Questions de GENRES

Publié le 19 Février 2007

 

 

 

Agua

Ascèse aquatique

 

« Temps, rythme, temps, arriver, toucher, virage », se répète à l’infini Chino en faisant ses longueurs de piscine. Son rêve à lui, ce qui le fait tenir, c’est l’espoir d’intégrer l’équipe nationale et devenir ainsi nageur professionnel.

 

La natation de compétition fait partie de ces sports individuels où la performance se mesure en secondes, voire en dixièmes de seconde. Une seconde de plus ou de moins précipite le nageur dans une dépression profonde ou dans une joie intense. Pour cette seconde de moins, celle qui le fera monter sur le podium, celle qui le fera accéder à son rêve, Chino se rase et se fait épiler par sa copine à s’en abîmer la peau, pour ce record à dépasser d’une minuscule unité de temps, Chino passe ses journées à fatiguer son corps dans un bassin, à répéter inlassablement les mêmes gestes, les mêmes mots « Temps, rythme, temps, arriver, toucher, virage ».

 

Gabriel qui pratique la natation, confirme que la réalisatrice chilienne Veronica Chan, elle-même ancienne nageuse, traduit de manière admirable cette ascèse aquatique, par l’image mais aussi par un travail sur le son.

 

Au-delà, son film m’est apparu aussi comme celui d’une femme sensible à la beauté d’hommes (beaucoup de plans « à fleur de peau »), inaptes à partager leurs sentiments et fragilisés par les challenges dérisoires qu’ils s’imposent (gagner la course et cette coupe hideuse), prisonniers qu’ils sont de ces valeurs très masculines que sont la compétition et la performance. Enfin , il me semble également qu’elle a glissé dans son film l’idée que pour devenir un homme, prendre confiance en soi, un garçon a besoin de la confiance d’un aîné qui lui passe le flambeau, ce que fait, d’une certaine manière, Goyo, l’ancien champion de natation.

 

http://www.tadrart.com/tessalit/agua/index.html

 

 

 

Ascèse pianistique

 

Mains séparés, main gauche dynamique, main droite légère, ne pas trop 

s’enfoncer dans les touches noires, assembler, penser à la « verticalité » (la main gauche ne doit pas, fut-ce de manière presque imperceptible, courir après la droite, elle l’accompagne), maintenir la différence de manière sur les deux mains, reprendre plus lentement, augmenter le tempo, etc.

 

Chaque jour ou presque. Inlassablement. Pour quel résultat ? Très modeste, (la faute à un apprentissage sur le tard – débutant à 30 ans), mais ça m’est égal, quel plaisir !

Comme pour me rasséréner, Natacha me raconte les complaintes de son élève neurologue à la retraite : « Vous ne vous rendez pas compte Natacha, ce que vous êtes en train de demander à mon cerveau, est pour lui très difficile... »

 

 

 

 

 

Questions de genres

 

Il y a dans les médias des sujets récurrents, ces « marronniers » de presse, sujets que l’on retrouve régulièrement, dans lequel on n’apprend pas grand chose de vraiment nouveau, mais qui passionnent et qui font vendre.

 

« La différence homme-femme » en fait partie, une variation plus politique et moins fréquente, « les inégalités entre les sexes » ou « la domination masculine », en est un autre.

 

La différence homme-femme d’abord. Elle faisait la couverture du Télérama du 7 février 2007 sous la forme d’une question désormais classique : « Le cerveau a-t-il un sexe ? ». L’hebdo « culture » rappelle ce que les scientifiques ont démontré depuis déjà un certain temps : « Toutes les différences de comportement entre les hommes et les femmes sont essentiellement dues à la société, à la culture et à l’éducation, pas aux hormones, ni aux gènes. » Il souligne également tout ce que ces recherches visant à valider des différences comportementales par l’explication génétique ont de conservatrices, en ce qu’elles supposent des déterminismes qui valident des comportements et un ordre social considérés comme « naturels » qu’il est vain d’essayer de changer. A cet égard, il convient de noter, par ailleurs, qu’une partie des homosexuels, notamment dans les pays anglo-saxons, attend toujours avec impatience la découverte « d’un gêne de l'homosexualité» qui soulagerait leur culpabilité issue de leurs croyances religieuses, et surtout, apporterait une preuve irréfutable que l’homosexualité n’est pas un « choix »[1] mais « naturelle », et que, pour cette raison, l’oppression que subit l’homosexuel en société est moralement injustifiée.

