Publié le 26 Septembre 2006

PARENTHESE TEMPORELLE (OUBLIS) - 2/6/02

 

 

 

Y tu mamá también d’Alfonso Cuarón (Mexique)

 

 

Tenoch et Julio sont deux amis inséparables, débordent d’énergie irrévérencieuse, consomment de grandes quantités de substances plus ou moins licites, et sont obsédés par le sexe. Bref, ils ont 17 ans. L’an prochain, ils doivent choisir leur voie d’étude. C’est les vacances et leurs copines partent ensemble en Italie (Le film s’ouvre sur les derniers spasmes de Tenoch dans le ventre de son amie suivi de promesses de fidélité plutôt drôles). Tenoch est de « la Haute » (le premier ministre est au mariage d’un membre de sa famille), Julio (Gael Garcia Bernal, l’acteur principal d’Amours chiennes – Amores perros -) d’un milieu plus popu. Pas de projets précis pour cet été. Au mariage susmentionné, ils draguent la femme d’un oncle écrivain, d’au moins 10 ans leur aînée, et lui propose de l’emmener sur une plage de rêve dont ils improvisent le nom : la boca del cielo.

 

 

 

Luisa, c’est son nom, consulte à l’hôpital. Elle paraît triste. Son mari ivre l’appelle au téléphone et lui avoue qu’il est un salaud et qu’il l’a trompé. Elle pleure.


Les garçons branlent au club sportif possédé majoritairement par le père de Tenoch. En fait, ils le font au sens strict, chacun sur leur plongeoir en évoquant côte à côte leurs fantasmes : plan de sperme s’étiolant dans l’eau turquoise de la piscine dans laquelle ils font « post-coïtum » leur concours rituel d’apnée.


Luisa les prend au mot et les appelle pour savoir si c’est toujours OK pour l’invitation. Julio négocie avec sa sœur dans une manifestation sa voiture. Et les voilà partis tous les 3 vers un lieu que leur a conseillé dans l’urgence un copain pas très clair dans ses explications. On pense immédiatement à un « Jules et Jim », même si le trio nous entraîne dans un road-movie dont l’arrière plan évoque un Mexique en déliquescence (manifestations, armée omniprésente, …).

 

 

Durant les trajets, on parle sexe de manière très crue et complètement décomplexée. Luisa aura un rapport sexuel très bref avec Tanoch.  Julio en souffre et lâche à Tanoch qu’il a baisé sa meuf. Scène de jalousie du petit mâle mexicain et ça tourne vinaigre entre les 2 amis. Luisa remet ça avec Julio. C’est toujours aussi rapide. Très douloureux pour Tanoch qui lui avoue à son tour qu’il a baisé lui aussi sa copine : ils s’engueulent au point que Luisa les plantent.


Luisa récupérée, ils échouent finalement dans le sable du Pacifique, au bord d’une plage de rêve où ils passent du bon temps avec une famille de pêcheurs. Ils boivent comme des trous dans un lieu qui m’a rappelé Mazunte (prés de Puerto Angel) pour se retrouver presque inévitablement tous 3 au lit. Luisa s’occupe de leur deux sexes tandis que les deux garçons, après hésitation, s’embrassent avec fougue.


Le lendemain, Luisa est déjà levée lorsque les deux garçons se réveillent avec la gueule de bois côte à côte, nus. Gêne. Chacun évoque l’obligation de rentrer à Mexico.

 

 

 

 

Ils se reverront longtemps après pour une dernière fois. La voix off nous indique que Tenoch a trouvé une nouvelle petite copine au bout d’un mois et que Julio a mis neuf mois pour s’en dégotter une nouvelle. Tenoch apprend à Julio que Luisa restée à San Bernardo y est morte un mois après, d’un cancer généralisé.

 

18/6/02

 

Francesca Comencini, la fille de Luigi s’est risquée récemment à l’adaptation cinématographique du roman d’Italo Svevo « la conscience de Zeno » (1938) sous le titre « Zeno, le parole di mio padre ».


Louis Guichard de Télérama vient de me rappeler que « Zeno est un jeune homme introverti et passif que son père décédé contraint, par testament, à trouver du travail en échange de sa part d'héritage ». « Introverti et passif », étaient-ce ces traits de caractères de Zeno qui me font me souvenir de ce livre, dont la première page de mon exemplaire Folio indique que je l’ai lu en 1989, autrement dit il y a plus de 13 ans ?


