Publié le 11 Juin 2010

Jeunes de tous les âges...

Sade - Never As Good As The First Time (1985)

 

 

« Putain, j’suis allé à Los Angeles, y’a que des jeunes,

des jeunes de tous les âges ! »

Timsit

 

 

 

Quand j’ai dit à Géraldine le plaisir que me donnait le bouquin de Bégaudeau  et Sorman que j’étais en train de lire, Parce que cela nous plaît L'invention de la jeunesse, elle s’est étonnée : 

 

-         Pourtant, je crois qu’ils se sont fait descendre dans les médias. 

-         Ah bon ? En tout cas pas par Télérama, si je me souviens bien. [...]

-         Bégaudeau est un malin.

-         Pourquoi dis-tu ça ?

-         C’est un malin... Entre les murs, son livre, on a tous dans notre entourage des gens qui auraient pu l’écrire...

-         Oui peut-être, sauf que c’est lui qui l’a écrit. A mon grand étonnement, alors que le contexte « Educ. Nat. » ne m’excitait pas outre mesure, j’ai trouvé ce livre important,... notamment pour ce qu’il dit de la langue française, des difficultés de son appropriation, des malentendus de communication qu’elle provoque inévitablement, de l’inventivité des élèves, de la solitude du professeur... Pour son style aussi... J’ai eu une bonne surprise identique avec le film d’ailleurs, que j’ai également tardé à aller voir...

-        Je n'ai pas lu le livre mais, moi aussi, le film m’a bluffé. [...]

-         Bégaudeau est sexy, tu ne trouves pas ? [...]

 

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Au prix d’une sorte de lapalissade, la jeunesse est exaltée comme le moment de perfection de l’individu. Selon les représentations dominantes, une femme connaît son apogée esthético-physique dans les années qui suivent la puberté. Du côté des hommes, ça se passe un peu après, mais Pierric Bailly ne distingue pas les sexes lorsqu’il affirme que « passés 17 ans les êtres humains sont périmés ».

C’est en souvenir de la jeunesse indécrottable des demi-dieux grecs que les Jeux olympiques version Coubertin célèbrent la plénitude physique des jeunes hommes. Un siècle après, on en est grosso modo encore là, noirs et femmes s’étant même joint à cette célébration de l’âge de la force, des humains dans la force de l’âge.

 

Quel intérêt de vieillir, dès lors ? Tout ce qui viendra après sera moins intense et moins beau. Passant par Roméo, Juliette et quelques autres, un rêve d’éternelle jeunesse court à travers les siècles. C’est un poète de 30 ans qui implore le temps de suspendre son vol, et Oscar Wilde s’est bien gardé de figer le visage de son Dorian Gray à 63 ans ; plutôt 20, tant qu’à faire.

La grâce d’une mort précoce assure à son bénéficiaire un culte au moins séculaire. Inversement, Mick Jagger a le défaut impardonnable de ne pas être mort à 25 ans. [...]

 

La nostalgie, dont l’aura universelle ne retombe pas, est regret que la jeunesse ne soit plus, donc apologie implicite du jeune qu’on fut. Apologie à contretemps, car la jeunesse ne s’adore que rétroactivement ; il entre dans son programme de ne pas se connaître éclatante – Tu connais pas ta chance, dira une tante boiteuse à un neveu pleurnichard. Mais c’est surtout qu’en direct, ça n’était ni aussi glorieux, ni enthousiasmant qu’on le rétrospecte. C’est bien un des problèmes majeurs liés à l’examen de la jeunesse : l’idée qu’on s’en fait ne correspond pas forcément à sa réalité empirique. [...]

 

Parce que ça nous plaît - L’invention de la jeunesse – François Bégaudeau et Joy Sorman - Larousse

 

 

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Kadder Attia Rochers carrés

 

 

L’été approchant, leur questionnement « Suis-je jeune ? », m’a inspiré un de ces tests que l’on trouve dans la presse féminine et sur lequel à tour de rôle on se précipite.

 

 

« Suis-je jeune ? » Se poser la question, c’est y répondre : tu ne l’es plus[1]. Cependant, peut-être l’es-tu encore « dans ta tête ».

Si tu ne t’es jamais posé la question, tu peux quand même faire le test, ça te permettra toujours de vérifier si tu n’es pas un jeune prématurément vieux.

