Publié le 18 Novembre 2011

 

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Florence 1570 - Jeune homme - Anonyme (Musée des beaux-arts de Nantes)

 

 

 

 

Pour la visite de la Galleria Borghese, c’était râpé : complet jusqu’à samedi. Je suis à peine déçu, presque soulagé de cette impossibilité : l’amateur d’art se sent à Rome comme un enfant dans un magasin de bonbons que la profusion rend fou, et puis le soleil ne pointe-t-il pas son nez...

Paulo qui a passé avec son ex, une bonne partie de ses étés de jeunesse dans cette ville, s’y déplace avec l’aisance d’un romain. Il nous fait traverser maintenant les jardins pour rejoindre la Villa Médicis.

En attendant une visite guidée de l’Académie de France depuis ses jardins, on fait avec Eric Poitevin une courte promenade photographique qui finit devant une porte barrée d’une pancarte « Uscita » qui, si vous la franchissez, par une volée d’escaliers vous fait accéder à la terrasse de la cafétéria de l’établissement.

La douceur de cet automne nous fait délaisser les fauteuils cosy de ses belles salles patinées, pour un encas auprès de citronniers en pot, à quelques mètres d’une tablée de jeunes pensionnaires uniformément vêtus de bleu marine et de noir.

 

 

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Photo : Caroline Deruas 

 

 

Les fantômes de quelques uns de leurs prédécesseurs m’accompagneront durant cette visite.

Non ceux d’Ingres, de Debussy ou de Berlioz, ni même de Balthus (encore qu’il est difficile de ne pas en parler tant l’artiste nommé directeur par André Malraux semble avoir laissé une empreinte durable sur le lieu et son fonctionnement), non, plutôt l’esprit de quelques artistes sensibles.

 

Pour moi, la Villa Médicis à Rome, la colline du Pincio, les jardins de la villa Borghese, c’est avant tout le récit à peine romancé d’un garçon qui y a résidé deux ans sur le projet déclaré d’y écrire sa vie. Ainsi, son séjour achevé, Gallimard publiait l’Incognito signé Hervé Guibert, et des photos qu’il avait prises au Rollei 35 furent exposées et publiées (La rétrospective à la MEP permettait d’en admirer quelques unes).

  

Plus récemment, le film «Défense d’aimer » tourné dans la Villa par un autre pensionnaire, Rodolphe Marconi, était venu raviver ma fascination pour ce lieu rare où des artistes se voient offrir le luxe d’une résidence rémunérée dans le plus beau lieu d’une ville habitée par les muses.

 

 

 

 

Tandis que nous progressions dans le jardin, il me revint à l’esprit des photos prises par Ferrante Ferranti d’un groupe de sculptures dans le jardin qu’il avait édité pour un livre cosigné avec Dominique Fernandez. « Comme des corps pétrifiés de Pompéi (...) » « Ce sont les niobides » me dit Paul, qui me raconta l’épisode représenté.

 

Depuis, j’ai découvert sur le site de la Villa Médicis à Rome, qu’Hervé Guibert fut à la fois le prédécesseur de son ami Mathieu Lindon à la Villa et le successeur de Renaud Camus qui en tira son journal romain. A la relecture de l’Incognito, que je trouve aujourd’hui méchamment drôle, je joue au jeu de « Qui est qui ? », ce que je n’avais pu faire lors de ma première lecture en 1989, ne connaissant aucune des personnes évoquées.

Sans l’ombre d’un doute, "Quickly", c’est Renaud Camus, l’homme des Tricks, ces plans cul d’un soir ou d’une semaine, vite fait, plus ou moins bien fait.

 

 

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La gypsothèque de la Villa Médicis

 

Tout le monde à l’Académie lit en cachette le journal de voyage de Quickly. La bibliothécaire, Charlotte-Ange-Domitille me dit qu’il aurait quand même pu éviter au lecteur le détail de ses coucheries. Comme si les scènes de cul n’étaient pas ce qu’il y a de plus palpitant dans les livres. Il paraît que Parkinson serait flatté d’apparaître dans une œuvre littéraire. Moi, à sa place, je ferais un procès en diffamation. Tout ce qu’il a relaté serait strictement vrai, mais ça ne suffit pas pour traîner les gens dans la boue ! Quickly a laissé un souvenir impérissable : son élégance, hiver comme été, ses costumes blancs impeccables, même par les plus fortes chaleurs, sa politesse, sa silhouette qui traversait les jardins le soir pour aller chercher sa gamelle à la cuisine, c’est d’un usage suranné, mais on y a tous droit, à notre gamelle, un frichti prêt à réchauffer, un peu moins cher que le ticket-repas, et on n’a pas à supporter ses voisins, leurs efforts ou leurs trous paniqués de conversation. A Paris, Phil a tenu à me faire dîner avec Quickly, qui est un vieil ami à lui, il pensait que ça pourrait me rendre service, il nous a invités à La Rotonde, on a bien mangé. En raccompagnant Quickly à sa bicyclette, je lui ai demandé s’il souhaitait que je salue de sa part certains de ses copensionnaires qui sont restés après lui, il m’a dit : « Non, aucun. Par contre je serais très heureux que tu transmettes mes amitiés à la marchande de journaux de la via della Croce, elle ne sait pas comment je m’appelle, mais moustaches se dit baffi, un moustachu un baffone, tu n’auras qu’à lui dire que c’est de la part de Baffone. »

 

 

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Gaspard Ulliel dans le dernier jour de Rodolphe Marconi

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #Italie, #livres, #ciné-séries, #touriste

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