les annees

Publié le 12 Août 2010

Caucase et Asie centrale

Caucase et Asie centrale

Dans les steppes de l'Asie centrale d'Alexander Borodine 1880

 

 

Leurs photos m’avaient fait rêver. A l’époque, quasi emprisonnés qu’ils étaient du fait de l’annexion de leur pays par l’URSS, les « républiques socialistes soviétiques d’Asie centrale » leur avaient offert la meilleure échappée exotique possible.

Ils m’avaient promis d’y retourner avec moi mais le projet avorta : l’indépendance de la Lituanie, le mariage de Ruta, la rupture avec Saulius, ingérable depuis qu’il s’enfonçait dans l’alcool, pour eux désormais la terre entière à visiter, la vie.

Vingt ans plus tard, l’idée de réalisation de ce vieux rêve a plu à Gabriel...

 

Fait curieux : je vais visiter une ville dont je ne sais rien que la magie de son nom. De même pour Bagdad, lourd de signification, je ne trouve au fond de ma mémoire aucune image préconçue. Il m’est donc impossible d’aller au-devant d’une déception : tout sera du domaine de la découverte.

Sortons.

 

A propos de Samarcande, Des monts célestes aux sables rouges d'Ella Maillart (1930-1932)

 

 

EllaMaillartBoukhara1932.jpg

 

http://www.ellamaillart.ch/photos_fr.php

 

Inconcevable homosexualité

 

En voyage, hors des pays occidentaux, j’ai pris l’habitude de me créer un « profil » compréhensible pour les locaux : j’y suis le père divorcé de deux enfants. A l’expérience, j’y gagne une communication facilitée et un  respect supérieur à celui qui est réservé à mon chéri qui s’obstine à dire la vérité pour ne pas forcer sa nature.

Pour la première fois cette année, j’ai repris mon véritable « profil ».

 

-          Tu ne crois pas que tu devrais être plus discret sur notre vie commune devant Uktam ? m’a demandé Gabriel.

-          Ecoute, je ne peux pas avoir un double discours, l’un pour nos compagnons de voyage, l’autre pour le guide. Uktam est parfaitement francophone, il est déjà venu en France. Si on ne l’a pas sensibilisé à ça, il faut qu’il sache que des gens comme nous existent et qu’il n’a pas fini d’en accueillir.

 

Mais rien n’y fit. Uktam commença par suggérer à Gabriel d’entreprendre la célibataire de notre petit groupe, pour finir, le dernier jour du voyage, par me désigner d’un regard égrillard se voulant complice, deux jeunes filles sexy qui passaient devant moi.

En Ouzbékistan, une « Besoqolbozlik », c‘est-à-dire une relation sexuelle volontaire entre deux hommes, est passible d‘une peine d‘emprisonnement pouvant aller jusqu‘à trois ans.

Au Tadjikistan, depuis 1998, l’homosexualité n’est plus réprimée, mais, on s’en doutait, n’est pas largement acceptée dans la société tadjike.[1]

http://inmotion.magnumphotos.com/essay/taliban-2009

 

 

De l’autre côté de la frontière, les riches tadjiks du nord de l’Afghanistan pratiqueraient le Bacha Bazi (transcrit aussi batcha boz).

Au même titre que pour l’adultère, le droit pénal afghan prévoit pourtant (ou par conséquent) de longues peines d’emprisonnement en cas de pédérastie avérée- le terme désignant les actes homosexuels masculins, quel que soit l‘âge des personnes impliquées. Parallèlement, la loi islamique (Charia), qui réprime les actes homosexuels jusqu‘à la peine de mort est appliquée. A la connaissance de l’Ilga aucune sentence de mort n’aurait été prononcée contre des actes homosexuels après la fin du pouvoir taliban.

 

Durant le régime des talibans, les mollahs s’étaient longuement triturés la barbe pour choisir le châtiment à employer avec les homosexuels. « Fallait-il, par exemple, les jeter du haut d'une falaise, les pousser du haut d'un immeuble ou allonger les coupables au fond d'un trou et abattre un mur sur eux ? C’est la troisième solution qui fut finalement retenue, mais en raison du nombre important de survivants les chefs religieux recommandèrent le passage d'un bulldozer pour achever les condamnés. »[1]

 

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Dès l’arrivée à l’aéroport, ce qui frappe dans cette région, c’est la diversité des visages, évoquant tantôt le continent européen, la Turquie, tantôt la Chine, la Mongolie, du plus clair au plus brun, souvent quelque chose entre les deux, d’eurasien.

