Publié le 1 Août 2016

Viviane Sassen	 La Lutte #2 Série Parasomnia  2011

Viviane Sassen La Lutte #2 Série Parasomnia 2011

« Toutes mes images sont à la fois semblables et différentes. Elles sont modifiées par la couleur ou la lumière, par l'instant ou l'humeur. La vie n'est-elle pas une série d'images qui changent en se répétant ? »

Andy Warhol

Noir Désir - "Le Vent Nous Portera" (2001)

Avertissement : Ce billet laissera perplexe le robot de référencement des moteurs de recherche, d'abord parce qu'il s'attend à y trouver du contenu « gay » alors qu'il est plutôt ici d'ordre « touristique », ensuite parce que j'y ai abusé de périphrases. Lecteur, seras-tu plus malin qu'un algorithme ? Ceux qui ont horreur des devinettes pourront toujours cliquer sur les liens.

Pour s'y rendre, un vol à bas coûts peut vous conduire jusqu'à la deuxième ville la plus peuplée de l'île au pied du volcan qui s'élève à plus de 3000 mètres. A en juger par la desserte de bus, la plupart des visiteurs font le choix de rallier directement le port d'embarquement vers les autres îles. Non sans raison, car si en hiver, le sommet du volcan se couvre de neige, la ville connaît en été les records de canicule de la région.

C'est dommage car cette ville au bord de la mer mérite d'être découverte, notamment pour son patrimoine architectural issu de la dizaine de destructions qu'elle a subie. En particulier, on doit au terrible tremblement de terre de 1693 les nombreux édifices de style baroque.

La façade de la cathédrale en fournit un bel exemple. L'église porte le nom d'une chrétienne dont l'obstination à vouloir conserver sa virginité en se refusant au proconsul romain qui voulait l'épouser, se paya de l'arrachage de sa poitrine avec une tenaille. Cette martyre est ainsi facile à reconnaître dans l'iconographie chrétienne : elle pose avec ses deux seins sur un plateau.

Deux bonnes adresses : celle de l'hôtel portant le nom du palais princier voisin, aux prix très raisonnables (moins de 60 euros), où l'on a particulièrement apprécié les petits-déjeuners inclus sur le toit terrasse, et celle du loueur qui nous a permis d'essayer le vélo électrique (20 euros les 6 heures), extra pour sillonner sans effort la ville pleine de côtes et de faux-plats, surtout en été.

Cette ville universitaire semble avoir une vie culturelle intense, pour ma part je me souviendrai surtout d'avoir croisé dans une exposition de folie une Mona Lisa transgenre.

Lorenzo Alessandri, Gioconda modella inquietante (détail), 1982, huile sur toile

Lorenzo Alessandri, Gioconda modella inquietante (détail), 1982, huile sur toile

On a dû renoncer à rallier le port d'embarquement vers les autres îles où aurait vécu le dieu des vents, par le train plutôt que par la route, car ici comme presque partout ailleurs désormais, les dessertes ferroviaires sont tellement rares et peu commodes, que la compagnie de bus le desservant directement de l'aéroport très proche du centre historique, l'a emporté sans hésitation. Sur le chemin, les amateurs d'antiquités et du Caravage pas trop pressés pourront rejoindre pour la visite le continent, après une courte traversée en bateau du détroit aux deux fameux courants marins.

Sans regret, on a laissé l'île la plus proche dont le volcan pue activement du bec, mais aussi la suivante, la plus grande de l'archipel, où Nanni Moretti n'avait pu trouver la sérénité dans la confusion touristique estivale qu'il y règne sans doute toujours, pour débarquer confiants sur sa cadette, la plus fertile, la plus verte.

Son nom évoque l'extraction ancienne du sel dans un bassin qui existe toujours, mais les grecs de l'Antiquité l'avaient appelée « les jumeaux » en référence aux cônes de deux volcans éteints qui s'y font face.

Sur le conseil de Paulo conquis par l'île où il est venu plusieurs fois, on s'est posé dans un hameau « lové au fond d’un vertigineux écrin semi-circulaire de pierre et de verdure, au-dessus d’eaux translucides", face aux deux îles les plus occidentales du groupe. L'alternance du jour et de la nuit se donne ici en spectacle sublime : après les rouges et jaunes du coucher de soleil, la lune montante dore la nuit d'argent. Dans l'obscurité, le silence se fait encore plus épais ; en tendant l'oreille, la légère brise vespérale apporte parfois des bribes de conversations étouffées sur les terrasses disséminées. Ajoutez à cela les parfums : celui des fleurs de jasmin bleues ou blanches et des lauriers roses des jardins, sur les sentiers, des plantes aromatiques du maquis ou les fragrances de sous-bois, et même l'odeur caractéristique des sulfates aux abords des plants de vigne du cépage local, la malvoisie.

