vivre ensemble

Publié le 29 Septembre 2008



Procés du Queen boat - Le Caire 2001



[...] Leibo dérivait vers le portrait de plus en plus exclusif d’Ali, le fils d’Hossan, parti à Londres et visiblement réfugié à Paris, en 1998, avant même la grande rafle, en 2001, des cinquante-deux homosexuels « présumés » sur le Queen boat, au bord du Nil. Sans papiers, il aurait été recueilli, assez mystérieusement, aidé par et régularisé grâce à William Miller. Leibowitz lui-même (par mon entremise), dans un élan ronchon de reste de générosité « de gauche », avait participé aux démarches de demande de régularisation du jeune Egyptien, au moment du mouvement des sans-papiers, en France. Il le disait tout net, non sans aigreur, il le regrettait.

Que faisait Ali, désormais ? De la propagande palestinienne, sur le territoire français, disait Leibo. [...]

 

La meilleure part des hommes Tristan Garcia -  nrf Gallimard

 

Il paraît que le Pape a fait une visite en France. Je m’en fiche et regrette presque de m’être attardé sur le papier d’un « philosophe » athée dans le Monde de samedi 20/9/8, scandalisé que l’ex cardinal Ratzinger ait pu affirmer « devant un parterre d’intellectuels ébahis et sans la moindre réaction critique » qu’ « une culture purement positiviste serait une capitulation de la raison ».

Au même moment, les musulmans sont à mi-parcours du Ramadan, et une partie non négligeable de mes étudiants n’est pas vraiment au top de ses capacités.

Dans le même temps, Arte a diffusé le documentaire Djihad, au nom de l'amour dans lequel des homosexuels musulmans, d’Afrique du Sud, d’Egypte, d’Iran, du Pakistan, d’Inde ou de Turquie se débattent au quotidien, avec le même dilemme : « comment allier religion et sexualité dans des pays qui condamnent - certains jusqu'à la peine de mort - leur pratique amoureuse ? »

 

 


Les lesbiennes et les gays que rencontrent Parvez Sharma racontent plus ou moins la même histoire : à l’exception d’un couple de lesbiennes paraissant vivre sereinement leur homosexualité- mais c’est en Turquie où l’homosexualité n’est pas interdite en droit, des récits de vain combat contre son orientation sexuelle (les placebos du mariage, du jeûne et de la prière), la culpabilité dévorante quand ce n’est pas la haine de soi, l’opprobre, l’ostracisme social et des châtiments moyenâgeux mettant votre vie en danger, qui vous contraignent au secret ou à l’exil, des familles déchirées...

 

Cependant, l’étonnant du sujet, pour l’agnostique que je suis, c’est tout de même l’étrangeté de cette foi musulmane indéboulonnable des personnes rencontrées par le réalisateur, cette croyance installée chez tous, qui les aident à vivre, alors même que leur difficulté de vivre provient de cette même croyance.

Sans doute, s’agit-il de ce que les croyants appellent « le mystère de la foi », mais sans doute cela révèle-t-il aussi combien cette croyance est au cœur de leur culture et par là-même de leur l’identité.

Pour en prendre un peu la mesure, il n’y a qu’à voir les yeux brillants de Mazen, l’égyptien exilé à Paris parler du bonheur de l’Aïd el-Fitr dans son pays, ou entendre Payam, l’iranien en transit en Turquie, très ému prendre congé au téléphone de sa mère qu’il n’a pas entendu depuis longtemps : « Je t’aime, Dieu te protège,... Embrasse-moi, Dieu soit avec toi. »

Une occasion de plus de mesurer combien nous sommes des animaux sociaux, combien la société nous fait, loin du mythe du « self-made man », là-bas, plus encore que chez nous.

 

 


Pour tenter de concilier Islam et homosexualité, certains témoins s’essaient à la réinterprétation des textes.

Cela m’a rappelé un article du Monde (31 Mai 2004) que j’avais mis de côté : « Homosexualité : l'interdit religieux ». J’avais été alors content de lire un article dans lequel il était écrit noir sur blanc que les trois grandes religions monothéistes par l’interdit de l’homosexualité fondaient l’homophobie.

A la relecture, j’ai trouvé l’article d’Henri Tincq plutôt ambigu et pas vraiment impartial

 

Alors qu’il évoque « l’abondance des références à l’homosexualité dans les textes sacrés » prohibant l’homosexualité, « tabou aussi ancien que l’inceste », il cite bien sûr le très connu « Lévitique 18-22 » qui fait toujours de l’usage aux chrétiens comme aux juifs « Tu ne coucheras pas avec un homme comme avec une femme c’est une abomination » et la sanction qui va avec « Ils devront mourir. Leur sang retombera sur eux »,  ainsi que l’épisode de la destruction de Sodome dans le livre de la Genèse (18-19) repris dans la sourate 7 du Coran : « Souvenez-vous de Loth [neveu d’Abraham] disant à son peuple : est-ce vrai que vous vous livrez à cette abomination que nul, parmi les mondes n’a commise avant vous ? Vous vous approchez des hommes de préférence aux femmes pour assouvir vos passions. Vous êtes un peuple pervers. [..][1] 

 


Piss Christ
Andres Serrano


 

[1] Mushin, ex imam en Afrique du Sud, affirme que cet épisode peut être interprété comme un interdit sur le viol homosexuel et non sur l’amour homosexuel.



