sur les mangas à l'occasion de la sortie de Japon

http://www.utopia-asia.com/tipsjapn.htm

 

Notesgaydethomas.over-blog.com/ La 2de guerre mondiale dans le Pacifique : des soldats se mettent à l'aise

Notesgaydethomas.over-blog.com/ images pornographiques : effet mimesis ou catharsis ?

Notesgaydethomas.over-blog.com/ les pensées d'un enfant entre l'école, la ZUP et le judo

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #les années, #sex, #touriste, #libertés, #livres, #ciné-séries

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