Le goût des îles

Le hameau ne possède aucun commerce, seulement un petit snack-bar et un hôtel-restaurant portant le nom d'un film tourné ici en 1994. Des scooters (10 euros par jour pour un « motorino » de 50cc sans assurance) ou une voiture s'imposent par conséquent pour que le paradis ne tourne pas à la réclusion. Pour se loger, plutôt que l'hôtel assez dispendieux en saison, on a préféré une location dans une jolie maison. L'option n'est pas forcément meilleur marché l'été mais on peut se rattraper en se faisant à manger avec trois fois rien : comme toujours dans ce pays, même sur les îles, fruits et légumes d'été sont délicieux, tout comme les fromages et la charcuterie, des pâtes bien sûr, du riz, un tour chez le poissonnier, des anchois, des câpres cultivées et préparées localement, une bonne huile d'olive, du balsamique, des oignons, de l'ail et de citrons, le tout arrosé de vin du coin, et vous vous demandez comment vous avez pu passer autant de temps et d'argent dans des restaurants. On recommande tout de même ce restaurant familial à L. où l'on a bien déjeuné deux jours d'affilé pour 15 euros par personne.

Dans l'île en face du hameau, bien plus petite, plus sèche, on savourera des joies identiques. Une belle promenade de fin d'après-midi (car largement à l'ombre ) conduit à un village abandonné. Deux maisons fermées ont été complètement rénovées. Celle qui se trouve en haut du village, la plus grande, est aussi extraordinaire que son décor, et l'on se demanda prosaïquement comment avaient été apportés les matériaux de construction. « Par hélicoptère », nous dira Onofrio qui nous a fait faire le tour de l'île dans son beau bateau. « Un pilote arabe» en serait le commanditaire. Pour notre logeuse, elle appartient à une princesse afghane architecte.

"Smashed" Gandini Juggling - festival Paris Quartier d'été 2016

Après l'achat de nombreuses maisons par un riche italien, la tranquillité de l'île fut un temps troublé par les fêtes qu'il y organisait et dont l'apothéose fut un jour, l'arrivée du ciel de Britney Spears déposée sur un Yacht pour la conduire jusqu'à son hôte. Il s'en est fallu de peu pour que l'île ne connaisse le même sort que P. , mais depuis, elle aurait retrouvé sa sérénité avec des visiteurs plus discrets : hommes politiques, journalistes,…

Les pentes abruptes du volcan sont couvertes de terrasses souvent en ruines et pour la plupart abandonnées. On s'émerveille du travail pour (sur)vivre dans ces temps anciens, d'autant que d'eau, il n'y a guère que celle de pluie récupérée dans des citernes, notamment depuis les toits des maisons (de nos jours dans l'archipel, l'eau, pour l'essentiel, est apporté par tanker).

Tous les pays ont connu l'exode rural mais dans la région, les insulaires émigrèrent en masse et en plusieurs vagues surtout pour l’Australie et l’Amérique. Depuis lors, ce coin de Méditerranée est devenu la principale porte d’entrée vers l’Europe pour tous les désespérés qui rêvent d’une vie meilleure, loin de l’Afrique.

 

Aldo Fallai Nairobi  (1980)

Aldo Fallai Nairobi (1980)

Nous finirions ce séjour dans les îles en beauté, par un feu d'artifice naturel, au bord du cratère du volcan le plus actif d'Europe, dont les cinéphiles connaissent sans doute le film portant son nom et tourné au sortir de la deuxième guerre mondiale. Deux heures trente de montée avec de nombreuses courtes pauses, une heure de descente dans les cendres, et "même pas mal !" Notre groupe anglophone était constitué d'un ramassis de globalisés du genre iraniens vivant en Norvège ou couple anglo-néerlandais résidant en Espagne. Pour ce qui est du spectacle, « remboursez ! » Avec ses deux grondements (j'avoue que j'ai sursauté chaque fois), quelques étincelles et un vague rougeoiement en contrebas avant de partir, autant dire qu'on était un peu « disappointed ». Un couple d'italo-espagnol travaillant à Strasbourg d'un autre groupe nous ont appris que c'est comme ça depuis la forte activité de 2014. Sa morphologie a été modifiée et le volcan doit se recharger deux ou trois ans avant de pouvoir recracher de nouveau. Un vieux volcan quoi !

C'est sur cette île qu'on a trouvé le monde, l'hébergement n'y est donc pas bon marché l'été, réserver longtemps à l'avance est conseillé. A l'expérience, s'y rendre en début de séjour, pour éviter d'enchaîner deux bateaux, mais surtout parce que dans les îles, les transports dépendent de la météo et que l'on peut y rester coincés. C'est ce qui nous serait arrivé si l'on n'avait pas eu la chance de profiter d'un bateau privé pour quitter l'archipel.

De retour à Paris, je cherche à faire durer le plaisir chez le traiteur italien malgré ses prix extravagants. C'est mon jour de chance, mon préféré me sert, avec ce sourire de blond aux yeux azurs, la douceur de son français encore plein d'Italie et ce tatouage qui remonte à la base de son cou. Il part se marier au pays, en Sicile. Vaffanculo stronzo !

 

Tre Ragazzi, Mappatella beach, Naples 2000 - Photo Johnnie Shand Kydd

Tre Ragazzi, Mappatella beach, Naples 2000 - Photo Johnnie Shand Kydd

Les niçois ne sont pas envieux, pas jaloux, mais ils veulent plus de droits que de devoirs, leur incivisme est parfois pénible.

Lu dans le M le magazine du Monde, dans un article sur Nice après l'attentat du 14 juillet 2016. Les niçois seulement ?

Hector Medina dans le film Viva

Hector Medina dans le film Viva

VIVA de Paddy Breathnach

Gino Paoli - Sapore di Sale (1963)

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #touriste, #Italie

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