Publié le 23 Février 2007

 

 Photo : Jack Pierson

 

 

Valentin : Papa, faut que je te dise quelque chose !

Pierre-Emmanuel : Oui, quoi ?

Valentin : Papa, je crois que je suis homosexuel.

Pierre-Emmanuel : ... ???

Valentin : Mais nonnnn, je rigole.

 

(Valentin, bientôt 10 ans, neveu de Gabriel)

 

 

 

Formes brèves

 

Contraintes oulipiennes

 

Hervé Le Tellier, oulipien, joue depuis cinq ans à un drôle de jeu sur le site du Monde : écrire en deux lignes un commentaire sur l'actualité. « J’explore la mécanique du dérisoire. Cela me force à réfléchir : que pensé-je ? C’est un luxe, non, de se triturer la tête deux heures pour écrire deux fois rien ? »

 

 

 

 

Haïkus

 

Trois vers de 17 syllabes (5, 7 et 5 pieds) dans sa version occidentale, le haïku est paraît-il à la mode. Son objet : la capture d’un instant.

 

A Istanbul, cet hiver 2003, pour pallier ma frustration photographique, je propose à Gabriel, qui sait si bien écrire quand il en prend le temps, de nous amuser à élaborer ensemble quelques haïkus. On s’est rapidement affranchi du 5-7-5, mais l’esprit y était.

 

Consuls de France à Beyoglu

 

Dans ce café où claquent dominos et jetons de jacquet, Bouvard et Pécuchet se piquent d’écriture.

Naz Wooden house Inn

 

Dans cette chambre byzantine tout est d’origine, sauf le train qui vrombit soir et matin.

 

 

La complainte du millionnaire

 

Avec quelques euros, j’ai gagné des millions ;

Mais seulement deux cafés et j’ai claqué l’pognon.

 

Fast food à Beyoglu

 

Tout est si lent et si petit au Sofyali.

 

 

Beylerbeyi Sarayi

 

A l’ombre des grondements du pont de Bogaziçi, le palais et sa garde sont assoupis.

 

 

« Vanitas vanitatis » (Eyup)

 

Sous les stèles enturbannées, alignées comme des soldats ivres à la parade,

Gisent les serviteurs de l’empire ottoman.

 

Cimetière de Karaca Ahmet (üsküdar)

 

En taxi, à tombereaux ouverts, en route vers le cimetière ;

Ouf ! Miraculés. Mais que sommes nous venus y faire ?

Où vous cachez vous vieilles stèles poétiques ? Disparu le soleil couchant.

Dolmabaçe Sarayi

 

 

Cent vingt mètre carré : un rêve à Paris, ici un tapis.

 

Des vaches couvrent les peintures du vestibule : «nous accédons au Harem ».

 

Ferveur de « ramazan » à Suleymanyie camii

 

En pleine lumière, la ferveur des hommes,

Dans l’ombre, des fantômes noirs.

 

 

 

 

 

Incidents

Au Maroc naguère... (1969-1970)

 

Un garçon fin, presque doux, aux mains déjà un peu épaisses, a soudain, rapide comme un déclic, le geste qui dit le petit mec : faire sauter la cendre de cigarette d’un revers de l’ongle.

 

Abder – veut une serviette propre que, par crainte religieuse de la souillure, il faut poser là, à part, pour se purifier plus tard de l’amour.

 

Mustafa est amoureux de sa casquette : « Ma casquette, je l’aime. » Il ne veut pas la quitter pour faire l’amour.

 

Visite d’un garçon inconnu, envoyé par son copain : « Qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi viens-tu ? – C’est la nature ! (Autre, une autre fois : « C’est la tendresse ! »)

 

Driss A. ne sait pas que le foutre s’appelle du foutre ; il l’appelle de la merde : « Attention, la merde va sortir » : rien de plus traumatisant.

 

Un autre Slaoui (Mohammed Gymnastique) dit sèchement et exactement : éjaculer : « Attention, je vais éjaculer. »

 

« Je sens que je vais être amoureux de toi. C’est ennuyeux. Comment faire ?

- Donne moi ton adresse. »

 

J’aime le vocabulaire d’Amidou : rêver et éclater pour bander et jouir. Eclater est végétal, éclaboussant, dispersant, disséminant ; jouir est moral, narcissique, replet, fermé.