 

En définitive, on est en droit de se demander pourquoi le plus grand nombre continue à se ruer sur ces magazines qui font leur manchette sur ce sujet, et sur ces best-sellers qui expliquent nos comportements par une biologie de bazar tels que Pourquoi les hommes n’écoutent jamais rien et les femmes ne savent pas lire les cartes routières ? Ou Les hommes viennent de mars, les femmes viennent de Vénus:

 

Tout simplement parce qu’ils nous confortent de manière plus ou moins divertissante dans nos clichés de différenciation sexuelle, laquelle demeure un trait essentiel de nos sociétés. Selon Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l’institut Pasteur, « Nous baignons dans une culture où les rôles des uns et des autres restent bien différents, marqués. Il y a les métiers d’hommes et de femmes. Inconsciemment, c’est intégré par chacun. Il faut faire un effort intellectuel pour penser autrement. »

 

 

Ce qui nous conduit au deuxième sujet « la domination masculine ». « Homme – femme, histoire d’une domination » titrait la même semaine le Monde 2 du 3 février 2007.

 

La parole est donnée à l’anthropologue Françoise Héritier qui n’a cessé durant trente ans de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin. La grande question qui a guidé ses recherches à ce sujet est la suivante : « Pourquoi l’humanité a-t-elle développé pendant des millénaires des systèmes de pensée valorisant le masculin, alors que l’infériorité féminine n’est pas biologiquement fondée ? » En effet, d’après elle, la seule différence de nature entre hommes et femmes est « l’enfantement, cette asymétrie biologique qui fait que ce sont les femmes qui mettent au monde les bébés ! Pour le reste, les hommes et les femmes ont les mêmes capacités cérébrales, physiques, mentales, intellectuelles ou morales. »

 

La dévalorisation du féminin dans l’ensemble des sociétés serait due « au fait que les hommes soient obligés de passer par le corps des femmes pour avoir des fils. [...] Compte tenu du temps qu’il faut pour fabriquer un être humain – neuf mois de grossesse, une longue période d’allaitement et des soins constants jusqu’à l’âge autonome pour survivre aux maladies et aux accidents -, les hommes se sont appropriés les femmes car elles constituaient un bien absolument essentiel à la survie du groupe. »  

 

Dans nos sociétés modernes, les traces de la domination masculine sont également très vivaces même si l’éducation, l’accès au travail rémunéré et, par-dessus tout, la contraception féminine ont été les leviers de la libération des femmes. Selon l’anthropologue, « la domination masculine reste intacte, ou presque, dans deux bastions : la prostitution, qui consiste à assigner des femmes à la satisfaction des besoins sexuels des hommes présentés comme incontrôlables, et la vie domestique, où les femmes assument encore, malgré leur participation au monde du travail, plus de 80 % des tâches. »

 

 

 

Alors, homme, femmes, tous pareils ? Se demande Nicolas Delesalle de Télérama. Non tous différents, mais la variabilité individuelle l’emporte sur la variabilité entre les sexes.

 

Ce qui explique que le sexe - mais aussi l’orientation sexuelle - ne constitue pas en soit un indice d’affinité suffisant, autrement dit, que l’on puisse avoir des atomes crochus avec certains hommes qu’ils soient hétéros ou homos, et un certain type de femmes, lesbiennes ou non.

 

PS1 : La même semaine, une collègue m’a envoyé ce clip : http://www.dailymotion.com/visited/search/cerveau%2Bdes%2Bfemmes/video/xq4nn_le-cerveau-des-femmes, avec ce mot d’accompagnement « Edifiant mais est ce un hoax… je compte sur vous … »

 

Mon sang n’a fait qu’un tour et je lui ai aussitôt répondu :

 

Peut importe non que ce soit un canular ? C'est une grosse connerie, même pas drôle, qui confortera les hystériques du péril musulman [...] signé Queer Thomas

 

 

 

PS2 : Visite mardi du musée du Quai de Branly avec Colette. Avons fait un tour rapide à la fin de la visite à l’exposition temporaire « Qu’est-ce qu’un corps ». J’ai relevé qu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée, les théories de la procréation selon lesquelles l’embryon est formé par le mélange de la substance sexuelle du père (le sperme) et de la mère (le sang), aboutissent à l’idée que le corps est un composé masculin et féminin. L’être humain serait donc fondamentalement androgyne. Pour devenir homme, l’enfant devra se débarrasser de sa partie féminine et développer sa partie masculine. Pour y parvenir, il passera par une succession de rituels d'initiation.

 

Par exemple, chez les Baruyas, étudiés par Maurice Godelier, pour devenir homme et en quelque sorte renaître hors du ventre de leur mère, l’enfant est placé dés l’âge de 10 ans sous l’autorité d’un aîné avec qui il aura des rapports homosexuels et dont il devra boire le sperme jusqu’à ce que l’aîné ait des rapports sexuels avec sa future conjointe (vers l’âge de 20 ans). En effet, une fois entré dans un vagin, le sexe de l'homme ne peut plus entrer dans la bouche d'un garçon, car il n’est plus pur.

