pedale

Publié le 2 Août 2007


 
Rejoindre Roissy en RER à une heure de pointe, c’est déjà un avant-goût de vacances : une foule métissée s’entasse autour des sièges. Limite nerveuse, il fait trop chaud et il est difficile d’échapper à la promiscuité.
Au Bourget, le compartiment se vide un peu et je me rue pour m’asseoir sur un siège qui vient d’être libéré. Face à moi, un jeune homme brun termine sa conversation téléphonique, à ses côtés un homme mûr avec un petit sac de voyage sur les genoux. 

A cet instant, il se peut que mon cœur se soit mis à battre plus vite. Ce garçon possédait cette beauté exceptionnelle qui irrésistiblement arrache les yeux de ceux qu’elle croise. Très proche de vous. Vos jambes touchent presque les siennes. Une gueule d’ange sur corps d’homme, le genre à faire la couverture d’un magazine mais qui aurait été épargné par le business de la beauté. Je l’ai crû entendre parler en espagnol, une beauté que je qualifierai donc de latine.

Il a l’air triste, comme s’il venait d’apprendre une mauvaise nouvelle.
Peut-être est-il simplement fatigué ?
Il pose doucement sa jolie tête sur l’épaule de son voisin et ferme les yeux. Son voisin ne bronche pas.
Peau mate, plus claire sur des bras musclés. Son polo blanc échancré laisse poindre des poils de son torse.
 
herbkleincharlie93.jpgDes traces de peinture ( ?) sur les extrémités rugueuses de ses belles mains. Son visage d’ange surtout, sous ses arcades sourcilières bien droites, deux adorables ellipses habillées de longs cils.

Toujours les yeux clos, il s’installe plus confortablement contre son voisin qui, sans mot dire, l’étreint alors pudiquement par l’épaule.
Sont-ils parents ? Se peut-il que ce soit le père et son fils ? Je songe un instant au Père, fils d'Alexandre Sokourov.

A la station « Parc des expositions », le compartiment se vide encore. Le jeune homme est maintenant confortablement calé contre l’homme.

Roissy I, il ouvre les yeux, se tourne vers son voisin et l’embrasse. Au fond du compartiment, on se retourne vers eux.

Roissy II, tout le monde descend, le garçon et l’homme ont un sourire complice en jetant un coup d’œil dans notre direction. Le sourire de l’ange a révélé sur le côté deux trous noirs dans sa dentition. Deux trous presque rassurants devant une aussi émouvante perfection.
Sur le quai, puis sur l’escalator, des gens continueront à regarder en coin le couple.

Après avoir enregistré, en fumant dehors la dernière cigarette avant 12 heures de vol non fumeurs, on s’est dit tous deux que l’homme ne devait pas être peu fier de son jeune amant. Avec une pointe d’envie ?
 
 
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Lorsque j’ai raconté à Gabriel que j’avais dans un premier temps pensé m’installer en face de russes puisque j’avais entendu dans mon dos le jeune homme dire « da » au téléphone. J’ai confirmé son hypothèse que l’ange pouvait être roumain. J’évoquai le gigolo roumain de Bruce Benderson[1] et en profitai pour lui raconter que ma sœur, la dernière fois que je l’avais eu au téléphone, m’avait dit avoir à dîner Jean-Michel[2], le cousin de son homme, accompagné de son nouveau petit ami, un gitan passé par la case zonzon, complètement grillé sur la ville de Bourg. Le côté latin de l’ange qui dormait sur l’épaule gauche, c’était donc peut-être d’être né tzigane.
 
A l’occasion de la sortie de son film L'ange de l'épaule droite , le cinéaste tadjik Djamshed Usmonov a rapporté l’histoire qu’on racontait aux enfants dans son enfance et qui l’a profondément marqué :
 
Selon une vieille légende de l’islam, chaque homme a sur ses épaules deux anges invisibles. L’ange de l’épaule droite consigne les bonnes actions, tandis que l’ange de l’épaule gauche note les mauvaises.
Au jour du Jugement dernier, les bonnes et les mauvaises actions de l’homme sont pesées dans la balance de la justice. L’homme est alors envoyé au paradis ou en enfer. [...]
 


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Les témoins d’une « parenthèse enchantée»
 
Un beau dimanche ensoleillé de Juin, dans le train avec nos vélos, en route pour Compiègne.
 
Au cours du voyage en train, Darek[3] nous a avoué avoir eu, la veille, un coup de « mou ». Après un bon dîner préparé avec Jorge, quelques verres de vin, et le visionnage d’un film évoquant les années où il est arrivé à Paris, ça allait déjà beaucoup mieux.  Johan, journal intime homosexuel d'un été 75. Tout un programme...
Quand le lendemain, il a vu la belle journée qui s’annonçait et sa gueule dans la glace, qu’il n’a finalement pas trouvée si mal, il s’est senti en pleine forme.
 
Il nous avait prévenu, le film vaut surtout comme témoignage d’une époque, celle d’un Paris à pantalons « pattes d’éléphants » et tee-shirts moulants, d’homos à cheveux longs parfois moustachus. Époque d’une drague effrénée dans les jardins publics (Tuileries comme toujours, square à la place de la pyramide du Louvre, jardins du Trocadéro, square derrière Notre-Dame), et même dans la rue, Rive Gauche, du côté de St Germain Des Près.
Une décennie durant laquelle Darek dit, avoir tout essayé... Et chopé pas mal de MST. D’ailleurs, lorsqu’il rencontra Jorge, ils ne purent baiser tout de suite, contraints qu’ils étaient, tous deux, de soigner celle qu’ils venaient d’attraper.
 
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Dans sa première partie, le dernier film de Téchiné, Les témoins ne manque pas d’évoquer cette extraordinaire libération sexuelle en œuvre, en particulier, la fiévreuse activité qu’il régnait derrière les rares buissons de Paris.
Darek, qui avait vu le film avant nous, n’était pas vraiment emballé, notamment parce qu’il trouvait les personnages peu crédibles.
Et le « solaire » Johan Libéreau (Tiens ? Encore un Johan !), ne l’avait-il pas touché ce garçon qui m’avait séduit dans Douches froides ?
Non, pas particulièrement, il l’avait trouvé, « comment dire ? Un peu niais ».
Pourtant, comme pour renier le mal qu’il venait dire du film, il a fini par passer aux aveux : « J’ai pleuré. »
 
P.S. Le Johan de Philippe Vallois, permet d’apercevoir un joli garçon, Pierre Commoy, le Pierre de Gilles (Cf http://notesgaydethomas.over-blog.com/article-6874535.html) et un autre garçon émouvant, un jeune noir dont la censure de l’époque avait coupé le sexe en érection.
 
 
 
 


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[2] Un excentrique qui aime le jeune Pavel, Dobbleyoubush et le pape in http://notesgaydethomas.over-blog.com/article-3950566.html
 
[3]http://notesgaydethomas.over-blog.com/article-6470182.html (Sexe et graffiti in Rêves de vespasiennes)
http://notesgaydethomas.over-blog.com/article-6180348.html (Notes polonaises II in Les truqueurs)
 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #intergénérationnel, #pédale, #ciné-séries, #culture gay, #sex

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