 

Ramadan : la lune apparaîtra bientôt. Il faut attendre encore une demi-heure pour faire l’amour : « je commence à rêver. – ça, c’est permis ? – Je ne sais pas. »

 

Deux adolescents nus ont traversé lentement l’oued, leurs vêtements en paquet sur la tête.

 

Textes posthumes Roland Barthes[1] - Œuvres complètes - Seuil

 

 

 

 

 

Médecines très douces (IV)

 

Moi au rapport : « Côté consommation, statu quo, 7-8 cigarettes par jour, donc 2 ou 3 en moins, c’est toujours ça de pris. Par ailleurs, sauf le jour de la séance, mercredi, je ne suis pas parvenu à repousser la première clope de la journée (mais je ne me suis pas fait violence). Par contre, je me sens bien, plus calme et je peux rester parfois sans cigarette plus longtemps : hier par exemple, j’ai poireauté deux heures chez un ophtalmo, en sortant je ne me suis pas précipité sur une clope, je suis rentré tranquillement à la maison et j’ai fini par m’en fumer une. » Il trouve que c’est une très bonne nouvelle et que c’est ce nouvel état qui me facilitera progressivement l’arrêt du tabac. 

 

 

Informé de mon souci de vue (finalement juste besoin d’aménager de manière ergonomique mon poste de travail sur ordinateur et de séances d’orthoptie), il me dit que cela a à voir avec le foie :

 

« On sort de l’hiver, le foie a hiberné et il se met à rejeter les toxines accumulées et cela peut avoir un effet sur les yeux. »

 

Alors que je lui dis que j’appréhende toujours les aiguilles qu’il me plante sur le buste davantage que sur les autres membres, il me dit :

 

« C’est normal, on a dû en prendre des coups là !  C’est la mémoire de tous les coups reçus à cet endroit au cours de chacune de nos réincarnations. Un genre de mémoire archaïque. »

 

Il me regarde longuement l’oreille droite, puis la langue et me dit :

 

-         C’est bien, vous êtes en bonne santé... Vous êtes bouillonnant, votre coeur est très sollicité (quelque chose approchant)... vous êtes plein de vitalité et comme vous ne la consommer pas tout,  vous faites en quelque sorte de l’auto combustion

 

-         c’est vrai que je suis dans l’ensemble cool, j’ai plutôt une vie cool.

 

Le voile sur les yeux, trois coups de gong (...)

 

Après m’avoir enlevé les aiguilles, lorsque je me suis relevé, il m’a dévisagé et dit :

 

-         C’est bien, vous vous êtes bien relaxé.

 

-         C’est vrai.

 

-         C’est important de le faire au moins une fois dans la journée.

 

-         Oh, je le fais, quand je n’ai pas de cours, je fais une courte sieste sur le canapé. J’en ai besoin et ça me permet de repartir à fond les manettes.

 

-         Tout le monde devrait le faire.

 

-         Je ne comprends pas que les capitalistes ne l’imposent pas à leurs employés, ils en retireraient des gains de productivité certains. Enfin, si, je sais que c’est pratiqué dans quelques boites High Tech de Californie.

 

-         C’est institué aussi dans certaines firmes en Inde

 

-         à Bangalore ?

 

-          oui dans leur Silicon Valley.

 

Tisane au ginseng et au réglisse (je ne sais plus quelles propriétés l’intéressaient pour moi, le foie sans doute mais aussi la rate dont il m’a parlé). Aux deux qui sont restées en place (dont une qui travaille sur le diaphragme), il rajoute dans les oreilles trois ( ?) aiguilles. « Plaquées or », me signale-t-il.  L’aspect « gros points noirs dans l’oreille » laisse la place à une constellation « bijoux » qui ravit ma coquetterie.

 

Pour éviter de trop consommer du chèque, je paye d’avance la séance de vendredi : 140 euros et note sur son carnet de RV, qu’il y a davantage de femmes. Il me le confirme en précisant qu’il en va de même dans ses cours (Qi Gong...). Mais que les hommes qui viennent sont très (plus) fidèles. S’ensuit une explication par la différence de nature entre l’homme et la femme : la flèche, le jet de sperme, l’initiation –donner à l’enfant une direction - par opposition au cercle, l’ovule, les relations et occupations multiples, le soin apporté à l’enfant et à la maisonnée.

 

 

 

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #homophobie, #écrire, #les années, #livres, #culture gay, #addiction, #forme brève

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