Publié le 6 Février 2017

Moonlight de Barry Jenkins

Moonlight de Barry Jenkins

"Hello Stranger" de Barbara Lewis (1963) dans "Moonlight" de Barry Jenkins

Un accusé est cuit si son avocat n'est pas cru.

Pierre Dac

Au lendemain du premier tour des primaires de la Droite où François Fillon était sorti largement en tête, ce matin-là sur France Culture, Philippe Manière louait le programme d’austérité budgétaire thatchérien de l’ancien premier ministre candidat qui, tel Winston Churchill, le 13 mai 1940, ne promettait rien d’autre que «du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » surtout pour les fonctionnaires que nous étions, mais pas que... On s’est alors dit que s’il était élu, le catho de "la Manif pour tous" risquait de sérieusement nous pourrir la vie. Restait un seul moyen de réagir : voter contre lui au 2e tour de ces primaires. 

Fion travesti en Margaret Thatcher

Fion travesti en Margaret Thatcher

Comme j’hésitais encore sur la pertinence de l’intention, j’ai consulté notre entourage par courriel. Les retours, parfaitement partagées en deux camps, furent intéressants. Il y avait d’abord ceux qui ne se sentaient nullement concernés par une primaire de droite. Ainsi, l'un d'entre eux a évoqué « un mal au cul persistant depuis 2002 » et a dit sa satisfaction d'avoir « une fille de droite à qui il suffisait de donner les deux euros pour qu'elle aille voter Juppé ». Sans surprise, Elisabeth énamourée de "Droopy" a raillé "une gauche qui cherche son candidat parmi la droite" (depuis elle a rallié Emmanuel Macron). Deux autres ont botté en touche, Géraldine en nous invitant sans autre commentaire à son anniversaire, Paulo en nous proposant une commande de pinard. Ce dernier voulait croire que Fillon c'était bon pour Bayrou qu'il aimait bien, tandis que Darek ne jurait plus que pour Emmanuel au 1er tour. Quant à José « résolument opposé aux primaires, plaie de la démocratie, gadget démago qui masque le fond pour surpondérer la forme », il ne voterait pas à la primaire de "gauche" alors à celle de droite!

Jean-Luc Verna Idéologie II (2011) Transfert sur panneau de bois circulaire rehaussé de pierre noire, de crayon et de pastel sec, vernissé. Galerie Air de Paris

Jean-Luc Verna Idéologie II (2011) Transfert sur panneau de bois circulaire rehaussé de pierre noire, de crayon et de pastel sec, vernissé. Galerie Air de Paris

L'autre camp disait comme nous qu'il faudrait y aller, histoire d'avoir fait quelque chose pour essayer d'éviter ce « Fion » (Sylvie a d'ailleurs déjà voté au 1er tour), leur sentiment est admirablement résumé par Pierre-Emmanuel. qui a écrit : "Cela faisait un moment qu'on votait contre, et pas pour quelqu'un. Et maintenant on se retrouve à voter pour mais contre un candidat contre un autre candidat ... ça devient un peu relou, comme on dit quand on est jeune." Pour sa sœur ça coince encore avec "les 2€ et la signature de la charte" qui lui "font un peu mal au derrière" (noter la récurrence des douleurs rectales dans le propos), pour rajouter "Nous habiterions dans la même ville, on y serait tous allés main dans la main, histoire de se donner du courage." Ma mère se demandait elle si Fillon ne constituait pas le meilleur candidat pour faire barrage au national-socialisme du FN jusqu'à ce qu'elle regarde "C dans l'air" où il lui a paru patent qu’il était le candidat de la "droite aisée" et pas du tout celui des classes populaires.

Bref, on est allé voter, et comme d’habitude, « notre candidat » a perdu.

Revenu universel : les feignasses ont leur candidat (Charlie Hebdo)

Revenu universel : les feignasses ont leur candidat (Charlie Hebdo)

Puis vint le tour de la primaire de gauche. Personnellement, je n’avais même pas l’énergie d’aller « voter contre » mais après avoir déposé son bulletin dans l’urne, Gabriel m’a dit qu’il aurait pu aussi voter pour le candidat écolo, ce que je suis allé finalement faire pour apporter mon écot à ce scrutin.

Le dimanche suivant, le sympathique « candidat des feignasses » n’a pas eu besoin que je me déplace pour l’emporter.

Carpe diem gif animé

Carpe diem gif animé

Entre-temps, le Canard Enchaîné balançait son énorme pavé dans la mare du candidat de la droite républicaine : Fillon aurait fait rémunérer son épouse durant huit ans pour un emploi d’attachée parlementaire qu’elle n’a selon ses propres déclarations jamais occupé, touchant quelque 500.000 euros brut au passage, auquel s’ajouterait un emploi qui s’annonce tout aussi fictif chez un copain à la Revue des deux mondes pour la modique somme de 100.000 euros. Depuis, la présomption de « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits » a grimpé à 830.000 euros de salaire brut comme attachée parlementaire, auxquels s'ajoutent 84 000 euros également versés à deux de ses enfants alors encore étudiants.

