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Publié le 6 Décembre 2020

Les pouvoirs publics cherchent désormais à enfermer les gens chez eux.

Paul Virilio 2006

 

Couverture de Courrier International du 3 au 9 décembre 2020 - dessin Bertrams
Couverture de Courrier International du 3 au 9 décembre 2020 - dessin Bertrams

 

Est-ce que vous avez remarqué ? Quelque chose a changé sur le front de la Covid : c’en est fini de la litanie journalière des « contaminations », de « taux de positivité », de  nouvelles hospitalisations  Covid, de morts Covid, etc. On serait sur la bonne voie :  l'ensemble des indicateurs continuent à suggérer un recul de l'épidémie.  Pour autant, le gouvernement et les médias se gardent bien de répéter en boucle cette bonne nouvelle comme ils l’ont fait sans relâche pour les mauvaises, car l’heure reste toujours à l’extrême prudence, ce qui n’exclue pas la charité  : le 28 novembre tous les commerces « non essentiels », à l'exception des bars, cafés, restaurants, salles de sport, discothèques, lieux culturels, etc, ont été autorisés à rouvrir leurs portes en respectant un protocole sanitaire renforcé imposant une jauge de 8 m² par client, dont Amazon aurait tout lieu de s’inquiéter.

Autre allègement d’importance : la cour de promenade s’élargit à 20 kilomètres de rayon pendant 3 heures maximum autour de son domicile, mais attention toujours avec l’obligation de présenter sa nouvelle auto-autorisation dérogatoire de déplacement.

Sa Majesté a donné rendez-vous à ses sujets le 15 décembre : si l’épidémie descend à 5.000 contaminations par jour et 2.500 à 3.000 personnes en réanimation, le gouvernement pourra desserrer encore la vis.

En attendant, pas question de donner un peu de mou, fût-ce pour d’aller respirer l’air pur des montagnes ! Les stations de ski qui ont travaillé pendant des mois avec leur préfecture sur un protocole sanitaire pour pouvoir ouvrir à Noël, se sont vues opposer une fin de non recevoir, les 120 000 personnes qu’elles emploient continueront à dépendre de l’assurance chômage ou des aides sociales. Une fois de plus, contrairement à ce qu’on a voulu nous faire croire durant cette crise, d’autres options sont possibles puisque l’Autriche, la Suisse et l’Espagne sont résolues à ouvrir les leurs. Pour une fois, Angela est raccord avec le despote qui dirige notre pays avec l’aide de son sous-préfet (c’est ainsi que Gabriel appelle Castex) qui n’a pas craint le ridicule lorsqu’il a annoncé le 26 novembre que « les stations de ski seraient ouvertes à Noël mais que l'on ne pourrait pas y skier ». Depuis, les pays partisans de la fermeture des stations menacent ceux qui voudraient aller skier à l'étranger à Noël de quarantaine et de contrôles aléatoires aux frontières.

"Quand tu piges rien au déconfinement" sur Topito

 

Il a fallu attendre le 15 Novembre, pour qu’enfin je puisse lire dans la presse de référence ce qu’une minorité de Français pensent de la gestion française de la crise de la Covid : dans un article de l'hebdomadaire de référence allemand, Die Zeit, pour sa correspondante à Paris, la France est devenue un "Absurdistan autoritaire" pour de bien piètres résultats. Seuls le Point, Ouest-France et RTL semblent s'en être fait l'écho. Il est difficile de ne pas interpréter le silence des autres médias comme un indice qu’en France, prévaudrait un journalisme de connivence, voire de révérence avec le pouvoir politique. Quoi qu’il en soit, cette audace nous a procuré une joie immense, qu’on a pu faire durer dix jours plus tard avec l’éditorial de Natacha Polony dans Marianne : Règles absurdes et normes tatillonnes : mais quand est-ce qu’on se réveille ?

Autre information que j’aurais manqué sans Covidinfos.net, le 18 novembre, la journaliste Fanny Weil chez Pujadas sur LCI s’est interrogée chiffres à l’appui sur le reflux de l’épidémie, en particulier sur le fait qu’il ne résulterait pas du confinement, ou même aux couvre-feux mais peut-être bien à l’évolution naturelle du virus, à son cycle de vie (j’ai appris à cette occasion l’intérêt du suivi épidémique dans les eaux usées) ou déjà localement à l’immunité collective. Bien évidemment, peu ou pas de rebond médiatique sur ces questions, à part un court article du 20 Novembre dans Science et Avenir qui ne m’a pas pleinement convaincu.

 

Paolo Cirio "Capture"
Paolo Cirio "Capture"

 

Il est vrai qu’au même moment, les médias sont tout occupés à dénoncer la proposition de loi de sécurité globale que le gouvernement emporté par sa morgue autoritaire a jugé bon de soutenir et de mettre à l’agenda du Parlement dans un tel contexte. Parce que la proposition impacte le travail des journalistes, la couverture médiatique critique est cette fois-ci excellente et on entend enfin de nouveau « la gauche » dénoncer ces nouvelles mesures liberticides offrant un boulevard à l’impunité des violences policières, y compris à l’occasion de manifestations systématiquement interdites « pour éviter la propagation du virus».

Le 27 novembre, le passage à tabac d’un producteur de musique par des policiers, qui a pu être filmé, aurait dû suffire dans un pays démocratique pour que décision soit prise de retirer le texte. On m’a raconté que le malheureux appelait à l’aide la police pensant avoir affaire à de faux policiers. Christophe Donner dans l’Express m’apprend aussi que Michel Zecler a finalement subi cette horreur à cause de cette obligation stupide du port du masque hors des espaces confinés : en sortant de chez lui et en avisant les policiers, il a réalisé qu’il avait oublié de prendre un masque. C’est en faisant demi-tour pour aller le chercher que les flics lui sont tombés dessus pour le rouer de coups.

