Les droits de la femme et de l’homo passent à la trappe

Publié le 5 Mai 2009


 


A l’occasion de la 2e conférence de l’ONU contre le racisme, la chaine TV Arte a diffusé un très intéressant documentaire de Caroline Fourest et de  Fiammetta Venner : La bataille des droits de l'homme.

Ce dernier nous fait pénétrer dans les coulisses du Conseil des droits de l'homme de l’ONU, dont la mission est de « renforcer la promotion et la protection des droits de l'homme autour du globe » qui ont été énumérés en 1948 dans la déclaration universelle, en abordant les « situations de violations de droits de l'homme » et en émettant « des recommandations à leur encontre ».

 

Au sortir des atrocités de la deuxième guerre mondiale déclenchées par des régimes totalitaires et de la crise économique mondiale qui l’avait précédée, la déclaration universelle des droits de l'homme, avait été adoptée sans difficulté par les 58 membres de l’ONU qu’elle comptait alors[1], même si 8 pays s’étaient abstenus : l’Afrique du Sud, car la déclaration dénonçait l’apartheid qu’elle avait institué, l’Arabie Saoudite, pour la question de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, l’URSS et 5 pays satellites notamment parce qu'elle voulait la reconnaissance de droits économiques et sociaux étendus et que la guerre froide commençait.

 

[1] Elle en compte désormais 192.


 Kiss in d'Act-Up devant l'ambassade du Nigéria 18 mai 2007

 

Le conseil des droits de l’homme a été institué en 2006 pour remplacer la commission des droits de l'homme à qui il était reproché sa « politisation » notamment anti-américaine, qui avait conduit les Etats-Unis à ne plus y siéger. Plus grave, d’aucuns l’accusaient d’être  instrumentalisée par des Etats violant les droits de l’homme, pour ainsi "se soustraire aux critiques, ou pour critiquer les autres". Le discrédit éclata au grand jour lorsque la Libye obtint d’être élue à sa tête, avec l’Iran à la vice présidence de cette commission (sic).

 

Le changement institutionnel a-t-il modifié la donne ? Sans surprise, nullement. La Libye conserve la présidence épaulée par un rapporteur cubain (sic 2e).[1]

Le documentaire montre en fait en miniature le monde tel qu’il est : une minorité de pays démocratiques pas toujours exemplaires (Guantanamo a fait beaucoup de mal à leur image), qui la financent à 90 %, face à une majorité de dictatures bafouant les droits de l’homme.

 

 

Avec une telle donne, les différents blocs de pays mis en accusation s’y serrent les coudes et s’échangent des services.

C’est ainsi que le bloc des pays musulmans (environ un tiers des pays composant le conseil) a obtenu le soutien de pays qui ne le sont pas et qui persécutent même des minorités religieuses, notamment la Chine, pour faire adopter en 2008 une résolution  condamnant la diffamation des religions.

La résolution a beau être non contraignante, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour voir la menace qu’elle fait peser sur la liberté d’expression.

Un collectif de 180 ONG a dénoncé un concept "sans aucun fondement dans le droit national ou international" et en contradiction avec le principe même des droits de l'homme, "qui protègent les individus contre les violences, pas les croyances contre un examen critique".

 

En effet, sans être juriste en droit international on comprend sans peine que ce concept est en contradiction avec l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme que le conseil est censé promouvoir et protéger :

 

Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.


 
 

Dans son enceinte, les accusations de « diffamation des religions », d’«outrage à la religion », d’« islamophobie », ou pour les plus lyriques d’« incitation à la haine religieuse » sont devenues ainsi extrêmement efficaces pour obtenir que ne soient plus abordées le sujet des femmes lapidées pour adultère comme le prévoit la Charia, ou des homosexuels persécutés au nom de la pudeur et de la loi islamique, bien que ces exactions violent de manière flagrante ne serait-ce que les trois premiers articles de la déclaration universelle des droits de l’homme.

Je n’évoquerai même pas ma stupéfaction d’entendre certains représentants de pays musulmans commencer systématiquement leur intervention par une prière dans cette enceinte internationale et invoquer à tout bout de champ leur dieu, au mépris de leurs interlocuteurs qui ne partagent pas leurs croyances[1].

 

[1] Ce sans-gêne me fait également me souvenir de la stupéfaction énervée de Gabriel de se voir imposer en Irlande un bénédicité au début d’un repas diplomatique de l’UE.  


