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Publié le 24 Octobre 2006

 

Le boudha de banlieue d’Hanif Kureishi (1990)

6/8/5

 

Mon meilleur livre de l’été ? Drôle, attendrissant et passionnant récit de la vie de Karim, le teenager Paki (il a 17 ans lorsque commence le récit, la petite vingtaine lorsqu’il s’achève).

 

Kureishi a notamment été le scénariste de Ma beautiful laundrette ou de Samie et Rosie s’envoient en l’air  de Stephen Frears, et plus récemment, d’Intimacy de P. Chéreau.

 

Extraits

 

Premières fois

 

Je posai ma main sur la cuisse de Charlie. Aucune réaction. Je la laissai pour quelques minutes, jusqu’à ce que la sueur commence à suinter au bout de mes doigts. Les yeux de Charlie restaient fermés, mais dans son jean, ça commençait à grossir. Je devins plus assuré. Je devins fou. Je me jetai sur sa ceinture, sur sa braguette, sur sa bite et la sortis pour lui faire prendre l’air frais. Il me transmit alors un signe : il commença à se tortiller ! Par cet échange d’électricité humaine, nous nous comprenions l’un l’autre.

 

J’avais pressé bien des pénis auparavant à l’école. Nous nous caressions, nous nous tripotions, nous nous chatouillions les uns les autres, à chaque instant. Ça rompait la monotonie de l’enseignement. Mais je n’avais jamais embrassé un garçon.

 

« Où es-tu, Charlie ? »

 

J’essayai de l’embrasser. Il évita mes lèvres en tournant la tête de l’autre côté, mais lorsqu’il jouit dans ma main, ce fut, je le jure, un des moments essentiels des premières années de ma vie. On dansait dans ma rue. Mes étendards flottaient au vent, mes trompettes sonnaient !

 

 

 

 

Bisexualité

 

Ce n’était pas courant, je le savais, ce désir que j’avais de coucher avec des garçons autant qu’avec des filles. J’aimais les corps solides, et la nuque des garçons. J’aimais que les hommes me touchent, me branlent, et j’aimais que des objets – le manche d’une brosse, des crayons, des doigts – soient enfoncés dans mon derrière. Mais j’aimais aussi les chattes et les poitrines, toute la douceur des femmes, les jambes longues et douces, et la manière de s’habiller des filles. Je sentais que ce serait un crève-cœur d’avoir à choisir entre les deux, exactement comme s’il fallait que je me décide entre les Beatles et les Rolling Stones. Je n’ai jamais aimé beaucoup réfléchir à ces choses, au cas où je découvrirais ma perversion et qu’il me faudrait suivre un traitement, prendre des hormones ou subir quelques séances d’électrochocs. Quand j’y pensais, je me trouvai heureux de pouvoir aller dans les fêtes et de revenir à la maison avec quelqu’un de n’importe quel sexe – non pas que j’aille à beaucoup de fêtes, non pas vraiment, mais si j’y avais été, je pouvais, voyez-vous, emprunter l’une ou l’autre voie.

 

 

 

Parents

 

Je rougis de colère et d’humiliation. Non, non, non, voulais-je crier. Nous ne nous comprenons pas l’un l’autre ! Mais c’était impossible de clarifier les choses. Peut-être se sent-on toujours un enfant de huit ans devant ses parents. On décide de se conduire en adulte, de réagir de manière réfléchie plutôt que spontanée, de respirer régulièrement avec l’abdomen, de regarder ses parents comme des égaux, mais au bout de cinq minutes, ces bonnes intentions sont réduites en cendres et l’on se retrouve là, à crier, à bredouiller de fureur, comme un enfant en colère.

 

 

 

 

L’été où j’ai grandi de Gabriele Salvatores (Mediterraneo)

 

Belle histoire vécue du point de vue d’un garçon entre-deux âges, enfance et adolescence. Italie du Sud et corps solaires. Une caméra et un acteur qui font de Michele un garçon émouvant. M’a rappelé Respiro d’Emmanuelle Crialese

 

 

 

 

Humour (in Fluide Glacial “gay friendly”)

 

Quelle différence y a-t-il entre un mec et un moustique ?

C’est que le moustique t’es pas obligé de lui caresser la tête pendant qu’il te suce.

 

Quelle est la différence entre les mecs et les huîtres ?

Aucune, faut que tu en goûtes plusieurs avant de trouver une perle.

 

Pudeur obligée

 

Pour la première fois, je conserve mon slip pour prendre ma douche après le cours de Pump : « Le sexe et le cul rasé, c’est le nec pour jouir, mais en collectivité, ça manque de classe, ça fait pas très mec ».

