paris

Publié le 29 Août 2006

Mon ami, mon amant, mon frère, mon jumeau

 

Bien que de pères différents, les deux frères Castor et Pollux étaient inséparables au point que les artistes grecs de l’Antiquité évoquaient leur amitié fraternelle en les représentant toujours la main dans la main ou en superposant même leur profil. Ils connurent ensemble de nombreuses aventures couronnées de succès. Malheureusement ils se perdirent dans l’enlèvement de deux jeunes filles qui leur mirent sur le dos leurs frères dont l’un tua Castor. Pollux se lamenta longtemps auprès du cadavre de son frère, car étant lui-même immortel (fils de Zeus), il ne pouvait le rejoindre dans la mort. Zeus, ému de cet amour fraternel, autorisa Pollux à partager son immortalité avec son frère. Depuis lors, les inséparables passent ensemble une moitié du temps au royaume d’Hadès, et l’autre moitié à la table des dieux, dans l’Olympe, comme semble le rappeler le mouvement perpétuel des levers et couchers des deux astres qui les personnifient au firmament.

 

Castor et Pollux, c’est nous ! Goran les a gravé sur la plaque que Gabriel lui avait commandée pour mes 38 ans. Merci Gabriel, mon ami, mon amant, mon frère, mon jumeau pour ce « Castor et Pollux » unique qui scelle symboliquement nos liens. Merci Gabriel de nous avoir doté d’un totem.

 

 

Amélie Landry les chemins égarés 2011 - 2017

 

Le monde entier aux Buttes-Chaumont

 

 

Je rentre de ma virée « forme » dans notre parc, les Buttes-Chaumont. C’est toujours un plaisir renouvelé pour moi d’y fatiguer mon corps en courant une vingtaine de minutes et en faisant sur son point le plus haut quelques abdos et pompes. A cet endroit, en choisissant mon coin de pelouse, je peux outre le ciel, au choix, voir la tour Eiffel ou le Sacré-Cœur. Même si une surconsommation de clopes peut parfois rendre le footing plus pénible, je ne m’y ennuie jamais car les Buttes-Chaumont sont en général peuplées d’une mosaïque de personnages venus d’ailleurs : mon parc est aimé du monde entier mais l’Afrique y est chez elle. Ce soir l’illusion était parfaite, la température ne devait pas être très éloignée de celle qui règne à Accra. Si l’on excepte quelques agités de mon genre, chacun paraissait s’efforcer de s’économiser, terrassé par la chaleur de plomb qui s’est installée sur Paris : les postures assise et couché sont privilégiées. Ici un groupe de femmes noires en boubou entourées de leur floppée de bambins, là des couples mixtes ou non roucoulent, discutent à voix basse ou se prennent en photo, ailleurs on dort, on lit ou on écrit, le copain magrébin de Paul M., un de nos étudiants, vient d’arriver au bord du lac avec son luth, je croise aussi inévitablement les parents qui promènent leur progéniture, un peu plus loin ce sont trois garçons à la peau très noire qui papotent en s’esclaffant. Les pelouses sont jonchées de détritus et les poubelles débordent. L’atmosphère est paisible et je me dis que ce parc est le lieu de réalisation de l’utopie de la tolérance.

 Ce soir un mec au buste musclé et bronzé était allongé à côté de sa petite amie, elle-même en maillot de bain, qu’il caressait. Il paraissait beau, c’était probablement un maghrébin.

 

Ce parc est aussi parcouru par des solitaires plus ou moins sombres, plus ou moins nets, essentiellement des hommes. Il est un lieu de drague, peut-être  de prostitution : en remontant par le tunnel qui est au bord du lac, je croise inévitablement au même endroit des mecs qui font du « trading », de jeunes noirs qui pourraient y gagner leur vie, j’y ai même rencontré Goran qui cherchait de l’action et qui pour l’occasion s’était muni de clopes. Mon parc est donc aussi un peu sulfureux et ce n’est pas fait pour déplaire au voyeur que je souhaite rester.

 

La fois précédente, je n’étais pas dans la même humeur, j’étais taraudé par des pensées racistes. Ça a commencé avec l’énervement de voir toutes ces populations étrangères se vautrer dans ces magnifiques pelouses interdites d’accès (nous on se l’interdirait), ça a continué avec un sentiment d’envahissement par des gens qui n’avaient rien à voir avec moi, pour finir avec l’agacement de me faire infliger très tard par mes voisins une TV puis de la musique arabe à un niveau sonore insupportable en collectivité. Quand l’étranger devient majoritaire, même si je le trouve beau, vivre à côté de lui ne me paraît pas aller de soi. Ses règles ne sont pas celles de mon pays, mais quelles sont donc ses règles ?

 

 

 

P.S. Delanoë s’est mis en tête de débaptiser notre parc pour l’appeler parc François Mitterrand, c’est le tollé ou du moins je l’espère. Télérama a fourni l’adresse du webmestre de l’hôtel de ville, faut que je m’y colle. « Bertrand, Staline c’est fini ! Si tu rebaptise notre parc j’entre en dissidence. Mitterrand a sa coûteuse bibliothèque, ça suffira pour la postérité. Un sympathisant de la gauche plurielle et un amoureux du parc des Buttes Chaumont. »

 

 

Tyrannie conjuguale

 

Ce matin là j’avais la gueule dans le pâté et n’étais pas dans la meilleure humeur : on avait bu plus d’une bouteille de champagne par personne à la fête annuelle de Sylvie et Paul, dansé comme des fous et j’avais, outre les courbatures et la fatigue, un léger mal de crâne. Célia et Philippe qui étaient nos hôtes ce week-end venaient d’acheter de quoi faire un bon petit déjeuner. Gabriel avait fait le café. Après avoir un peu traîné pour me mettre à table et avoir lancé un œuf à la coque, je me rue sur mon « mug » au fond duquel stagnait un peu de café : « c’est tout ce que tu m’as laissé ? ». Echanges un peu sec avec lui pour m’avoir si bien servi pour finalement lui demander : « au fait, ça fait combien de temps qu’on s’engueule, 2 minutes ? 3 minutes ? C’est pour mon œuf à la coque ? »

 

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #avec un grand A, #Paris, #culture gay

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