 

Boris Ignatovitch The baths Moscow 1935
 

Ce sont donc les mêmes personnes qui ont préparé la 2e Conférence contre le racisme qui vient de se tenir à Genève, huit ans après celle de Durban qui s’était soldée par un fiasco complet pour cause de focalisation sur Israël, accusé de racisme et d’apartheid envers les Palestiniens.

 

Le texte préparatoire de cette 2e conférence qui a pris le nom de Durban II stigmatisait toujours Israël et comportait les concepts de diffamation des religions et d’islamophobie. Dans ces conditions, l'Allemagne, l'Australie, le Canada, les Etats-Unis, l'Italie, Israël, les Pays-Bas, la Pologne et la Nouvelle-Zélande avaient annoncé qu’ils ne rendraient pas à Genève.

 

Pour sauver la conférence après la violente (et attendue) diatribe du président iranien Mahmoud Dahmadinedjad qui a provoqué le départ de plusieurs délégués de pays occidentaux présents dans la salle, les participants ont adopté en catastrophe, deux jours avant la fin de la conférence leur déclaration finale afin de prévenir de nouvelles défections.

Le texte de compromis ne comporte plus de stigmatisation d’Israël, ni de mention de « diffamation des religions ».
Mais il déplore  « la croissance mondiale du nombre d'incidents racistes ou d'intolérance et de violence religieuse, y compris d'islamophobie, d'antisémitisme, de christianophobie, et d'anti-arabisme manifesté notamment dans les stéréotypes insultants et la stigmatisation des personnes fondés sur leur religion ou leurs croyances »
[1]... bien entendu sans évoquer « les stéréotypes insultants, la stigmatisation des personnes fondés sur » leur orientation sexuelle.

Enfin, le texte exprime sa préoccupation face « à la persistance des discriminations contre les femmes et les filles sur la base de la race ». Il souligne aussi « dans le contexte des discriminations multiples, la nécessité de traiter toutes les formes de violence contre les femmes et les enfants comme un délit punissable par la loi »... évidemment en omettant la violence que subissent des femmes au nom d’une religion.


Konrad Helbig - Brazil 1968


Sans vouloir jouer les Cassandre , je suis loin d’être sûr qu’on obtiendra mieux en 2017 pour Durban III.

Alors que faire ? Jeter l’éponge ? Non. Être Têtu, continuer à batailler pour éviter de se retrouver un jour avec un droit international qui vous interdirait de critiquer les religions, continuer à ferrailler parce que ce droit international est la seule arme dont disposent des victimes de persécutions ou de discriminations et les ONG qui les défendent.

 

PS. Nathalie nous a invités à dîner pour nous présenter son nouvel amoureux. C’est un réfugié politique d’Uruguay, communiste (ce n’est pas avec la politique qu’il l’a séduite), en France depuis près de 30 ans. Zac et son copain du moment étaient aussi de la partie. Lorsqu’ils ont tiré leur révérence, Pedro s’est mis à critiquer la vie dissolue de Zac (un « puto »), ce qui nous a inévitablement entraînés dans une longue conversation, au cours de laquelle il a fallu réfuter tous les poncifs homophobes et machistes qu’il alignait, à commencer par sa conception du « bon » homosexuel : «ça ne se voit pas » (non efféminé, excentrique ?), vivant en couple, sans enfant, « monogame »,  l’évocation des arguments du contre nature, ou du primat de la société sur l’individu, etc.

Bien évidemment, lorsqu’elle nous a rappelés le lendemain pour nous demander notre avis sur son chéri, je l’ai comblé de louanges.



La journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld

 



Pour visionner le documentaire :

La bataille des droits de l'homme
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (avec documentaire vidéo clair et concis)

Prochoix.org/-les-lecons-de-durban-ii-caroline-fourest

 

Actualité du sujet le jour de la rédaction de ce billet :

Courrierinternational.com/ l-homosexualite-fait-debat-a-dakar et autres articles

Vimeo.com/ Papa Mbaye, persécuté au Sénégal, fou de joie à New York

 

Notesgaydethomas/ L'homosexualité en Afrique, héritage pré ou post colonial ?

 

Dailymotion.com/ -kissin-devant-lambassade-du-nigeria 18-5-7

  

Notesgaydethomas/ Au nom de l'amour

A propos de la notion de diffamation des religions :

Notesgaydethomas/ "L'art présumé coupable" ou "le crime sans victime"

 



 

Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #homophobie, #libertés, #Au nom d'Allah

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