Publié le 4 Février 2008

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J’ai toujours trouvé belle la poésie sensuelle et souvent gaillarde des textes de Philippe Fréling publiés dans PREFmag. Sur son site, on lui découvre d’autres textes, d’autres talents : la photo et le documentaire vidéo, et ce « quelque chose comme de l’amour » qu’il porte « depuis l’enfance » à la culture japonaise et aux garçons.

Son texte « Uké et Tori » est devenu un livre, sorti cet été chez Arléa, sous le titre de Ceinture jaune.
Délicate évocation de souvenirs d’enfance que je viens lire d’une traite. Par petites touches de courts paragraphes, l’auteur parvient à faire ressusciter les pensées qui l’auraient habité l’année de ses dix ans.

 
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Hokkusaï – 100 vues du Mont Fuji

L’homme sans souvenirs d'enfance (ou presque) que je suis[1], est éperdu d’admiration pour tous ceux qui la font resurgir, que ce soit sous la forme du récit ou celle du roman. Comment font-ils ?

Le petit Philippe Fréling, qui paraît scolairement précoce dans son livre, écrivait-il déjà ?
Mémoire de tout l’instant et ensuite « simple » travail d’écriture ?
Réappropriation de paroles d’enfants de son entourage ?
 
Que je songe aux gosses de 10-11 ans que je connais, à commencer par Valentin, et je me dis que cet enfant n’a pu être vrai, ...ou alors que ce n’était vraiment pas un enfant comme les autres.
D’un autre côté, que sais-je des pensées profondes de Valentin ou d’Antoine[2] ?  
... Et si ce n’était que littérature ?
 
 


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Mishima - autoportrait en St Sébastien


J’ai plein de points en commun avec le narrateur. En particulier le judo.
Mais, à la différence de lui, je ne crois pas avoir choisi le judo, et surtout pas pour des raisons esthétiques (« parce que c’était beau »). 

Sans doute que mes parents, comme d’autres, m’avaient inscrit au club pour me faire pratiquer un sport de garçon qui endurcirait et sociabiliserait le pré adolescent timide et un peu chétif que j’étais alors (je jouais déjà d’un instrument et ma sœur voulait faire de la danse).

Avec le temps, objectifs parfaitement atteints. Le jour où je sortis en claudiquant du tatami pour dire au prof que je m’étais fait mal au pied, il me renvoya au combat avec cette phrase mémorable : « ça ne se verra plus quand tu te marieras ! » Vu que j’étais à deux doigts de m’évanouir de douleur au moindre contact, il daigna finalement à me laisser quitter du tatami. 
Diagnostic : une grosse entorse avec hématome au pouce et une fracture au petit orteil.
 
undefinedTiens ça oui, je m’en souviens bien ! Mais sans doute parce que je l’ai répétée.
Monsieur K. le prof, les frères L., le cadet teigneux, toujours une ceinture au-dessus de la mienne, que je craignais mais qui avec le temps finit par me ménager ... 
C’était un garçon blond bouclé avec des tâches de rousseur et une peau très blanche...
 
Rien de plus juste dans cette phrase qui dit la quintessence du plaisir que nous avons pu éprouver au judo :
 
Le combat se termine au sol par immobilisation. Je l’immobilise ou il m’immobilise. Nous sommes joue contre joue, nos sueurs se mélangent, nos cœurs battent. (p. 176)
 
Oui, ça me revient, un garçon blond (vénitien peut-être) bouclé avec des tâches de rousseur et une peau très blanche...

... Quelques autres paragraphes de pages cornées de ce très beau 1er livre sur 1000 chez Arléa :
 
Nous sommes tous les deux ceinture jaune. Pourvu qu’on soit ensemble lors du prochain passage de grade ! Rien de garanti. C’est le professeur qui choisit. Celui-là avec celui-là. Toi avec lui. J’ai remarqué qu’il s’amuse avec ça. Deux garçons toujours ensemble, c’est sûr un jour, il les sépare.
 
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Il y a un nouveau. Je le vois qui retire son slip avant d’enfiler son pantalon de kimono. Il ne sait pas qu’il faut garder son slip sous son pantalon. Qu’est-ce que je fais, je lui dis ou bien je le laisse prendre le risque de se faire moquer de lui par tout le dojo, le professeur en tête ? Je lui dis. Pour le voir nu une deuxième fois.
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Le professeur, une nouvelle fois, nous explique uké et tori. « Au judo, on est deux, il y a uké et tori... » Tout le monde l’écoute, comme d’habitude, les yeux en l’air ou sur ses orteils. Moi, dans ma tête, je m’amuse : je le regarde, lui, et j’entends « Au judo, on est deux, il y a moi et lui. »
 
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Dans la vie, il y a ce que l’on fait et ce que l’on pense. On peut faire des choses ensemble. Nous deux, on fait du judo ensemble. Mais aussi, on peut penser ensemble. Nous deux, on pense ensemble. J’aime ça et, maintenant, dans ma vie, j’aimerais pouvoir le faire avec d’autres, avec lui, toujours, mais avec d’autres aussi, d’autres personnes avec qui, comme avec lui, je ferais quelque chose et je penserais ; d’autres amis.
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Le judo est un art martial. Mais moi, au judo, avec lui je suis en paix.
 
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J’ai eu toutes les peines du monde à retrouver cette photo sur laquelle j’ai posé, en kimono avec une ceinture orange. La grande, format photo de classe, je ne l’ai plus, par contre j’ai retrouvé une petite dans l’album qu’Elisabeth avait fait avec la complicité de ma mère pour les « 30 ans surprise » qu’elle m’avait organisée. 
La dominante magenta semble avec le temps s’être encore accentuée. Je n’aime pas ma tête.
Quel âge avais-je ? Faut que je demande à maman. Quand ai-je commencé le judo ? Quand ai-je arrêté ? Faut que je demande tout ça au biographe de mon enfance.
 
 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #livres, #les années, #sex, #mens sana in corpore sano

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