 

[1] Que le lecteur un peu à cheval sur le savoir-vivre me pardonne ce tutoiement jeuniste !

 

 

Oliver Cheatham Saturday night (1983)

 

 

TEST - Suis-je jeune ?

 

 

Vrai

1.        J’ai plus de 35 ans

2.        Mes amis ont majoritairement plus de 30 ans. Un copain ou une copine de 60 ans ne relève pas de l’anomalie

3.        J’encaisse mal les soirées, le lendemain, c’est la complainte (fatigue, migraine, chiasse....), quant aux nuits blanches, je vous laisse imaginer ! 

4.        Il m’arrive d’avoir des problèmes d’érection (pas l’érection malvenue en maillot de bain, plutôt le genre à bander mou ou à débander quant il ne faudrait pas)

5.        Je me suis mis au sport ou je me dis qu’il faut que je m’y mette

6.         Je n’ai plus mes deux parents. 

7.         Je suis parent ou obnubilé par le fait de le devenir 

8.        Je suis maqué (en couple). Dans une soirée, je n’escompte plus rencontrer quelqu’un, comme dans les boums d’antan.

9.         Je ne fonctionne plus vraiment en bande, ce groupe de copains que je retrouve au débotté devant le monument aux morts, dans un café, en soirée,...

10.     On se retrouve avec des amis au restau. On aime faire bonne chère.

11.     Hors boulot, je ne passe guère de temps au café. L’interdiction de la cigarette n’y a rien changé. 

12.     « Je ne vais presque plus en boîte [...] Et quand on y est, il m’arrive de déplorer le niveau sonore parce que j’aurais bien continué la discussion avec Florence sur les primaires à gauche. »

13.     Dans mon entourage, on est tous surbookés. Une proposition de soirée, de sortie ? Tous à nos agendas ! On est obligé de s’organiser.

14.     Se déplacer en deux roues ? Non merci, trop dangereux, pas commode, et puis avec les changements climatiques, c’est la noyade ou le mélanome.

15.     « Je gagne de l’argent. [...] Désormais, je sais qu’un sou est un sou. » Mais pour mon confort, « je suis de moins en moins pingre avec l’âge. »

16.     Je suis propriétaire, la pierre y a rien de mieux comme placement (avec la retraite qu’ils nous préparent !).

17.     J’ai déjà eu de gros pépins de santé.

18.     Mon regard sur le monde, m'incline de plus en plus à considérer que "C'était mieux avant"

19.     « Je vois très bien comment on peut se passionner pour le jeu vidéo et j’entrevois que c’est un domaine beaucoup plus riche qu’il n’y paraît. Mais je ne me départirai jamais du sentiment que c’est une perte de temps, et même une perte d’adolescence. »

20.     « J’ai souvent mal au dos et à la nuque, j’ai pris du gras ces trois dernières années, la calvitie gagne, je commence à avoir davantage de cheveux blancs que le fameux exemplaire unique qui se bat en duel dans la tignasse. »

 

 

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Eugen Bauder par David Armstrong

 

 

De 0 à 7 cases cochées - T’es plutôt jeune, du moins dans ton mode de vie et dans ta tête. Si en plus tu n’as pas coché la proposition 1, « Tu ne connais pas ta chance » !

 

De 8 à 14 cases cochées - Pas facile de fixer la fourchette haute, mais puisque j’ai coché 13 fois et que je me sens ni jeune, ni vieux, j’ai choisi 14 (Gab a fait 12, il n’a pas coché la 4 ; deux ans de moins, ça compte... De toute façon, il a toujours eu une spontanéité sexuelle meilleure que la mienne.)

 

 

Plus de 14 cases cochées - Il est permis de penser que, sauf erreur de l’ordinateur, vous êtes déjà vieux. Pas de panique, pour certains comme Pierric Bailly, vous l’êtes depuis un bail. Mais surtout François Bégaudeau et Joy Sorman nous rappelle quand même quelques bonnes raisons de chérir la vieillesse :

 

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Kaboom de Gregg Araki

 

 

Dans certains domaines d’activité nécessitant une longue maturation, le temps est la voie de l’excellence. Un ami prof de philo me faisait remarquer que, en sa matière, la valeur attend souvent le nombre des années. [...]