 

C'est la gêne - gif
C'est la gêne - gif

 

Dieu merci, on va bientôt pouvoir mettre au moins en veilleuse la Covid. « Obtenir un vaccin efficace demande habituellement de cinq à dix ans. Pour le Covid-19, les chercheurs parient sur un délai de douze à dix-huit mois, soit au mieux en 2021, ce qui serait sans précédent. » (Le Monde du 22 Mai 2020) Contre toute attente donc, les laboratoires pharmaceutiques affirment les uns après les autres avoir mis au point le vaccin espéré pour gagner la « guerre » contre la Covid. La première bonne nouvelle nous est arrivée le 9 Novembre, dans un communiqué de presse du géant américain Pfizer associé à une petite Biotech allemande, annonçant que son projet de vaccin actuellement en phase 3, dernière étape avant une demande d'homologation pour la mise sur le marché, était "efficace à 90 %" contre le coronavirus. La Bourse a immédiatement salué la bonne nouvelle avec une hausse du cours des titres, ce qui a permis aux deux dirigeants de Pfizer en vendant 176 000 actions de faire une honorable prise de bénéfice. Dans les jours qui ont suivi, toutes les entreprises en course pour développer des vaccins contre la Covid-19 en ont fait de même toujours par voie de communiqués de presse, avec des promesses d’efficacité tout aussi rassérénante. Seuls les Français Sanofi-Pasteur ont reconnu ne pas être aussi avancés mais se sont dit prêts pour leur production.

Sans attendre la publication des études, ni la délivrance des autorisations de mise sur marché, tous les états ont joué des coudes pour précommander leurs millions de doses, ils ont désigné les publics prioritaires, établi le plan de distribution sans oublier de recenser les réfrigérateurs. Pour le pilotage, en France, un Monsieur Vaccin a été nommé. Louis-Charles Viossat pressenti pour la direction du «conseil d'orientation de la stratégie vaccinale », a finalement été écarté pour ses accointances trop étroites avec « Big Pharma », laissant la place à Alain Fischer, « 71 ans, directeur de recherche à l'Inserm et de l'institut des maladies génétiques Imagine », un homme de conviction qui a cautionné de son autorité scientifique la décision de Buzyn de rendre obligatoires 8 nouveaux vaccins pour les nourrissons.

 

... T'es folle, ils n'ont pas terminé les essais sur l'homme ! - Dessin de Large
... T'es folle, ils n'ont pas terminé les essais sur l'homme ! - Dessin de Large

 

Bref ! On est archi prêt. Ouf ! Enfin, pas complètement, car il va falloir en plus user de pédagogie. Le vaccin présenté depuis le début de l’épidémie comme le seul espoir de retrouver une vie normale, et bien figurez-vous que la moitié de la population, même terrorisée, n’en veut pas (il paraît qu’on n’est pas les seuls). La moitié ? Au début de l’épidémie, c’était un quart. Qu’est-ce qu’on n’a pas fait correctement pour mériter une telle défiance ?

Des vaccins trop vite développés avec trop d’argent en jeu ? La technologie nouvelle de vaccin à ARN messager ((Pfizer, Moderna) pour laquelle on n’a aucun recul ? Sans doute mais pas seulement. Il est permis aussi de se demander si les taux de létalité relativement faibles de la Covid notamment pour les classes jeunes et une efficacité « faible à modérée » du vaccin contre la grippe saisonnière, justifient de prendre un risque vaccinal  ? Si vous rajoutez à cela que même des médecins et les personnels soignants sont à convaincre…

 

été 84 de F. Ozon - gif
été 84 de F. Ozon - gif

 

Ce n’est pas être « anti-vax » que de poser ces questions. Ni appartenir à la catégorie infamante des « anti-masques » que de contester la pertinence de son port obligatoire en plein air, ni encore d’être un affreux « complotiste » décérébré que de s’insurger contre le peu de place laissée dans les médias de référence durant cette crise à la moindre voix critique dissonante concernant la gestion du gouvernement et le régime autoritaire de type nouveau qu’il a instauré, si ce n’est pour la disqualifier (Cf par exemple pour l’action sanitaire, la cabale contre Didier Raoult et son hydroxychloroquine vs remdesivir, ou contre le chef du service des Maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital de Garches, Christian Perrone).

Télérama, cette semaine, dans un dossier « Le complotisme, une maladie contagieuse » a interviewé Tristan Mendès-France de l’Observatoire du conspirationnisme. A la question « pourquoi la pandémie de Covid a-t-elle accéléré la propagation des théories du complot ? », il répond en appliquant au phénomène une grille de lecture désormais bien connue (Taguieff, Bronner), laquelle élude une bonne partie de la réponse. Juste après avoir reconnu la perte de confiance dans les médias, il conclue : « De vrais complots existent, certes, encore faut-il qu’ils soient sérieusement documentés et étayés par des faits, et c’est le rôle des journalistes de les révéler. » Pour cela, il faudrait que les médias regagnent la confiance des français, mais alors comment ?

« Arrêter les mensonges ? Reconnaître ses erreurs. » recommande aux politiques le professeur de parasitologie à la Salpétrière, Renaud Piarroux, dans une entrevue publiée dans Die Welt (Courrier international de cette semaine). Ça vaut pour les rédacteurs en chef.

Dido - The Day Before We Went To War (Leimantour Edit)

Centre de l'acceptabilité sociale - Dessin Diego Aranega
Centre de l'acceptabilité sociale - Dessin Diego Aranega

 

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