 

Ça m’amuse de jouer à l’ado pudique ; sauf qu’en voyant entrer un membre évident de ma confrérie lui aussi en slip, comme chaque fois, je pense plutôt au sexe rasé ou abîmé par trop d’activité. Bon, c’est en fait un maillot de bain : bénéfice du doute, il filera peut-être ensuite à la piscine.

 

 

 

« Sex addiction » et dépression

 

L’addiction sexuelle est une dépendance dont le corps n’est que le vecteur, l’expression d’un mal de vivre. Le corps recherche par l’acte sexuel répété une réaction chimique immédiate d’accomplissement de soi en vue d’apaiser une angoisse existentielle. Florian décrit bien ce phénomène hybride « d’angoisse et d’excitation ». « C’est le besoin d’un rapport, présent et récurrent, et qu’il faut satisfaire par tous les moyens. C’était une envie subite, pas réfléchie, presque chimique. Il fallait que ce besoin ne soit plus là. C’est un moyen de ne plus penser à autre chose. Tu concentres ton temps et ton énergie là-dessus », ajoute-t-il. Cette fuite en avant sensorielle aboutit à une perte de conscience de soi. Cette sexualité névralgique est un cercle vicieux dans la mesure où elle exige une accentuation permanente de sa pratique pour procurer ses effets salvateurs. (…) « Très vite je cédais du terrain à mes partenaires pour aller toujours plus loin : insultes, SM, tournantes, mise à disposition, et du no capote. (…) Dés que je me réveillais le matin, je partais à la quête de mecs pour des plans cul. J’allais en cours, mais je ne pensais qu’à baiser avec des mecs à n’importe quel moment, à n’importe quel endroit et par n’importe quel moyen. » (…)

 

La recherche permanente de sexe masque la souffrance, qui remonte à l’enfance, de la découverte de l’homosexualité. L’addiction commence par des comportements de dépendance qui amènent au priapisme. La plupart du temps, il s’agit d’un abus de pornographie et de masturbation.

 

Jack Cédric Laffay dans Préf juillet-août 2005

 

 

http://www.preferencesmag.com/index.php

 

 

 

 

Tokyo en Août

 

La station Iéna est déserte. En sortant de la station, je rejoins un jeune androgyne, de noir vêtu, un visage retouché sous Photoshop ; un japonais sans doute.

 

Le palais de Tokyo ? A droite ou à gauche ? Dans la direction où se dirige le japonais ? Je le dépasse et devine sur la droite ce que je cherche. En face, le musée Galliera s’est habillé la façade de trois splendides tops models noires.

 

Ambiance « squart » à l’intérieur, le ticket s’achète 6,5 euros dans une petite caravane à un jeune homme au regard insistant. Tour rapide de Translation qui présente une sélection d’œuvres d’un des plus grand collectionneur d’art contemporain en Europe. Seuls l’univers visuel des graphistes M/M (Paris) qui ont eu carte blanche pour présenter simultanément leur travail retient un peu mon attention.

 

Dans le recoin 17, un vaste espace délimité par des panneaux recouverts des visuels réalisés pour une campagne Calvin Klein. Dans le genre WASP, les deux mannequins masculins vous arrachent inexorablement le regard. Face à un grand canapé rouge, dans lequel je m’enfonce, une immense photo de femmes noires nues. Tout en sortant le téléobjectif pour m’emparer des deux garçons, je fais de la place à un vieux couple qui s’affalent à son tour. Nous nous sourions comme des gosses complices d’une sottise. Les femmes de Vanessa Beecroft manquent de lumière, je renonce à les emporter avec moi.

 

Déjà fini. Je repars pour un tour afin d’identifier cette fois-ci les œuvres des vedettes du moment :

 

Cattelan ? Quelques petits visages stylisés en terre (ou en caoutchouc) disséminés sur un mur, « spermini », petits spermatoïdes,  vedette de « l’arte povera », ai-je lu par la suite.  Jeff Koons  ? Je lui attribue dans un premier temps la paternité de ces deux nains négroïde, l’un bleu, l’autre argent dont chacun vient de poser un énorme étron, vérification faite il s’agit de Blue Moon et Silver Moon de Chris Ofili. Ce que j’ai ignoré de J. Koons sans savoir qu’il en était l’auteur, et ce que je suis en train de lire me fait renoncer à retourner au fond de l’exposition. Court arrêt devant un sculpture étrange, mi-homme, mi-robot, avec un sexe d’enfant hyperréaliste. Un jeune gardien noir me regarde l’examiner : je renonce à lui photographier le bas-ventre. Il s’agit Inochi de Takashi Murakami, gavé aux mangas depuis son plus jeune âge.