Cette brutalité des textes anciens paraît aujourd’hui datée, continue le journaliste. Elle était une réaction à des civilisations préchrétiennes ou préislamiques marquées du sceau de la barbarie. [..] » (Sic)

 

Bon, deux citations de « bouquins » énormes, ça ne fait pas grand chose (Henri Tincq évoque aussi St Paul, mais ça ne compte pas car celui-là, il ne m’a jamais plu).

On note que le lesbianisme n’y est pas évoqué tout comme le Nouveau Testament et Jésus-Christ à qui l’on doit tout de même le christianisme, mais il est vrai que celui qui s’est dit être « le fils de Dieu » a surtout parlé « d’amour du prochain » sans oublier les prostituées, bref, a surtout prêché l’humanité.

 

Sana, qui vit en France, Ferda et Kiymet les turques ou Mushin le sud-africain, ne disent pas autre chose pour tenter de concilier leur homosexualité et les préceptes de l’Islam : Allah est aimant et miséricordieux, l’amour homosexuel ne fait de tort à personne, ce n’est que de l’amour.

 

The factory de Richard Avedon (au Jeu de paume)




D’humanité, il est question dans la dernière partie de l’article du spécialiste des religions au Monde, mais je ne suis pas sûr d’y prêter le même sens : « Nul ne peut oublier le poids d’homophobie et d’odieuse répression légué par l’interdit biblique et coranique de l’homosexualité. Mais l’héritage monothéiste ne se limite pas à lui. Les religions qui s’en inspirent sont aussi « expertes en humanité » (selon le mot du pape Paul VI), dépositaires d’un patrimoine moral valable pour l’humanité, fondé sur le Décalogue et le récit de la Création. « Homme et femme, Il les créa », rapporte le livre de la Genèse. » [...]

 

Ben, voyons ! Les homos vous remercient. Notamment ceux qui sont opprimés dans des sociétés non démocratiques où ne prévaut pas la séparation stricte du religieux et du politique, et dans lesquelles l’idée de respect des libertés individuelles est impensable puisqu’il ne s’y admet pour vérité, que celle de dogmes religieux appelant à l’exclusion et au châtiment d’individus différents : les homosexuels.

 



Appris aussi dans ce documentaire :


Idylle culte
Au seizième siècle, le mystique et poète soufi, Shah Hussein, tomba amoureux d’un jeune hindou, Madho Lal, des siècles plus tard, les pakistanais célèbrent toujours cet amour, lors d’une fête annuelle : l’Urs, à la date anniversaire de la mort du poète.

Tartuferie au Pakistan (le témoignage d'un jeune homme appétissant) 
Parfois, je me dis que je suis dans l’erreur, et parfois que c’est Dieu qui m’a créé ainsi, or Dieu est omniscient. Dieu m’a créé musulman, je n’ai pas le choix d’être autre chose. Un jour j’étais assis devant une grande mosquée quand un Mawlana (un Imam) est passé devant moi. Je lui ai demandé pourquoi l’homosexualité était interdite. Il m’a juste répondu : « c’est un péché et la terre s’ouvrira », et ensuite il a voulu que je vienne avec lui. J’ai dit : « mais tu viens de m’expliquer que c’était un péché » et lui « ça ne fait rien, viens avec moi ! » et il m’a embrassé sur la joue.

 

 


 

Rediffusion le 02 octobre 2008 à 09:55

 

 

Telerama.fr/ Djihad, au nom de l'amour

Afrik.com/ Des homosexuels mènent le Jihad au nom de l'amour 

 

Dans le documentaire, Mazen, le jeune égyptien raflé en 2001 devant la discothèque Queen Boat, emprisonné puis exilé en France, discute avec Abdellah Taïa

 

Lestoilesroses.com/ Le poids de la religion dans l'homophobie - Kim

Culture-et-debats/ L'Eglise catholique et les homosexuels

     

Puisque le moteur de recherche d’Overblog n’a jamais fonctionné correctement, quelques liens sur ce blog :
 

Notesgaydethomas/ Pour en finir avec les causes de l'homosexualité : l'Euréka d'un rabbin (Entendu dans « Ils tremblent devant Dieu » de Sandi Simcha Dubowski à propos de l’homosexualité chez les juifs orthodoxes)

Notesgaydethomas/ "David et Jonathan" ou le mariage de la carpe et du lapin...

 Notesgaydethomas.over-blog.com/ Anatrella la la la la lère

 Exils dans Notesgaydethomas/ Mauvaise nuit

Notesgaydethomas/ Cité pas gay


 

« Je hais vos idées, mais je me ferai tuer pour que vous ayez le droit de les exprimer. » (Voltaire)
Un journal et un film pour défendre ce droit fondamental en démocratie
:

Allocine.fr/ C'est dur d'être aimé par des cons

 




 

 



Mais la jalousie n’est-elle pas un pur produit de l’ego ?

Non, non ! Vous revenez avec votre foutu individualisme, avec Jean-Paul Sartre. Vous refusez de voir votre responsabilité collective. Vous ne voulez pas vous dédier à construire une famille. En Chine, la famille est tout. En Chine, nous ne sommes jamais seuls. Le concept de solitude n’existe pas. Nous vivons tous ensemble, parents, enfants, grands-parents, petits-enfants. Dehors, nous sommes au milieu de la foule qui nous regarde. Nous n’avons pas de vie privée. Nous sommes surpeuplés. Nous devons agir en accord avec les autres et notre famille.

 

Xiaolu Guo, écrivaine et cinéaste chinoise dans le Monde 2 du 20/9/8

 


 

 


Photo : Collier Schorr

 

 

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #livres, #Au nom d'Allah, #homophobie, #ciné-séries, #culture gay, #vivre ensemble

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