Les pères portés aux grues

Publié le 1 Juillet 2013

Real-Humans_rickvadevenirunebetedesexepourtheresa.jpg

 

Thérésa consulte pour faire de Rick une bête de sexe

Real Humans - saison 1

 

 

  Mes épaules d'Albin de la Simone

 

Après son arrestation et 48 heures de garde à vue, un jeune homme de 23 ans opposant à la loi Taubira a pris quatre mois de prison dont deux mois ferme lors d’un jugement en comparution immédiate pour «acte de rébellion» envers les forces de l’ordre, «fourniture d’identité imaginaire» et «refus de se soumettre au test ADN». Direction Fleury-Mérogis.

Cette procédure sur de tels motifs d’incarcération envoie tous les jours des gens en taule. Les juges appliquent la loi. Dans les médias, s’il a été évoqué la lourdeur de la peine (tout de même, c’est  « un étudiant en troisième année d'école d'ingénieurs qui fait aussi des études en sciences politiques et en histoire »), personne ne semble plus contester le délit de refus de prélèvement d’ADN créé par Sarkozy en 2003 et passible d’amende et jusqu’à un an d’emprisonnement. Mais qu’attend-t-on pour abroger ce texte et réserver l’obligation de prélèvement ADN aux affaires criminelles ?

 

 

mikhael-subotzky-the4corners.jpg

 

Michael Subotzky (The four corners)

actuellement à la Maison Rouge My Joburg

 

La maison d’arrêt de Fleury-Mérogis est, selon l'OIP, le plus grand centre pénitentiaire d'Europe, et le second en quartier disciplinaire. Comme dans bon nombre de prisons françaises, la surpopulation de détenus y prévaut. A Fleury, cette année pas moins de 1000 détenus de trop (au 1er avril 2013, 3861 prisonniers pour 2857 places). Faute de places, l’administration pénitentiaire est contrainte de mélanger prévenus et condamnés, jeunes et vieux, délinquants et criminels.

Etait-il vraiment judicieux d’y  incarcérer pour deux mois ce jeune excité opposant au mariage pour tous ? Une amende alourdie n’aurait-elle pas suffit comme deuxième avertissement ? Qu’une place ait été libérée la semaine dernière « grâce » au suicide par pendaison d’un détenu de 28 ans en attente de jugement d’assises, ne change rien à ma conviction que ce jeune con n’a absolument rien à faire à Fleury, bien au contraire.

 

prison-fleury-merogis.jpg

 

fleury-merogis.jpg

 

Accéder à ce lieu de relégation, relève un peu l’expédition, et le GPS dont s’est équipé Nathan fut le bienvenu. Fort heureusement avec mon vieux collègue, la conversation, toujours stimulante, ne meurt jamais.

L’immensité de la ville carcérale est impressionnante. La femme qui est venu nous chercher à l’entrée, nous indique que l’aile à laquelle nous accédons maintenant après avoir traversé un long corridor en plein-air bordé de hautes grilles électrifiées et surmontées de barbelés, vient d’être rénovée. Pourtant en maints endroits, la façade est déjà noircie (des prisonniers ont mis le feu à leur cellule) et des yoyos pendouillent (la rénovation du bâtiment devait empêcher leur déploiement mais l’ennui et la nécessité ont de toute évidence mis en échec les architectes de la rénovation). 

Lorsqu’on accède à « l’école » de la prison, ce qui frappe instantanément c’est l’odeur infecte qui y règne. Sans qu’on ne lui demande rien, notre accompagnatrice nous en donne tout de suite l’explication : c’est à la pisse de chats errants que l’on doit cette puanteur. Ils prolifèrent aux pieds du bâtiment, se partageant avec les rats les immondices jetés par les prisonniers.

Notre mission accomplie, on allait encore pouvoir prolonger ce plaisir de nez d’environ une demi-heure : à l’heure de la promenade, toutes les grilles doivent rester fermées.

Sur le chemin de la sortie, un gardien me demanda ce que nous étions venus faire :

-         interrogation d’un candidat.

-         ministère de l’Intérieur ?

-         non, Education Nationale.

 

Vanessa-Winshipabalkanjourney.jpg

 

Vanessa Winship série A Balkan journey

présente actuellement She dances on Michael Jackson

à la fondation Cartier-Bresson

 

Il y a longtemps que je n’avais pas demandé à Nathan ce que devenaient ses enfants. Comme il n’en parlait plus, je craignais même qu’un malheur ne leur fût arrivé. Je me risquai tout de même, et Nathan, si doux, si pondéré, tint en réponse des propos d’une violence extrême.

 

Quand sa femme a demandé le divorce, la JAF a décidé du « package » le plus habituel : à la mère la garde des gosses contre une pension de 500-600 euros et un « droit de visite » minimum au père (le week-end, tous les 15 jours).