 

Le mot de la fin sera pour un visiteur qui a laissé sur le forum de l’exposition le mot suivant :

 

« Sont-ils payés les "artistes" qui font ces oeuvres? »

 

et pour Chris Burden[1] à qui il a été demandé de définir l’art :

 

"L'art c'est ce que les artistes font
L'art c'est un peu comme la pornographie
Il est difficile pour moi de le définir
Mais je le reconnais quand je le vois."

 

A la boutique, on vend tout et n’importe quoi, y compris des disques d’occasion. Il est aussi possible d’écouter des disques neufs très pointus, plutôt ennuyeux. Côté librairie, je croise deux clones très lookés (dégradé décoiffé savamment plaqué contre le visage) très inspirés, peu inspirant. Parmi les cartes postales, je reconnais une photo de Wolfgang Tillmans et un Gilbert et Georges.

 

D’énormes suspensions ovoïdes basses éclaireront ce soir le resto.

 

 

Au pied de la haute colonnade blanche, dans le patio déjà ombragée, tables et chaises colorées gisent en désordre. Il semble qu’on ne serve pas à boire sur cette terrasse. Quelques personnes, lunettes noires sur le nez, immobiles regardent droit devant elle en direction du bord de Seine arboré. En contrebas, comme toujours, claquent les skates des teenagers. Dans un ballet interminable, à tour de rôle, les garçons s’élancent inlassablement, qui pour glisser sur la barre de fer, qui pour sauter les escaliers. Peu d’échanges entre eux, chutes nombreuses, sans un cri, au pire une grimace, relevé immédiat. Avec raison, les femmes alanguies de Dejean et Drivier demeurent impassibles, indifférentes. L’une d’entre elles préfère profiter des derniers rayons du soleil.

 

Les garçons me paraissent plus jeunes que la dernière fois, plein de cette énergie qui précède l’adolescence. Aurai-je encore vieilli ? Leur aîné est noir, plein de grâce appliquée.

 

Quoique en plein 16e, ce coin de Paris, m’évoquera toujours le sexe.

 

En arrivant dans la capitale, j’avais lu à plusieurs reprises qu’au Trocadéro, des garçons se prostituaient. Je me souviens vaguement avoir rôdé dans le coin un soir d’énervement pour constater que tout cela existait et que j’en étais.

 

Je ne pense pas avoir vu quoi que ce soit de vraiment évident. Mais le manège du tapin se joue dans les regards et de regard, je n’en avais alors qu’un, le timide fuyant.

 

Maux de dents (suite)

 

Une heure quinze d’appels téléphoniques non stop pour décrocher enfin un rendez-vous dans la journée. Le docteur Boublil exerce dans une longue barre d’immeuble hideuse, longeant le boulevard Mortier, près de la porte des Lilas. L’immense couloir qui la traverse indique que je suis arrivé au numéro 115, la porte du cabinet ne doit plus être très loin. L’accueil du dentiste est cordial, son cabinet paraît lui sur le point de prendre sa retraite.

 

Après un test de sensibilité de la dent qui me fait souffrir, aux coups puis au froid (négatif), il conclut qu’elle est probablement morte, tuée par mon gros vieux plombage. A la lecture de la radio, il pense distinguer un petit abcès qui serait à l’origine de mon problème. S’il ne partait pas jeudi après-midi (nous sommes lundi), il m’ouvrirait la dent et me mettrait 6 jours sous antibio pour le vider. Il est prêt à me le faire avant son départ pour me soulager si la douleur s’accentuait. « Dois-je le faire faire le plus tôt possible par SOS dentistes ? » Non, il semblerait qu’il vaille mieux attendre que ça se dégrade.  Je peux tout à fait me retrouver avec une chique. Fasse que je ne passe pas l’arme à gauche à cause d’un abcès dentaire !

 

C’est ce qui était arrivé à la mère d’un copain d’école, un grand gars aux yeux bleus et aux cheveux longs crépus. Thierry, je crois qu’il s’appelait. Il habitait une belle maison non loin du passage à niveau près de l’Eglise Ste Croix. Un copain des Maristes ? Ou de seconde ? Je me souviens m’être baigné avec lui. J’admirais sa musculature de nageur de compétition et son sexe que je devinais sous le maillot, plus grand que le mien.


 

[1] Performer qui s’est fait connaître dans les seventies en se faisant tirer dans le bras à balle réelle

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