En 1989, je devais être locataire rue de Mareille dans l’appartement de JP qui était au service militaire ? Durant cette période je parcourais alors avec délectation et non sans snobisme «  la Quinzaine Littéraire  » à laquelle il était abonné, conscient d’essayer d’assurer ainsi une succession qui ne pouvait qu’être flatteuse, vu l’admiration intellectuelle que je portais à mon ami. Durant cette période je crois que je me suis d’ailleurs mis à lire comme mon mentor, par cycles ; Zeno devait faire ainsi partie du cycle « littérature italienne ».

 

 

Comment se fait-il donc avec ma petite tête, je me soit toujours souvenu de « la conscience de Zeno » ?

Comme au cinéma, grâce à l’identification bien sûr.


Zeno est un malade, un être sans volonté, impuissant à agir parce qu’il s’analyse trop, est-il écrit dans le résumé de l’œuvre. En fait je me souviens surtout d’un chapitre emblématique de ma connivence avec Zeno, qui s’appelle « fumer » et dans lequel il narre l’histoire de son addiction et ses tentatives aussi répétées qu’infructueuses d’en finir avec cette funeste habitude.


La même année, j’écrivais sur une feuille volante que j’ai retrouvé glissée dans un petit cahier qui avait reçu mes première tentatives d’écriture : « Je n’ai qu’un seul vice. Depuis 10 ans, une dizaine de cigarettes découpent mes journées. Cela fait donc 3650 jours que je fais rimer velléitaire avec cancer. Si le geste m’allume, la tige grillée aussitôt me dégoutte et écœuré je fais disparaître la trace de ma faiblesse (…) »


Plus de dix ans plus tard, je pourrais écrire la même chose, la dose tendant néanmoins à être un peu plus forte et la trouille sans aucun doute plus prégnante avec à l’esprit les fameuses « années tabac ».


Pourtant si on excepte une tentative avortée d’arrêter à trois lors de mon 2e voyage en Indonésie (j’étais sur le point de gâcher ce séjour par trop de déprime) et un quasi arrêt pendant ma  jaunisse (à ma grande surprise sans trop d’effets secondaires), je suis en train d’écrire ses lignes une clope au bec et un verre de pinard à mes côtés.


Face à une faillite de la volonté aussi patente, il me reste certes la possibilité de faire mienne l’opinion de la femme de Zeno qui considérait, jusqu’à ce que ce dernier décide de se faire enfermer pour arrêter, que « fumer n’était qu’une manière un peu étrange, mais point trop ennuyeuse de vivre ».


Je ne peux toutefois m’empêcher de m’interroger sur l’origine d’un tel manque d’assurance en ma capacité à arriver à en finir avec ces aspirations cancérigènes.


« Tu ne crois pas que finalement on n’y arrive pas parce que l’expérience la plus marquante qu’on ait connu a été de désirer, très fort et longtemps, d’être comme tout le monde (à savoir hétéro) et qu’on a bien dû se résoudre des années après à reconnaître que c’était tout ce qu’il y avait de plus grillé » ai-je demandé à Gabriel qui est dans une situation similaire à la mienne. Au moment même où je lui disais et où il trouvait l’idée intéressante, des images furtives d’un petit Thomas en peine avec sa volonté d’être un bon fils se sont télescopées.

Des images à retrouver...

 

 

 

 

La décadence selon Juvénal

Quand votre époque ne laisse de vous faire enrager, lorsque un besoin irrépréhensible de la conspuer vous envahit, souvenez vous de Juvénal et de ses satires (65-140), car nous tenons là un brillant modèle.

Ulcéré par ce qu’il considère comme la décadence de Rome, en vers, il déverse sa bile.

Arléa en édite une sélection traduite par Alain Golomb sous le titre de La décadence.

Au sujet des « riens du tout »


Il y a tant de choses qu’on n’ose pas dire quand on porte un manteau mité ! Mais imagine qu’un dieu ou qu’un homme pareil à un dieu et meilleur que ta destinée, t’offre, à toi le pauvre malheureux, les quatre cent mille sesterces nécessaires pour devenir chevalier. Alors là, fini d’être un rien du tout !


Au sujet du « patron » pingre et pédé : Mais quoi de plus monstrueux qu’un pédé prés de ses sous ? « Je t’ai offert ça, ça et ça ! » Il fait ses comptes en tortillant de la croupe. Tu veux qu’on fasse le calcul ? Esclaves, amenez la table à compter ! Ça fait cinq mille sesterces en tout. Maintenant, tu fais le total de tout le mal que je me suis donné. Tu crois que c’est facile, que ça va tout seul de pousser jusqu’aux tripes une queue de belle taille et de tomber là-bas sur le repas de la veille ? L’esclave qui laboure le champ, il est moins malheureux que celui qui bourre son maître.

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #ciné-séries, #culture gay, #livres, #addiction

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