D’emblée, la douceur et le calme de cette population policée et plutôt bienveillante mettent à l’aise l’étranger.

Le masculin est bien fait de sa personne, épargné par l’obésité, pas très grand. Certains ont un air de parenté avec les sans papiers qui survivent dans notre quartier.

 

Scène vespérale

A Boukhara, sur la place du Labi Hauz

 

Le soleil couché, une foule s’attroupe autour d’un bassin qui a un petit air d’Inde, afin de capter un peu de la fraicheur fournie par des jets qui, le soir venu, recrachent l’eau du bassin. Jusqu’à tard dans la soirée, on vient ici en famille boire un verre (ou une bouteille), manger une glace ou dîner, en écoutant le crooner de service.

 

Les parents prennent en photo leurs beaux enfants juchés sur les chameaux en ciment qui bordent le bassin ou, adossés contre les jambes croisées de la statue de Nasreddine.

Tous les soirs, le tableau est identique : bon enfant, un peu « kitchouille », peut-être aussi un peu ennuyeux.

 

 

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Source

 

A Boukhara, les hauz qu’on trouve dans chaque quartier sont des bassins d’eau en forme de pyramide inversée. Ils sont faits de gros blocs de pierre qui sont autant de marches, de telle manière que, quel que soit le niveau de l’eau, on peut descendre en puiser. Le Labi a été construit en 1662, bordé d’arbres aujourd’hui plus que tricentenaires. De vénérables Ouzbeks, aussi vieux que les arbres, sont installés sur des bancs en bois pour jouer d’interminables parties de dominos.

 

Vers Samarcande de Bernard Ollivier - Phébus 2001

 

L’héritage communiste d’un islam modéré

Samarcande

 

La maison de nos hôtes se trouve non loin de la gare ferroviaire et du grand marché. Les voisins sont arméniens, kirghizes, tadjiks ou iraniens.

 

Au dîner sur le tapchan, Sunnat confirme que 120 000 ouzbeks du sud du Kirghistan se seraient réfugiés de l’autre côté de la frontière après les massacres commis , mais qu’ils seraient depuis rentrés chez eux. Il parle du jeu dangereux des « mafias » ( ?) russes et américaines là-bas et s’effraie du risque important de « talibanisation » de la région.

 

 

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Un des frères de Sunnat espère obstinément le retour du communisme qui lui avait offert une vie bien meilleure qu’aujourd’hui. Autant dire qu’entre les deux frangins, parler de politique est désormais tabou, tant le nouveau système semble profiter à nos hôtes.

 

Ça n’empêche pas notre dynamique entrepreneur de rendre grâce aux soviétiques au moins sur un point : la paternité de l’islam modéré qui prévaut dans son pays, lequel autorise la jupe courte, la danse et la biture (vodka pour les hommes, vin cuit pour les femmes).

 

Hier au resto, le chanteur répondait aux commandes dédicaces contre de l’argent. Les femmes de tous âges ont ouvert le bal (singulièrement celles qui avaient le type asiatique), vite rejointes par les hommes, et mêmes par quelques touristes nullement effrayés par le ridicule.

 

Wat.tv/video/ "le dessous des cartes" sur l'Asie centrale (3/3)

 

 

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http://explore-photo.com/igalerie/categorie/58-tadjikistan-ouzbekistan

 

Le regard des morts

Un cimetière de Samarcande

 

La tradition russe de faire graver ( ?) sur la stèle funéraire le portrait hyperréaliste du défunt a été adoptée par les ouzbèkes.

Sur une colline, les morts de Samarcande fixent pour l’éternité la ville grouillante à leurs pieds.

 

La rue des tombeaux...

Mais en dehors de la ville, ce qui m’a le plus impressionnée à Samarcande, c’est Chah Zinda, le Roi vivant et sa rue de tombeaux. [...]

Des allées touffues d’un parc, on aperçoit les monticules jaunes, désolés, déserts, desséchés d’Afrossiab, immense surface morte couverte de tombes. Et là, pêle-mêle, au flanc de cette solitude, sortent des têtes d’obus d’une dizaine de mausolées, sur les murs desquels étincellent des vestiges d’émail.

 

Des monts célestes aux sables rouges d'Ella Maillart (1930-1932)

 

 

 

 
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Pavel par David Armstrong pour Vice Magazine

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #touriste, #les années, #homophobie

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