Fascinante anthropologie des peuples premiers !

 

 

 

Médecines très douces (II)

 

9 H du matin. J’informe L.P. que je pars en Pologne du 24/2 au 5/3 pour qu’il puisse intégrer mon absence dans son protocole. A son tour, il m’annonce qu’il sera absent mi mars.

 

-         où partez vous ?

 

-         en Inde, dans mon temple.

 

-         où ça en Inde ?

 

-         dans le Bihar

 

-         c’est où dans le nord ? Près de l’Himachal Pradesh, non du Kashmir ? Ou non, du Penjab ?

 

-         c’est aux 2/3 du chemin entre Dehli et Calcutta.

 

Il me fait me dévêtir, je n’ai le droit de conserver que mon slip. Je frissonne et il me transforme en hérisson. Côté face (20 minutes sous la couverture légère), deux coups de cloche au-dessus de la tête dont je sens très bien les ondes dans ma tête[2], et pour la même durée, la même chose côté pile. Même si l’approche est « holistique » (terme qu’il valide), il plante une aiguille dans mon crâne pour l’addiction nicotinique.

 

-         Vous avez beaucoup d’énergie sexuelle que vous perdez ( ?) dans la génitalité ( ?), vous devriez pratiquer l’art martial[3] pour éviter de la consommer ( ?) ainsi... (quelque chose dans le genre)

 

-         pour l’utiliser pour le reste du corps ?

 

-         C’est cela. Il est pratiqué dans les monastères sous les coups de 4H du matin quand l’énergie sexuelle est trop forte ( ?).

 

-         4H ? Ce n’est pas vraiment mon biorythme.

 

-         Rassurez vous, j’en fais faire à 19H30 et votre corps en garde la trace pour la nuit.

 

-         Pourquoi pas ? Je suis dans une démarche d’ouverture.

 

-         C’est bien.... C’est mieux. Vous me direz quand vous voudrez le pratiquer.

 

-         J’y penserai.

 

Trois nouvelles aiguilles dans l’oreille gauche à conserver. RV pour la semaine suivante. 70 euros.

 

 


[1] Cette manière de postuler que l’homosexualité résulte d’un « choix », très commune chez les homophobes, est insupportable en ce qu’elle feint d’ignorer « le vain combat » qu’ont eu à mener contre leurs désirs la plupart des homosexuels - pour reprendre les termes de Marguerite Yourcenar. A ce propos, j’ai vraiment été étonné d’entendre Eric Fassin, qui était interviewé dans le documentaire diffusé sur Arte « Je suis homo, et alors ? » (Ted Anspach), reprendre le terme américain de « choix », sans en contester la pertinence. A-t -il été victime d’une coupe au montage ?

[2] A ma demande, il me dira que les gongs furent les premiers instruments de médecine en Asie : le corps étant constitué de 70 % d’eau, leurs vibrations en poursuivant leur course dans l’eau du corps ont un effet favorable sur le bien-être.

[3] Natacha m’a dit que ce devait être du Bagua (Zhang). Il l’a recommandé à un père de 6 garçons, à son cours de Qi Gong auquel elle participe avec Sabine.

 

 

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O
Salut Thomas,Mon petit, vraiment petit, commentaire hebdomadaire ;-) A propos d'acupuncture, mon frangin avait oublié qu'il avait des aiguilles plantées et il s'en est douloureusement souvenu quand il s'est couché avec sa bien aimée!!Je voulais faire un post suite à l'émission d'Arte, notament au sujet des propos concernant l'innéité de l'homosexualité et des génes. On a pu entendre qu'il existerait un gène de la fidélité!!!Comme toi, je ne crois qu'il s'agisse d'un choix, mais je pense que cela ne se résume pas à une affaire de génétique.
Répondre
T
Cher Olivier,<br /> Une réponse au commentaire encore plus petite que le commentaire lui même : suite à ton anecdote, j'ai demandé à LP lorsqu'il eut fini de m'enlever la quantité impressionnante d'aiguilles qui m'avait transformé pour moins d'une heure en une pelote d'épingles s'il lui était déjà arrivé d'en oublier sur un patient. Humblement, il a répondu par l'affirmative, mais en précisant que ça ne transformait pas pour autant le porteur en Saint Sébastien.<br /> En attendant un éventuel "post "sur le docu de Ted Anspach, je te remercie pour ta fidélité non génétique.