Le coup de théâtre est digne de celui du PS se voyant privé de son favori après que DSK eut perdu le contrôle de sa libido au Sofitel de New York ! Dans un contexte de grande défiance à l’égard des institutions politiques, ces révélations brisent l’image de François Fillon « qui proclamait bien haut son honnêteté, sa rigueur et qui plaçait la transparence au sommet de son panthéon personnel». Comment Fillon et ses soutiens peuvent-ils aussi encore défendre « un programme qui demande des sacrifices à tout le monde, notamment à ceux en bas de la pyramide » et se réserver pour soi et sa famille de tels privilèges ?

"La La Land" de Damien Chazelle avec Ryan Gosling, Emma Stone

Pourtant, tel un enfant à qui on enlèverait le jouet qu’on vient de lui offrir, il continue à crier au complot, jurant qu’il ne renoncera que s’il est mis en examen, tout en sachant pertinemment que la décision ne devrait pas pouvoir être prononcée avant les élections, et que s'il était élu, il bénéficierait alors, comme tout président, d'une immunité durant son mandat qui repousserait de cinq ans l'hypothèse d'éventuelles poursuites, comme cela fut le cas pour Jacques Chirac dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. Pour l’heure, si 68% des Français ne souhaitent pas que l'ancien Premier ministre maintienne sa candidature, 64 % des sympathisants de son parti continuent encore à la soutenir.

Comment interpréter une telle situation, sinon le signe d’une déliquescence des mœurs politiques, du civisme et de l’éthique au sein d’une partie de la population française ?

Lil Buck à la fondation Louis Vuitton Paris à l'occasion de l'exposition de la collection Chtchoukine. Avec Jérémy et Laura (Gabriel avait oublié qu'il serait encore à Helsinki)

En outre, elle dénote que Fillon et ses soutiens font le pari que les faits comptent moins que les affabulations ou autres "faits alternatifs" (alternative facts), parce que nombreux sont les individus prêts à croire ces affabulations (ou à faire mine de les croire), les préférant aux faits, à la réalité, ce que depuis les campagnes du Brexit et de l’élection présidentielle américaine qui a porté Trump au pouvoir, on nomme post-vérité (post-truth). A cet égard, la réaction d’un vieil ami catho (de droite) de mes parents lorsque fut abordé le Pénélope Gate, est emblématique de ce nouvel obscurantisme. Ce proctologue retraité que ma mère juge intellectuellement honnête, s’est écrié : « Oh moi les médias, ces fouille-merde, je crois que je vais finir par ne plus les écouter. » « Mais enfin, P., tu ne disais pas ça quand est sortie l’affaire Cahuzac », lui a répliqué ma mère chérie, avant d’embarrasser l'assemblée avec la parole du Christ et les valeurs chrétiennes qui les réunissaient.

En attendant, cette affaire nous aura au moins permis de bien nous marrer ce week-end grâce aux plumes du quotidien Libération qui se sont surpassées.

Pénélope Fillon

Ses atouts - Une autre femme dans la présidentielle, ça aurait de la gueule. Et quelle gueule ! Une solide expérience en région, au plus près des Français, un CV béton. Elle peut jouer à fond son rôle de femme au foyer qui a tellement bien élevé ses enfants qu’ils étaient avocats avant même d’avoir obtenu leurs diplômes. Digne dans l’épreuve, elle peut surfer sur l’image d’une femme blessée qui prend sa revanche sur les hommes blancs de plus de 60 ans. Atout supplémentaire, le parti n’aurait pas besoin de réimprimer tous les tracts de campagne.
Ses faiblesses - Expérience politique insignifiante, quoiqu’en dise son CV. Son mari. Ne regarde pas forcément tout ce qu’elle signe.

Un de perdu, six de retrouvés : nos candidats alternatifs pour la droite

Mélancolie au château. Penelope F., l’œil vague et la bouche vermeille, le teint hâve et la mine cocardière, contemple les ruines fumantes de sa destinée en lambeaux. La plaine sarthoise, où vaticine son esprit lexomilé, lui paraît soudain plus morne qu’un jour sans messe (pénurie d’hosties), sans domestiques (en congés, les gueux - la faute aux 35 heures), sans l’ombre d’une sénatoriale. Toute repeinte de bleu, de blanc, de rouge et d’anxiolytiques, elle a à sa France un mal de chien. […]

Pénélope, amour du lys par Didier Péron et Julien Gester

[…] On lui aurait donné le pays sans confession et voilà qu’il apprend à ses dépens que charité bien ordonnée ne commence plus par soi-même. Si j’ai bien compris, la seule faute de François Fillon, s’il se révélait qu’il en a commis une, serait d’avoir anticipé à sa manière le revenu universel : un emploi fictif pour tous.

Bal tragique à Sablé-sur-Sarthe par Mathieu Lindon

 

PS. Si comme moi, cette affaire vous file des eczématides, vous pouvez toujours signer la pétition adressée à Pénélope Fillon lui réclamant le remboursement des sommes indûment perçues.

"Brothers of the night" film documentaire de Patric Chiha

"Brothers of the night" film documentaire de Patric Chiha

Baiser noir et blanc

Baiser noir et blanc

Paris-Berlin, destins croisés : trois siècles d'une histoire tumultueuse - http://www.arte.tv/guide/fr/051897-001-A/paris-berlin-destins-croises-1-4

Tu vas rire - Albin de la Simone

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Rédigé par Thomas Querqy

Publié dans #politique, #les fâcheux, #les français, #Paris, #Allemagne

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