Jamais 2 sans 3

Taking the plunge - Olivier Frey

Depuis le 4 septembre, à la maison, on est trois.

Non, on ne s’est pas fait refiler un chiot. Le caca sur le trottoir et le ramassage d’étrons, non merci.

Un chat ? Désolé les filles, encore moins : Il y a bien longtemps, Gabriel avait consenti à  rendre service à un copain en allant nourrir son félin qui portait le nom d’un poète russe mort prématurément. L’ingrate bestiole l’avait affreusement griffé. Par mesure de rétorsion, mon compagnon le laissa au régime « zéro calorie » jusqu’à ce que son maître revienne. Sans aucun état d’âme. De toute évidence, ce matou était en danger de surcharge pondérale.

Non, on n’a pas adopté, ni récupéré un de nos parents devenu « dépendant ».

Le troisième, c’est mon neveu Maxime, le fils de ma sœur.

Jump Costa Dvoresky

Après deux redoublements, il était sur le point de se faire éjecter du système scolaire. Mère et grand-mère forcément hyper angoissées (le gosse sans doute autant), un beau-père qui se tait, probablement exaspéré par la relation mère-fils forcément un peu névrotique, quant au père, son seul conseil fut de mettre Maxime dehors avec sa valise, comme avait dû le faire son père à son âge. 

Après avoir consulté Gabriel, j’avais proposé à tout hasard à ma sœur qu’il vienne vivre avec nous pour essayer de le remettre sur les rails dans un nouvel environnement. La condition était bien sûr qu’il soit d’accord et volontaire.

Puisque ma sœur m’avait dit l’enthousiasme de son fils, il ne restait plus qu’à essayer d’obtenir sur la base de ce « projet dernière chance », son passage dans "une filière d'excellence" , de trouver le moyen de le faire entrer dans Paris qui s’est avéré une véritable citadelle, et de lui trouver un point de chute dans un lycée. Obstacles surmontés non sans mal, relations, pressions, et quelques faux.

Alors ?

L’ado d’aujourd’hui dans toute sa splendeur, doué pour la glande, tête-en-l’air pour tout ce qui l’enquiquine, en ligne permanente avec son réseau d’amis (Sms, Facebook), qui passe sans arrêt de l’écoute de musique MP3 au visionnage de films qu’il télécharge en peer to peer.

Sinon, bien évidemment, les filles, l'amour, le sexe...

La semaine dernière, avisant la cartouche que je venais de rapporter d’un duty free, il m’a demandé si je pouvais lui vendre un paquet de cigarettes. « Non, lui ai-je répondu, tu ne feras pas de moi ton dealer. (Après un silence)  Bon, on verra. » Lui particulièrement en verve en sortie de table : « les meilleures clopes sont celle après manger et celle après l’amour ! »... Moi en rabat-joie : « Tu la fumeras après avoir fait la vaisselle et après m’avoir montré ton travail pour ce soir. J’ai à faire après. »

Quand la loi Hadopi est entrée en vigueur, je lui ai demandé de cesser de télécharger sur notre ligne : ce serait un comble que, nous qui n'avons jamais rien téléchargé, soyons, par malchance, les premiers à recevoir un mèl d'avertissement.

« Télécharge à Bourg le week-end ! Ou fait comme nous avant Napster, va emprunter des disques à la médiathèque, il y en a deux dans le quartier». Je m’étais bien gardé de lui souffler le tuyau mais désormais, en cas de manque, il va dans son bar préféré dans Le Marais pour commettre ses forfaits. Dorénavant, le portable est également éteint en notre présence.

 Printemps 2007 - Christophe Maout

Les retours qu’on a sur sa vie parisienne sont bons : il est ravi. Il paraît que je le motive et il ne se tarit pas en éloges sur les oncles parisiens. Notre citation préférée : « Tom et Gabriel savent tout ; chez eux, il y a des livres partout et ils les ont tous lu ». Parole d’un garçon qui lira sans doute un seul livre cette année : Candide de Voltaire au programme de son bac de français. Même avec des cases, impossible de lui faire lire par exemple, le livre très touchant du dessinateur Maximilien Le Roy, Faire le mur. Patience ?!

Il va bientôt avoir 18 ans et se réjouissait un soir de pouvoir aller voter pour la 1^ère fois, tout en avouant son ignorance des partis en présence. « Le parti communiste dont on est en train de parler, tu le mettrais plutôt à droite de l’échiquier politique ? » (....) Lui : « Si tu me poses la question comme ça, je dirais plutôt à gauche. » Et nous de continuer à essayer, non sans dissensions, de définir des clivages gauche-droite avant 1989 et après cette date.

Il est ravi. Nous aussi d’ailleurs, même si on n’est pas fâché qu’il décanille le week-end venu. J’appréhende déjà un peu le moment où il ne voudra plus rentrer en province.

J’ai eu beau trouver légitime la demande d’indépendance de Xavier Dolan dans son film J'ai tué ma mère, lorsqu’il m’a fallu gérer les sorties de nuit d’un long week-end durant lequel il a reçu une copine de province de 16 ans d’âge, je me suis retrouvé, tel la mère de l’enfant à m’énerver qu’ils ne m’aient pas dit où ils passaient la soirée ce samedi soir, à m’angoisser qu’ils ne rentrent pas par le dernier métro et à vérifier le lendemain matin qu’ils étaient bien rentrés.

Ce dimanche soir, gêné, Maxime m'apprend, qu'une fois de plus, il s'est réveillé vendredi matin deux heures trop tard. Il a du coup manqué le cours d'allemand dans lequel il est nullissime et dont il devait me faire une restitution lundi soir. Bien évidemment, il a de nouveau oublié de demander à un camarade de confiance les cours manqués pour, autant que possible, les rattraper. Pour couronner le tout, il m'avoue penaud une mauvaise note à un devoir parce que, comme je m'en doutais et contrairement à ce qu'il avait compris, le dernier chapitre fait en classe était bien au programme de révision.

Parents épuisés par votre ado, qu'attendez-vous pour le confier à sa tata et à son mari ?

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