Dans une telle situation, le père occupe auprès des enfants la place que veut bien lui accorder la mère. Son ex-femme ne lui en a laissé aucune. Un jour, il a reçu un courrier inopiné lui annonçant que ses enfants avaient été adoptés par le nouveau compagnon de son ex-femme. Cela fait quatre ans qu’il n’a pas vu sa fille. En revanche, il espère bien voir enfin baisser la pension qu’il verse à la mère puisque son fils, à 27 ans vient de terminer ses études.

 

Lui que j’avais toujours considéré comme un homme aimant vraiment les femmes, est parti dans une diatribe contre les dysfonctionnements de notre société devenue « matriarcale » et « castratrice » grâce au « pouvoir exorbitant octroyé aux femmes ». Il s’est même dit prêt à rejoindre les rangs de l’association « la grue jaune », car désormais il ne voyait pas d’autre solution à cette dérive que de militer (ce qui n’est pourtant vraiment pas son genre).

 

yannisbehrakisprotesters-run-in-panic-as-police-returned-to.jpg

 

Istanbul place Taksim / parc Gezi - juin 2013

 

vanessawinshipblackseewashedreamingofanotherplace.jpg

 

Vanessa Winship Was he dreaming of another place ? série Black Sea

 

Plutôt enclin à l’empathie sur ce sujet, je lui ai parlé de ce récent article du Monde du week-end qui m’avait fâché par la grossièreté de son parti pris et la malhonnêteté intellectuelle de son auteure, très courantes sur des blogs mais indigne d’un quotidien de référence.

 

Le point de départ de l’article de la journaliste est un événement inédit : le "printemps des pères" à l’occasion duquel des hommes sont montés sur des grues, des toits et des pylônes pour accrocher le plus haut possible leurs slogans : "Un père est aussi important qu'une mère" ou "Liberté, égalité, coparentalité".

Plutôt que d’investiguer pour expliquer comment ces pères désespérés avaient pu tomber dans de telles extrémités pour faire parler de l’interdiction qui leur est faite de s’investir dans l’éducation de leurs enfants, la journaliste développe des généralités sur les négligences de pères en cas de séparation, lesquels s’en tireraient toujours mieux que les femmes sur le plan affectif et économique, et qui de toute façon ne partagent toujours pas à égalité avec leur conjointe les tâches domestiques, considérations peut-être vraies mais que j’aurais annotées en marge d’une copie comme étant « hors-sujet ».

La conviction de la journaliste, qui s’annonçait dès le très bon titre ironique « en père et contre toutes », tombe avant la fin de la 1ère moitié de l’article : « les hommes perchés sur des grues apparaissent moins comme des égalitaristes brimés que comme des émules du "masculinisme", ce mouvement antiféministe présent dans les pays anglo-saxons. »

 

Real-Humans_Andreas-Wilson--Leo-.jpg

 

Real Humans Andreas Wilson (Leo)

 

« Les homos, je vous envie », m’a alors dit Nathan. «Chacun sa croix, lui ai-je répondu. Mais c’est vrai, je savoure chaque jour la douceur de la relation qui nous lie avec Gabriel, en comparaison de la très commune tyrannie conjugale. » « Il faut du respect dans une relation. Le respect, c’est essentiel. » A répété Nathan en guise de conclusion.

 

Dans la série suédoise Real Humans, deux copines, Theresa et Pilar, se sont amourachées d’un hubbot (human robot). Pour vivre sa passion, Theresa s’est barrée du domicile conjugal en embarquant son fils adolescent. Le père qui ne supportait déjà plus de voir remplacer les humains par des robots au travail, va entrer en résistance après s’être vu interdire d’approcher la mère et le fils...

Moyennant un peu de codage supplémentaire dans une officine spécialisée pas très légale, leur nouveau compagnon les baise comme des dieux. Cependant, ce qu’elles paraissent apprécier par-dessus-tout, c’est leur docilité et leur incapacité à mentir. En cas de dérapage exceptionnel de leur androïde, elles peuvent résoudre le « bug » en l’éteignant grâce à l’interrupteur d’alimentation placé sous le bras.

Allez débrancher un père hurlant à l’injustice au sommet d’une grue !

 

La fin des hommes ? Sciences Humaines juin 2013

 

NGT / La cause des femmes

 

Le témoignage d'un surveillant pénitentiaire

 

Ma vie en taule pendant 15 mois

 

 

 

Si un jour La Femme

 

alatademichaelMayer.jpg

 

Alata de Michael Mayer au Nouveau Latina (Paris 4e)

 

 

 

La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino

 

 Extrait
 

« Stefania, tu travailles toute la semaine à la télé, tu sors tous les soirs. Tes enfants ne te voient jamais, même pas pendant tes longues vacances. Tu as, pour être précis, un majordome, un domestique, un cuisinier, un chauffeur qui accompagne tes enfants à l'école, plus trois baby-sitters... Tu as 53 ans et une vie dévastée, comme nous tous. Alors, au lieu de nous faire la morale et de nous regarder avec mépris, tu devrais le faire avec affection. Nous sommes tous au bord du gouffre. Notre seul remède est de nous tenir compagnie et de rire un peu de nous. Non ? »

 

 

Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #mâlitude,, #XX, #politique, #trépalium, #ciné-séries

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article