C’est très frappant chez les meilleurs contemporains (Foucault, Deleuze, Rancière), mais aussi chez les classiques (Hegel et Kant, exemplairement). Ajoutons que Freud écrit quelques-uns de ses ouvrages majeurs au-delà de 70 ans ; Einstein, sa théorie de la physique unifiée à 74 ans ; et que Stradivarius a fabriqué ses meilleurs violons à 93 ans. [...]

 

Si on quitte le terrain de la compétence pour aller vers celui du bonheur, on observe que certaines femmes se sentent mieux à 50 ans qu’à 30 (pour ma part, je me sens déjà mieux à 35 qu’à 20), l’augmentation de l’espérance de vie et le taux élevé de divorces y étant pour beaucoup : elles ont perdu les rondeurs de la puberté, ont acquis une maturité sexuelle qui est une forme de libération, la concurrence avec les femmes de leur âge ne se fait plus au physique, les hommes de 60 ans – enfin délaissés par les filles de 30 – sont désormais tout à elles, les enfants sont grands, elles peuvent refaire leur vie (deuxième mariage) et sont finalement moins angoissées par la peur de vieillir – puisque ça y est, c’est fait.

 

Le temps joue aussi en faveur des moches. D’une part le vieillissement physique fait converger beaux et laids vers un point esthétiquement neutre, adoucissant et réduisant les inégalités originelles qui, au lycée, produisirent bien des cruautés. D’autre part le corps n’est plus l’argument décisif. [...]

 

Enfin, l’immense avantage de la vieillesse, ce que ces petits cons n’auront jamais, c’est le pouvoir d’achat. [...]  être vieux, c’est parfois de l’argent et toujours du temps. Les deux cumulés, tout est réuni pour des journées dévolues au divertissement. Pendant que les jeunes campent sous l’orage, les vieux sirotent des cocktails Bellini sur un paquebot ou dans un étoilé Michelin.

 

Au passage : si l’on passe outre ces forts contrastes, un certain art de ne rien foutre réunit jeunes et vieux. Aux premiers comme aux seconds, on reproche leur paresse trempée d’égoïsme. [...]

 

 

NGT / "Aging body", transformations, et des claques qui se perdent

 

 

Famille, je vous aime

Mon père, ma mère, ma sœur et tous mes frères

 

Mauvais flash (mon père)

Nous roulions au pied des montagnes poudrées. Un ciel bas d’hiver. Peut-être neigeait-il ou alors il pleuvait. Revenait-on d’une randonnée à ski ou y allions-nous ? J’étais avec mon père. Dans un flash, car tout de suite après, j’ai réalisé avec tristesse que je rêvais, que ces images que je venais de retrouver s’était imprimées il y a des dizaines d’années, que mon père était un vieil homme, et que lui jadis tout puissant, n’avait plus qu’une seule obsession : ne plus souffrir, guérir et pouvoir remonter sur son vélo.

 

L’amour vache (ma mère)

Une fois n’est pas coutume, j’ai annoncé à maman l’arrivée prochaine d’un cadeau pour la « fête des mères ». Mon cadeau lui plaît je crois : « Rigolade assurée, si je dis aux copines qu’un de mes enfants m’a offert J'ai tué ma mère ! »

 

L’amour jaloux ? (ma sœur)

« Je viens d’avoir ta sœur, elle est furibarde : elle vient de surprendre Maxime dans sa chambre sous la couette avec N. ».

J’ai rigolé, sans commenter, car ma sœur avait réagi comme mes parents auraient réagi si nous nous étions trouvés au même âge dans la même situation que mon neveu et sa copine. Je brûlais de leur dire : « Et alors ? Où est le problème ? Il a 17 ans tout de même et ça doit faire au moins deux ans qu’il est en état de fonctionnement, et pour sa poupée on peut sans doute compter encore deux ans de plus ! » Car enfin, en dehors du risque de grossesse, je ne vois guère le problème. Je trouve même ça plutôt rassurant. C’est pas un pédé, il en a déjà marre de la branlette.

Pour le risque que sa copine tombe en cloque, il suffira de vérifier que l’un et l’autre vivent bien sur notre planète et qu’ils ont déjà entendu parler d’un truc qui s’appelle contraception.

 

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #livres, #les années, #famille

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